tag:blogger.com,1999:blog-264766762024-03-22T06:41:07.429+01:00Mécanique filmiqueCinéma et représentationsAurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.comBlogger85125tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-92101151353754968702011-02-21T18:28:00.000+01:002016-03-09T09:09:55.476+01:00La dictature de la norme dans Elephant Man de David Lynch<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOaPFEIqxJ2qKB_HqV2nie6Y0LJ-pVIKsU1fx2hLC7s2zn6RmVTiz2exCtof8C57sOS3jPgMGkVefIVmsxswcOAf3cP84ioto9Ke5iUJcTWmwYBB63OBEDVe_yajFAndXaoDiLxg/s1600/elephant_man.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img alt="" border="0" height="300" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5426277988257527186" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOaPFEIqxJ2qKB_HqV2nie6Y0LJ-pVIKsU1fx2hLC7s2zn6RmVTiz2exCtof8C57sOS3jPgMGkVefIVmsxswcOAf3cP84ioto9Ke5iUJcTWmwYBB63OBEDVe_yajFAndXaoDiLxg/s400/elephant_man.jpg" style="display: block; height: 300px; margin-top: 0px; text-align: center; width: 400px;" width="400" /></a><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">'histoire </span>d'<i>Elephant Man</i> <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">se déroule au début</span> de</span> la deuxième révolution industrielle. Le Royaume-Uni entre dans un nouvel âge technologique à partir des années 1880. La révolution industrielle se fonde sur l’exploitation de nouvelles sources d’énergie, principalement l’électricité et le pétrole. L’acier, l’électrochimie, la pétrochimie, les nouvelles machines sont les branches motrices de cette mutation des modalités de production, qui favorise les grandes vi<span style="font-size: small;">lles <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">(1)</span>. C’</span>est à cette époque, marquée par la dernière phase du règne de Victoria (1837-1901), que John Merrick, « homme-éléphant », martyr, bête de foire et attraction mondaine, voit le jour. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Cette naissance est indissociable <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">de son </span>contexte histori<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">que</span></span></span>, comme le soulignent l<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">es images</span> et la bande-son. David Lynch perçoit déjà une analogie directe entre les nombreuses protubérances peuplant le corps de John et les explosions industrielles<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">2)</span></span>. Le réalisateur <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">choisit </span>le noir et blanc pour accentuer la part de mystère du <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">protagoniste</span>. Les jeux <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">d'ombre et de lumière<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> de </span></span>Freddie Francis, le chef opérateur,<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">reflètent</span> ainsi</span></span> les antagonismes qui caractérisent Merrick – <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">à la fois homme et monstre</span> – et la société victorienne – aussi charitable que cruelle. L’obscurité est logiquement réservée à l’univers nocturne, celui des tavernes ou de la cage de Merrick, lieux où dominent la vulgarité, la perversité et l’ignominie. La clarté est plutôt utilisée dans les séquences situées dans l’hôpital, lieu où règnent l’ordre et la dignité humaine. La bande-son, quant à elle, contient de nombreux bruitages (sifflements, ronflements, cliquetis, grincements) qui illustrent l’univers auditif d<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">u monde <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">industriel</span></span>. John peut lui-même être comparé à une sorte de « fabrique sonore », produisant des bruits respiratoires aussi désagréables que ceux d’une usine. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Merrick n’est donc pas un personnage <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">anhistori<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">que</span></span>. Il ne peut fonctionner qu’à l’intérieur d’une certaine société et d’une certaine économie – même si le monstre est aussi vieux que le monde. Il est le fruit d’une époque bi<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">en précise</span>. Le cadre social, lui-même configuré par <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">des </span>spécificités économiques, détermine un regard sur l’altérité. Ce rapport entre soi et l’autre, qui s’insère dans le cadre normatif du XIXe siècle, met également au jour une radiographie assez précise des mentalités et des jeux de représentation <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">propres à</span> l’ère victorienne<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (3)</span>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’espace de la monstration</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’espace global de la représentation est configuré dès le début du film. Le spectateur, en même temps que Treves, découvre les attractions de la fête foraine : les marionnettes, les tigres en cage, les cracheurs de feu et les « freaks »<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ces </span></span>monstres <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">exhibés dans les fêtes forai<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">nes</span></span>. Ceux-ci incarnent à la fois l’altérité absolue et la dimension du spectacle (en étant assimilés à une curiosité comme une autre). Leur seule fonction sociale est d’appartenir à l’espace de la monstration. Triste réduction de l’existence par la dictature de la norme. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Treves rencontre Bytes et demande une séance privée. Le forain joue le jeu et raconte l’histoire de l’homme-éléphant. La pantomime transpose le spectateur dans un ailleurs fantasmatique, sur une île inconnue, au large de l’Afrique. Une femme est renversée par un éléphant durant son quatrième mois de grossesse. L’histoire fait référence à la séquence d’ouverture. Le film débute par un gros plan sur les yeux de la mère de Merrick. La caméra descend pour filmer le nez puis la bouche. Le plan suivant montre la photographie du personnage en entier. Il s’agit d’une très belle femme. L’opérateur fait un zoom sur le visage de la mère, relié au plan précédent par un fondu enchaîné et au plan suivant par un fondu noir. Cet effet de liaison<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> </span>scande toute la séquence. Un troupeau d’éléphants est filmé en plan fixe. L’image se superpose au visage de la mère. L’image se fige. Deuxième fondu noir. Les éléphants avancent vers l’appareil. Troisième fondu noir. Un éléphant est filmé en gros plan et au ralenti. Il donne un coup de trompe et fait tomber la mère, qui hurle. On entend seulement un barrissement amplifié,<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> </span>accompagné d’un martèlement menaçant. Le champ-contrechamp représente d’un côté la jeune femme qui est agressée, de l’autre l’animal qui s’acharne sur elle. Quatrième fondu noir. Une fumée blanche apparaît dans l’obscurité, accompagnée par le bruit du vent et les pleurs d’un bébé. Un fondu ferme logiquement la séquence. L’accident produit symboliquement un transfert organique. La physionomie de la bête s’imprègne dans les tissus intra-utérins et transforme le fœtus en pachyderme<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (4)</span>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le mystère, qui retarde le moment de la monstration, alimente d’autant plus la curiosité de Treves. Les artifices de la mise en scène <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">fonctionnent </span>parfaitement : le chirurgien est médusé. Celui-ci aperçoit enfin Merrick, qui apparaît dans deux plans très brefs. Le public, dans la salle obscure, n’a pas le temps de bien discerner la créature. Sa curiosité, contrairement à celle de Treves, n’est pas assouvie<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (5)</span>. Pour l’instant, l’homme-éléphant est juste hors champ. Il est invisible et ne parle pas – on entend seulement le bruit roque de sa respiration. Le monstre est piégé dans les limites de la non-monstration. Le jeu de la représentation est faussé, tandis que le paradoxe nourrit la frustration du spectateur<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (6)</span>.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">mystère </span>continue lorsque</span> John arrive à l’hôpital. Il porte une cape et une cagoule surmontée d’une casquette. Lynch continue de cacher le personnage. Le regard demeure interdit. La démarche, aussi maladroite qu’inquiétante, les difficultés respiratoires de Merrick (on a l’impression qu’il est sans cesse au bord de l’asphyxie), augmentent les intentions voyeuristes du public. Comble de l’étrangeté : la cagoule ne présente qu’un seul orifice. Le masque a trois fonctions dans le film : il protège le regard de la foule en cachant la monstruosité de Merrick<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, il protège Merrick en le préservant de la fur<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ie</span> populaire,<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> il</span></span> accroît enfin la curiosité naturelle du spectateur. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La séquence où l’homme-éléphant entre dans le hall de l’hôpital permet une transition subtile entre l’espace de la monstration vulgaire (la fête foraine) et l’espace de la monstration scientifique (le cabinet de Treves). Il passe alors du statut d’objet d’effroi <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">à <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">c</span>elui</span> d’objet médical. Le phénomène de foire devient un phénomène anatomique. Le comportement de Merrick se conforme par conséquent à la manière dont il est traité par ceux qui l’exhibent (forain ou chirurgien). Confiné dans son mutisme, il ne répond pas aux questions de Treves, ni ne donne de signes de compréhension. La communication, pour l’instant, est impossible, malgré les paroles rassurantes du docteur, qui ne réalise aucunement la maladresse de ses propos : <i>« N’ayez pas peur, je veux juste vous regarder »</i>. L’homme-éléphant est soumis au regard normatif de Treves, comme il était auparavant soumis au regard terrifié des amateurs de sensations fortes. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le chirurgien réitère la démarche de Bytes dans la séquence suivante. Après avoir regardé le monstre, il veut cette fois le montrer, en le présentant à ses éminents collègues de l’Université. L’amphithéâtre est bondé. Treves décrit les caractéristiques morphologiques de Merrick, caché derrière un rideau. Lynch ne montre toujours pas le corps disgracieux, uniquement filmé en ombre chinoise. Nouvelle mise en scène de la monstruosité. Les savants applaudissent, comme au <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">théâtre</span>, la découverte de Treves. Fête foraine ou conférence scientifique, c'est <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">la même logique du </span>spectacle <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">qui s'applique</span>.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Tous les personnages ne réagissent pourtant pas de manière identique. <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le film </span>présente en fait <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">plusieurs</span> niveaux d</span>’humanité. Au niveau le plus bas se trouvent Bytes ou Broadneck (le manutentionnaire qui s’occupe du système de chauffage de l’hôpital), qui ne perçoivent Merrick qu’à travers un prisme lucratif. Bytes est dénué d’humanité – sa brutalité est décuplée par son alcoolisme. Broadneck ne vaut pas mieux : même s’il fait preuve de moins de cruauté (il ne le bat pas), il profite de l’<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">a fragilité </span>de l’homme-éléphant pour l’humilier et le torturer mentalement. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Treves et son épouse, les infirmières, Carr Gomm le directeur de l’hôpital, l’actrice Madge Kendal et la bonne société londonienne qui défile dans la chambre de Merrick, se comportent plus humainement avec le personnage. Il s’agit là encore de faire des distinctions. Certains sont réellement touchés par le destin de Merrick. D’autres le perçoivent seulement comme un <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">enjeu </span>mondain. Dans tous les cas, c’est néanmoins la logique utilitariste qui l’emporte. Le film ne ménage aucune place à la morale kantienne : les personnages, aussi charitable soient-ils, n’agissent que par intérêt : les riches s’achètent une conscience, tandis que Treves s’intéresse d’abord au cas Merrick pour acquérir une notoriété scientifique. Le chirurgien découvre ensuite l’homme qui se cache derrière l’animal et se met à lui témoigner une amitié sincère. Il réalise alors qu’il n’est pas différent de Bytes, puisqu’il a lui même instrumentalisé l’homme-éléphant en faisant de ce dernier une attraction bourgeoise et un sujet de salon. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Objet d’effroi, objet médical, objet <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">social</span>. Merrick devient une célébrité grâce à plusieurs articles de presse qui vantent à la fois sa difformité et son raffinement intellectuel. Cette contradiction nourrit la curiosité de l’élite sociale. Son voyeurisme est plus sophistiqué que celui de<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">s masses laborieuses</span>, mais <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">l'élite</span> consid<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ère <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">également</span> </span> la créature comme un objet qu’il s’agit de scruter sous tous les angles. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">A la suite de l’orgie organisée par Broadneck, Bytes se rend dans la chambre de Merrick. Il enlève son « trésor » pour l’exhiber de nouveau dans les fêtes foraines. La vie du personnage redevient un calvaire. Les autres monstres le prennent en pitié et décident de le libérer. Leur attitude n’est cependant pas dénuée d’ambigüité. Beaucoup d’historiens du cinéma ont vu en eux <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">une humanité</span> <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">véritable et sincère</span>. Leur compassion est certes admirable, mais elle reste dictée par leur condition même de monstre. Leur comportement n’est pas moins utilitariste que celui de l’aristocratie ou de la bourgeoisie. La solidarité des « freaks » se fonde sur un principe communautariste qui ne témoigne pas d’une bonté extérieure à leur condition marginale. </span><br />
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Dès lors, c’est bien John qui <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">est </span>le personnage le plus humain du film. Le monstre, malgré les sévices qu’il a pu subir, se comporte avec douceur et gentillesse, sans jamais témoigner la moindre trace d’animosité à l’égard des hommes. Sa bonté dépasse tous les clivages, tous les critères de normalité et d’anormalité, toutes les formes de communautarisme. Le comportement de Merrick est d’ailleurs inexplicable, et relève d’un mystère aussi profond que celui de son origine monstrueuse. Cette grande pureté appartient bien sûr au domaine de la fiction – tout comme l’histoire racontée par Bytes. Les scénaristes se sont en effet inspirés de la vie du vrai Merrick<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (7)</span><span style="font-kerning: none; vertical-align: 3.0px;"> </span>et ont façonné un personnage angélique pour <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">rendre possible </span>son intégration sociale. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La naissance de John Merrick </span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les cours de Michel Foucault au Collège de France sont consacrés, en 1975, à l’étude de l’anormalité. Pour lui, l<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">e</span></span> pouvoir, à partir du XVIIIe siècle, met en pratique une grande inventivité dans sa capacité de reformulation<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> et produit un savoir indispensable à son bon fonctionnement (8)</span>. Foucault analyse sur cette base les éléments qui déterminent le terrain de l’anomalie au XIXe siècle. Parmi ces éléments, il définit le « monstre humain », qui implique à la fois la violation des lois de la société et des droits de la nature<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (9)</span>.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Dès l’époque médiévale, se met en place la figure du monstre, qui implique une superposition entre l’homme et l’animal. L’homme-éléphant, dans le film de Lynch, fonctionne sur ce principe de transgression de la classification des espèces – il est la synthèse de l’hominidé et du pachyderme<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (10)</span>. Mais ce caractère hybride n’est pas suffisant pour définir la spécificité du monstre. Pour Foucault, le monstre remet non seulement en cause l’ordre naturel, mais aussi la loi civile et religieuse. Il représente une <i>« infraction du droit humain et divin »</i><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (11)</span>, car il résulte de l’accouplement de l’homme avec l’animal. Le père de Merrick n’est jamais mentionné dans le film. Cette absence renforce la métaphore de l’animalité évoquée par Bytes pour expliquer l’origine de l’homme-éléphant. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le XIXe siècle opère une dernière mutation du concept de monstre : désormais, celui-ci présente un penchant manifeste pour le crime ou un comportement franchement criminel. <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Dans cette perspective, l</span>e monstre est monstrueux car il <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">représente </span>un danger pour la société. Merrick doit donc se soustraire à la vue des hommes<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, </span>vivre en marge, se cacher dans la baraque de Bytes, porter une cagoule lorsqu’il est en public. Il doit de plus présenter une grande intégrité morale, pour montrer qu’il n’est pas une menace et briser le processus de marginalisation dont il est victime. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Carr Gomm et les visiteurs peuvent se rassurer : Merrick se comporte en bon chrétien, voire même en saint homme. Le personnage cite le Nouveau Testament de mémoire et construit la maquette de l’église qu’il entraperçoit depuis la fenêtre de sa chambre<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (12)</span>. L’injustice de son martyre (sa vie est un long chemin de croix), la simplicité de son alimentation (il consomme une bouillie de céréales réservée aux nourrissons) et de sa chambre, sa prévenance, son amour pour son prochain, l’absence totale de mauvaises pensées et de rancœur, son innocence virginale, ne peuvent que séduire les <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">puritains</span>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’abstinence sexuelle de John est bien pratique. Certes, ses parties génitales sont intactes et normales, comme l’indique Treves lors de sa conférence. Mais les scénaristes interdisent à Merrick tout<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">e relation physique</span> avec les femmes. Le personnage provoque tout d’abord la répulsion des infirmières, qui finissent par l’apprécier en découvrant la douceur de son caractère. Merrick est ému en présence de l’épouse de Treves, car il n’as pas l’habitude d’être aussi bien traité par une femme aussi belle. La rencontre avec Mrs. Kendal est plus difficile à cerner. Les deux personnages interprètent une scène de <i>Roméo et Juliette</i> – histoire d’un amour impossible. L’actrice dépose un chaste baiser sur la joue de l’homme-éléphant, avant de l’appeler « Roméo ». Kendal s’étonne qu’il ne soit jamais allé au théâtre, comme elle pourrait s’étonner de sa virginité : <i>« Le théâtre, c’est l’amour ! »</i> s’écrie-t-elle. L’actrice se charge donc de mener l’éducation sentimentale de Merrick, en lui proposant d’assister à une représentation. Elle lui offre également son portrait dédicacé, que le protagoniste pose sur son chevet, juste à côté de la photographie de sa mère. Figur<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">e </span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">œdipienne et nouvel<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> imaginaire érot<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ique qui <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">s’enclench<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">e</span></span></span></span></span>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les images s’arrêtent là. Mais il aurait pu en être autrement, comme dans le téléfilm sur Merrick, réalisé par Jack Hofsiss en 1980. Jacques Lourcelles revient sur une scène absente du film de Lynch, qui aborde justement la sexualité du personnage : <i>« Merrick exprime à l’actrice Mrs. Kendal son désir d’avoir une maîtresse et lui avoue qu’il n’a jamais vu une femme nue. Elle se déshabille devant lui. Le Dr Treves survient et est très choqué. Mrs. Kendal ne reverra jamais plus Merrick »</i><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (13)</span>. Les scénaristes n’ont pas inclus une telle scène, qui aurait sinon brisé la « chasteté » toute chrétienne du protagoniste. <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L</span>a séquence où Broadneck oblige Merrick à embrasser des prostituées sur la bouche fait d'ailleurs figure de viol. Le spectateur s’insurge devant une telle calomnie : Broadneck tente de pervertir Merrick, en le jetant dans les bras de femmes licencieuses… L’innocence de l’homme-éléphant est néanmoins sauvegardée. Lynch montre bien qu’il est incapable d’opposer la moindre résistance face à une bande d’ivrognes en rut. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’anthropomorphis<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">me</span> de Merrick dépend de son acquisition progressive du langage. Une infirmière est chargée de lui apporter son petit déjeuner. La caméra est placée en haut de la cage d’escalier. La jeune femme, filmée en plongée, monte les marches lentement. Elle s’arrête <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">et</span> semble hésiter (elle regarde vers le bas). La caméra recule, tandis que l’infirmière arrive au sommet des marches. Lynch renforce le suspens en recourant au montage alterné : au même moment, Treves tente de persuader Carr Gomm de ne pas renvoyer leur mystérieux pensionnaire. Retour à l’infirmière, qui se dirige vers la chambre de Merrick. Elle ferme les yeux, prend courage et ouvre la porte. Elle entre dans la pièce. Contrechamp. Le spectateur découvre enfin le visage et le corps difformes de l’homme-éléphant, qui se recroqueville dans son lit<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (14)</span>. Zoom rapide sur l’infirmière, qui laisse tomber l’assiette en poussant des cris de terreur. En face, Merrick se met à crier à son tour.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La figure de découpage champ-contrechamp décrit habilement le paradoxe de la séquence. Le monstre a peur : il est en présence d’une inconnue dont il ignore les motivations. L’altérité renvoie à l’altérité, tout comme le hurlement produit un autre hurlement. L’animalisation de Merrick s’opère dans une logique cyclique. Pour l’instant, aucune forme de langage n’est possible. La présence sonore de l’homme-éléphant se manifeste seulement par le bruit de sa respiration – qui ressemble par moment à des grognements – les cris qu’il pousse lorsqu’il se sent en danger, sans oublier ses nombreux silences, qui renforcent davantage son incapacité à communiquer. Un comportement profondément animal en somme. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le docteur Treves apprivoise cependant la bête pour donner naissance à l’homme caché sous son enveloppe monstrueuse<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (15)</span>. Merrick se sent sécurisé pour la première fois de sa vie et il parvient à articuler ses premiers mots. Ses progrès sont spectaculaires, mais le personnage se contente d’abord de répéter les phrases que lui apprend Treves. Comme l’enfant répète les mots prononcés par ses parents pour apprendre à parler. Survient dès lors le moment de vérité. Carr Gomm rend visite au pensionnaire pour déterminer si ce dernier est un attardé incurable. Dans ce cas, Merrick sera contraint de quitter l’hôpital. Le directeur se rend compte que l’entretien a été soigneusement préparé par Treves. Carr Gomm sort de la chambre, avant d’être rejoint par le chirurgien, qui présente ses excuses à son supérieur. C’est alors qu’un miracle se produit. John récite la suite du Psaume 23, alors que son bienfaiteur ne lui a pas appris<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (16)</span>. L’homme-éléphant accède au logos. La preuve de son intelligence est faite. Carr Gomme et Treves rejoignent Merrick dans sa chambre. Le fait de filmer ce dernier en contre-plongée lui confère une stature plus imposante. Merrick peut désormais regarder dignement les deux personnages qui lui font face, car il est devenu un homme.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le mutisme est rompu. Le renversement est total. Merrick fait preuve d’une sensibilité artistique et d’une sagacité qui ne cessent de surprendre ses hôtes. Toutefois, le retour à l’animalité n’est pas entièrement écarté. Merrick, une fois récupéré par Bytes, perd de nouveau l’usage de la parole et redevient l’homme-éléphant. Ce repli dans le silence <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">met en exergue l'inhumanité de B<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ytes, qui <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">semble perdre</span></span></span> son accès au logos – il ne s’exprime plus qu’en vociférant des injures, qui le rendent encore plus méprisable<span style="vertical-align: 3px;">17</span>. A l’inverse, Merrick choisit de se taire, alors qu’il <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">est <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">parfaitement</span> capable de s<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">'exprimer avec raison</span></span>. L’homme-animal se protège en se réfugiant de nouveau dans le mutisme. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">John retrouve la parole dans l’une des séquences les plus poignantes du film. Le visage masqué, il descend du train et attire l’attention d’un garnement, qui lui demande pourquoi il a une grosse tête. L’homme-éléphant tente de le distancer. Le tempo de la musique s’accélère. Merrick se met à courir et renverse sans le vouloir une fillette. Il est encerclé et un homme lui retire sa cagoule. La séquence illustre parfaitement la thèse de Foucault. La maladresse du monstre est aussitôt assimilée à un acte de délinquance. Merrick<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, à cause de sa difformité<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, est perçu<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> comme une</span></span></span> créature vicieuse, naturellement portée vers le mal. La foule en colère poursuit Merrick pour le punir, et l’accule dans les toilettes de la gare. Sur le point d’être agressé, le personnage rompt son silence et choisit enfin de s’exprimer : <i>« Non, je ne suis pas un éléphant ! Je ne suis pas un animal ! Je suis un être humain. Je suis un homme »</i>. La puissance du logos convertit la foule. Le monstre peut souffrir autant que n’importe quel autre humain. L’anormalité est ici reléguée à une simple vue de l’esprit, une pure fabrication sociale, dont le but est de différencier les dominants (les normaux) et les dominés (les exclus du quadrillage opéré par la norme). Le film est ainsi une invitation à la tolérance et à la déconstruction de l’arbitraire normatif. Le discours corrosif des auteurs, qui s’attaquent sans détour à l’abjection humaine, n’implique pourtant pas une condamnation intégrale du pouvoir. Au contraire, l’autorité politico-morale de la classe dirigeante semble être légitimée si l’on observe attentivement le film. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-indent: 35px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le </span>singe de la bourge<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">oisie</span></span></b><br />
<i style="font-family: times, 'times new roman', serif; text-indent: 35px;"><br /></i>
<i style="font-family: times, 'times new roman', serif; text-indent: 35px;">Elephant Man</i><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; text-indent: 35px;"> a suscité une littérature abondante depuis sa sortie en 1980. De nombreux auteurs, émus par la beauté de l’œuvre, ont souligné son optimisme en relativisant la noirceur de son propos</span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (18)</span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; text-indent: 35px;">. Certes, l’humanité du protagoniste s’affirme tout au long du film. Encore faut-il replacer cette évolution dans une perspective plus large. Merrick applique en fait un procédé éthologique relevant davantage du mimétisme que du libre arbitre. Il se comporte en animal lorsqu’il est considéré comme un animal. Il répète la leçon enseignée par Treves pour impressionner Carr Gomm. Il joue au parfait petit bourgeois lorsque les riches viennent prendre le thé chez lui. La préciosité et le dandysme de John – même si l’élégance est un moyen d’affirmer le caractère « civilisé » du protagoniste – frisent le ridicule</span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (19)</span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; text-indent: 35px;">. Il se coiffe avec soin, se parfume, fait semblant de fumer, prend des poses suggestives, invente des dialogues aussi courtois qu’insipides. Lynch force le trait du maniérisme de Merrick, reproduction <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">bouffonne </span>des <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">mœurs</span> </span>de l’élite sociale. Cette parodie bourgeoise ne manque pas de provoquer l’hilarité de Broadneck, lorsqu’il fait irruption dans sa chambre. La fête improvisée par l<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">a bande de débauchés<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">met quant à elle un terme aux </span></span></span> efforts <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">grotesques </span>de John pour paraître ce qu’il n’est pas.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Merrick est toujours le singe d’un autre<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (20)</span>. Du prolétaire venu au spectacle des monstres, du docteur qui lui apprend à parler, du bourgeois qui lui rend visite. C’est la dimension la plus pathétique d<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">u protagoniste</span>. Dans l’espace de la fête foraine, il se conforme à l’image que lui renvoie la société. Dans sa chambre ou chez Treves, il imite l’homme afin de contenter ses attentes et lui faire plaisir. Bien entendu, il ne faut pas négliger la part de créativité du maquettiste, ni omettre les goûts très sûrs de l’esthète en matière de décoration ou de littérature. Toutefois, ce registre sensitif ne se suffit pas en soi, et il faut regarder de quelle manière John reproduit l’obséquiosité <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">d<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">e l'élite</span></span>, pour être enfin admis dans <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">son </span>cénacle. Merrick, qu’il se retrouve dans la peau de l’homme-éléphant ou dans celle du singe, se soumet à un même processus de séduction. Etre aimé par tous les moyens représente sa seule gageure. La bête de foire devient bête de salon. Tel est son <i>cursus honorum</i>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le miroir, comme objet et comme <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">symbole</span>, revient souvent dans <i>Elephant Man</i>. L’objet est d’abord prohibé par le chirurgien. Curieuse thérapie. Merrick n’a pas le droit de se regarder. Il n’est pas libre de jouir de son image, qui est confisquée par le personnel médical. Il est donc confiné dans la détestation de soi – on l’empêche d’admettre son inéluctable monstruosité – ou plutôt dans l’inexistence fictive de son corps ravagé par la maladie. On veut entretenir l’illusion de la normalité. L’intention est louable, mais la stratégie du paraître, qu’elle soit vestimentaire ou olfactive<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (21)</span>, n’en demeure pas moins un simulacre. Prétendre le contraire serait bien naïf. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Un lent panoramique, accompagné par une musique sourde, montre Merrick en train de dormir. Son sommeil est visiblement agité. La caméra s’arrête au niveau de la cagoule accrochée au mur. Un zoom sur le trou nous fait pénétrer dans le rêve du protagoniste. Travelling avant sur des tuyaux noirs, filmés en contre-plongée. La caméra se promène dans les pièces d’une usine, avec en surimpression les images de l’accident de la mère de Merrick. Les tuyaux <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">symbolisent ici</span> le cordon ombilical. On entend les barrissements off de l’éléphant, qui se substituent aux cris de la jeune femme. Puis des ouvriers actionnent une machine en cadence. Une superposition d’images montre ensuite de la fumée, l’axe supérieur de la machine et le dos nu des ouvriers. Dans le plan suivant, les ouvriers sont filmés au ralenti et s’avancent vers la caméra. Le premier de la file présente un miroir, dans lequel apparaît progressivement le visage de Merrick. Lynch insère un très gros plan sur son œil, avant d’ajouter des images d’un éléphant (la bouche, l’œil et la trompe). Merrick pousse un hurlement, tandis qu’un homme donne des coups de botte en direction de la caméra. La séquence se termine par des masses nuageuses qui tourbillonnent dans le ciel. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Ce cauchemar fonctionne comme un retour à la réalité. Le langage onirique, malgré les chemins sinueux et obscurs qu’il emprunte, ne ment pas. L’inconscient de Merrick lui rappelle que le refoulement de son animalité n’est qu’un subterfuge. La séquence peut <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">également</span> être interprétée autrement. Le miroir met l’homme en face de l’éléphant, et par effet de symétrie, l’éléphant en face de l’homme. Dès lors, on ne sait plus si c’est l’animal qui regarde son « devenir-humain », ou si c’est l’homme en devenir qui prend conscience de son animalité. Merrick reste une énigme, pour les autres et pour lui-même. Le miroir que lui présente Broadneck durant l<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">'orgie organisée dans sa chambre</span> renforce cette impression : John hurle en apercevant son propre visage. La prémonition formulée dans le rêve s’incarne dans le réel. L’altérité ne se conçoit plus dans un rapport extrinsèque. Merrick représente désormais sa propre altérité. L’échec de Treves se manifeste clairement. John ne voit pas l’homme dans le miroir. Il ne voit que le reflet de l’éléphant.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le miroir comme <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">symbole </span>diffère du miroir comme objet, car il opère un décentrement du sujet vers un autre. Il n’est plus question cette fois de l’image de Merrick, mais de celle de ses visiteurs. Pou<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">r </span>Serge Daney<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">,</span> <i>« Plus l’homme-éléphant est connu et fêté, plus ceux qui lui rendent visite ont le temps de se faire un masque, un masque de politesse qui dissimule ce qu’ils ressentent à sa vue. Ils vont voir John Merrick pour tester ce masque : s’ils trahissaient leur peur, ils en verraient le reflet dans le regard de Merrick. C’est en cela que l’homme-éléphant est leur miroir, pas un miroir où ils pourraient se voir, se reconnaitre, Mais un miroir pour apprendre à jouer, à dissimuler, à mentir encore plus »</i><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (22)</span></span>. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La séquence du théâtre évoque ce jeu de dupes de manière symptomatique. Merrick est assis dans une loge, à gauche de la princesse de Galles. Treves et la jolie infirmière (ravie d’exhiber sa nouvelle <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">robe</span>) sont assis derrière eux. John ne porte pas sa cagoule. A première vue, le monstre n’est plus l’objet du spectacle. Il est désormais spectateur. A son tour de regarder. La représentation elle-même semble désamorcer son anormalité. Sur la scène, les acteurs sont déguisés en personnages de conte de fées – Lynch ne pouvait pas mieux exprimer la magie du théâtre. Il y a notamment un loup et un lion. Le sens des images est évident : Merrick n’est pas un vrai homme-animal, tout comme l’acteur déguisé en lion est un faux lion. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La fin de la séquence remet cependant en cause <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">le nouveau <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">statut de </span></span>John. La représentation se termine et le rideau se ferme. Mrs. Kendal apparaît sur la scène et dédie la pièce à son très cher ami. Le public se met à applaudir. Treves s’adresse à Merrick : <i>« Levez-vous, ils veulent vous voir »</i>. John obéit et se lève. Standing ovation. Cet instant de gloire n’est qu’un mirage, car l’homme-éléphant redevient un sujet d’exhibition. Le vedettariat ne lui permet pas d’accéder à la normalité. Si les aristocrates et les bourgeois avaient considéré Merrick comme un individu normal, ce dernier aurait été placé de manière anonyme parmi les spectateurs. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les applaudissements traduisent <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">en fait </span>toute la vacuité de l’élite. John n’a rien fait de remarquable pour mériter une telle ovation<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> et<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> </span></span>les véritables intentions de la classe dirigeante sont ailleurs. Celle-ci ne célèbre pas les vertus morales, l’intelligence, la sensibilité, ou encore le courage de l’homme-éléphant. Ce que l’élite célèbre, c’est elle-même. C’est sa tolérance, son esprit charitable, son amour du prochain, son respect de l’humain. L’hommage est d’autant plus justifié que le petit peuple, aussi grossier que méchant, s’est régalé de la misère de Merrick durant tout le film. <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> </span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le pouvoir monarchique, à l’instar de la bonne société londonienne, est en représentation. Lorsque le public se tourne vers Merrick pour l’applaudir, la princesse de Galles se trouve également dans son champ de vision. Sa présence dans la loge, au côté de l’homme-éléphant, n’est pas fortuite. Elle <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">incarne </span>la bienveillance de la reine Victoria, profondément émue par le sort du plus démuni de ses sujets<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> (23)</span>.<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> Il n'y a donc aucune victoire pour Merrick, hormis celle de révéler l<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">a cruauté des pauvres et</span> <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">le narcissisme <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">de<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">s riches</span><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, avant de </span>s'end<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ormir comme un homme normal et de </span>mourir <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">s</span>eul dans son <span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">lit (2<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">4</span>). </span></span></span></span></span></span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-size: 12px; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<span style="color: #2f2a2b;"><span style="font-size: x-small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> </span></span></span><!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-size: 10.0pt;">_______________</span></div>
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(1) La population de Londres double ainsi en trente
ans et atteint 4 millions en 1880. La concentration des services amorce un
afflux de ruraux, attirés par les emplois industriels. La ville s’étale et
atteint des proportions gigantesques. Les quartiers ouvriers, construits
rapidement, s’opposent au centre-ville, muni de belles façades et de larges
avenues. Cf. Serge Bernstein et Pierre Milza, <i>Histoire du XIXe siècle</i>,
Hatier, 538 p.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(2) <i>Elephant Man</i>, tout comme <i>Eraserhead</i>,
dépeint une vision négative de la technologie. Lynch s’attarde plus sur les
accidents provoqués par les machines que sur les bienfaits de la production
industrielle. Le réalisateur condamne l’altération de la nature, l’aliénation
de l’homme, et les conséquences néfastes de la toxicomanie technologique. Pour
Treves : <i>« L’abominable avec ces machines, c’est qu’elles ne veulent
rien comprendre »</i>. L’histoire s’accélère, en même temps que les moyens
de production et de circulation des marchandises, asservissant l’intelligence à
l’arbitraire de la technique.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(3) Jousse rappelle que Merrick représente <i>« l’impensé,
le refoulé, la part maudite et souterraine »</i> de la révolution
industrielle (cf. <i>David Lynch</i>, Cahiers du Cinéma, p. 22).</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(4) Par-delà la fiction inventée par Bytes pour
impressionner son public, il paraît aujourd’hui plus probable que le vrai John
Merrick ait souffert d’une maladie génétique appelée « syndrome de
Protée ». </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(5) Le choix de montrer tardivement le visage et le
corps de Merrick est en fait une idée de Mel Brooks, le producteur du film (Cf.
<i>David Lynch, entretiens avec Chris Rodley</i>, Cahiers du cinéma, p. 74).</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(6) Cette fascination pour le monstre exprime en soi
une forme de monstruosité et interroge directement la place du spectateur dans
le procédé filmique. Hubert Desrues montre, à juste titre, que Lynch dévoile
notre difficulté à accepter la monstruosité.<i> «Tant que nous ne dépasserons
pas, tant que nous n’abandonnerons pas une certaine curiosité pour les
monstres, pour ceux qui sont hors normes, aucun espoir d’insertion sociale de
ceux-ci n’est fondé »</i> (cf. Hubert Desrues, <i>The Elephant Man</i>, <i>La
revue du cinéma</i>, n°326, avril 1981). Le cinéaste sollicite le spectateur en
éveillant tout d’abord sa curiosité en dissimulant le monstre, avant de lui
faire prendre conscience de la dimension perverse de son voyeurisme (thématique
profondément lynchéenne, qui sera de nouveau traitée dans <i>Blue Velvet</i>). </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(7) Christopher De Vore, Eric Bergren et David Lynch
ont écrit le scénario d’après deux récits biographiques : <i>The Elephant
Man, A study in Human Dignity</i> d’Ashley Montagu, et <i>The Elephant Man and
Other Reminiscences</i> de Frederick Treves.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(8) Michel Foucault, <i>Les anormaux</i>, « cours
du 15 janvier 1975 », Le seuil.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(9) <i>« Il porte avec lui la transgression naturelle,
le mélange des espèces, le brouillage des limites et des caractères. Mais il
n’est monstre que parce qu'il est aussi un labyrinthe juridique, un viol et un
embarras de la loi, une transgression et une indécidabilité au niveau du droit.
Le monstre est au XVIIIe siècle un complexe juridico-naturel »</i>. Michel
Foucault, <i>Les anormaux, </i>« cours du 22 janvier 1975 », Le
Seuil.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(10) Les autorités veulent d’ailleurs fermer la
baraque foraine de bytes, qu’elles jugent dégradantes pour les visiteurs et
pour la créature elle-même. On considère le monstre comme une erreur de la
nature, une altération de la création divine, qui doit être écartée de la vue
des gens normaux. </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(11) Michel Foucault, « cours du 22 janvier
1975 », op. cit.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(12) Hormis sa gentillesse naturelle, Merrick présente
des talents exceptionnels de maquettiste, ainsi que des connaissances
intuitives de l’architecture religieuse – dues, apparemment, à son étonnante
imagination. </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(13) Jacques Lourcelles, <i>Dictionnaire du cinéma,
tome 3</i>, Robert Laffont, p. 453.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(14) <i>« On ne voit vraiment John Merrick, que
lorsqu’on a eu le temps de s’attacher à lui. Il fallait arriver à dépasser les
apparences, car c’est là le problème de fond, cette distorsion entre
l’apparence et la réalité »</i> (cf. Entretien avec David Lynch, <i>Le
Figaro</i>, 6 avril 1981).</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(15) On peut très bien formuler l’inverse, puisque
Merrick permet également de révéler l’humanité du chirurgien, dissimulée sous
son manque d’empathie initial. </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(16) Treves continue de discuter avec Carr Gomm sans
se rendre compte, tout d’abord, que Merrick a appris la suite du Psaume sans
son aide. Lynch recourt au montage alterné et montre en même temps John, filmé
en plan fixe, qui poursuit son monologue. Comme l’indique Philippe
Leclercq : <i>« La qualité métaphorique de l’éclairage imprègne la scène
d’une spiritualité propre à la révélation de l’humanité de John, à la
reconnaissance et à l’élévation de son esprit »</i>. cf. <a href="http://www.cndp.fr/tice/teledoc"><span style="color: windowtext;">www.cndp.fr/tice/teledoc</span></a>. </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;"><span style="position: relative; top: -2pt;">(17)
</span>Les insultes de Bytes se substituent à
tout discours cohérent : « Debout saloperie », « espèce de
sale faux-cul », « je sais que tu fais ça rien que pour
m’emmerder », « qu’il crève », « qu’il compte pas sur moi
pour le mettre au trou, ce tas de viande pourrie ». </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(18) Coursodon et Tavernier mettent par exemple en
avant cet optimisme, en évoquant l’intégration de Merrick, son épanouissement
intellectuel et artistique, son accession à la normalité lorsqu’il se couche
sur le dos, et la promesse d’immortalité à la fin du film – on entend la mère
de Merrick annoncer : <i>« rien ne meurt jamais »</i> (cf.
Coursodon et Tavernier, <i>50 ans de cinéma américain</i>, Omnibus, p. 671). </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(19) Eric Dufour est extrêmement gêné par un aspect du
film : <i>« Privé de parole, Merrick apparaît comme une altérité
absolue, mais une fois doté de parole, il apparaît d’une grande naïveté qui
n’exclut pas un certain ridicule. Masi ce n’est pas Merrick, c’est l’image qui
ignore toute retenue et tombe volontairement dans l’excès. Ce n’est pas
Merrick, c’est le cinéma de Lynch qui est naïf, premier et immédiat, n’hésitant
pas à montrer l’homme-éléphant faire le beau dans la bonne société, mimer
l’élégance et collectionner les photographies des dames élégantes,
s’émerveiller lorsqu’on l’emmène au théâtre voir un ballet stupide avec des
gens déguisés en tigre et en loup, des fées, dans une ambiance de contes,
manifester des marques d’émotion profondes lorsqu’on lui offre un nécessaire de
toilette, etc. »</i> (Eric Dufour, <i>David Lynch, matière, temps, et
image</i>, Editions Vrin, pp.118-119).</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(20) Dans une séquence particulièrement éprouvante,
Bytes enferme Merrick dans une cage. Sa présence provoque la colère d’un
primate situé dans une cage voisine. Faut-il voir ici la preuve de l’ironie de
Lynch, qui met John face à sa propre réalité ? </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(21) On peut penser que Merrick se parfume également
pour masquer sa puanteur « animale », remarquée lorsqu’il entre pour
la première fois dans le hall de l’hôpital.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(22) Serge Daney, « Le monstre a peur », <i>Cahiers
du Cinéma</i>, n°322, 1981.</span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(23) Dans une séquence précédente, on peut déjà
apercevoir le portrait de Victoria accroché au dessus des lits des malades. La
reine semble ainsi veiller sur leur sommeil et garantir la mise en œuvre de
leur rétablissement. La préservation de la santé est une affaire de pouvoir.
Elle constitue un enjeu majeure pour l’autorité politique à l’époque
contemporaine. </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
</span><br />
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: x-small;">(24) Le suicide de Merrick lui permet non seulement de
dormir « comme un homme », mais aussi de choisir sa propre fin, alors
que, durant tout le film, il est le jouet des autres. Hubert Desrues propose,
quant à lui, une interprétation beaucoup plus sombre de la mort de John : <i>« Lynch
va encore plus loin dans le désespoir en nous montrant que si les rapports
monstre-société sont a priori pourris par la curiosité, celle-ci s’exerce avec
la complicité de l’a-normal qui d’une manière ou d’une autre y trouve son
compte. Il ne reste plus alors de solution au problème et lorsque le monstre
prend conscience de la réalité profonde de l’échec, il ne s’offre lui aucune
autre possibilité que le suicide »</i> (cf. Hubert Desrues, « The Elephant
Man », <i>La revue du cinéma</i>, n°326, avril 1981). </span></div>
<span style="font-size: x-small;">
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<br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ELEPHANT MAN</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation :</b> David Lynch. <b>Scénario : </b>Christopher De Vore, Eric Bergren, David Lynch. <b>Producteur :</b> Jonathan Sanger. <b>Photographie :</b> Freddie Francis. <b>Montage : </b>Anne Coates. <b>Musique : </b>John Morris. <b>Décors :</b> Stuart Craig. <b>Interprétation : </b>John Hurt, Anthony Hopkins, Anne Bancroft (<b>USA / RU, 1980, 188 min.</b>).</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-1145539989705569532010-04-02T12:10:00.001+02:002016-02-22T21:46:01.907+01:00Le corps et le pouvoir dans Salo ou les 120 journées de Sodome de Paolo Pasolini<div align="justify">
<br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-oHxFfnPj7blrrNVDxqFBES0l3g3cQkrqux-Atp0Oe7kPYh6JsDqYw4dN7UVLdznqwAoKe4pfjSdA4YhqOf3vueCt_csBGE1jsAAQcZ0ls9g2Th1s6Ly5b0HcaiXZcTo0L6PfIQ/s1600/Salo.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-oHxFfnPj7blrrNVDxqFBES0l3g3cQkrqux-Atp0Oe7kPYh6JsDqYw4dN7UVLdznqwAoKe4pfjSdA4YhqOf3vueCt_csBGE1jsAAQcZ0ls9g2Th1s6Ly5b0HcaiXZcTo0L6PfIQ/s400/Salo.png" width="400" /></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Pasolini réalise </span><i style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Salò ou les 120 journées de Sodome</i><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;"> en 1975, d’après le roman du marquis de Sade. Le film expose les sévices sexuels que font subir quatre dignitaires de la RSI</span><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn1" style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[1]</span></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;"> - désignés par le titre de « Monseigneur », « Duc », « Excellence » et « Président » - à des jeunes gens enlevés puis séquestrés dans une villa. Salò est d’abord un événement cinématographique. Le dernier film de Pasolini provoque un séisme médiatique bien connu. La presse spécialisée et généraliste se déchaîne</span><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn2" style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[2]</span></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">, tandis que l’Association nationale des bonnes mœurs saisit les tribunaux italiens pour empêcher la projection de l’œuvre. Aujourd’hui, la poussière soulevée par la bataille est retombée. On peut dès lors s’interroger, avec tout le recul nécessaire, sur l’intérêt historique de ce film sulfureux, qui repousse « l’expérience-limite » du cinéma</span><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn3" style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[3]</span></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">. La relation entre le spectateur et le processus filmique est directement interrogée par Pasolini. Face à la léthargie causée par l’effet hypnotique des images, comment faire réagir le public sans pour autant le séduire ? Le cinéaste choisit de porter le langage cinématographique jusqu’à la limite de l’insoutenable, éradiquant ainsi toute possibilité de prise de plaisir</span><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn4" style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[4]</span></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
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<b style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Le fascisme comme corps-machine</b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<b style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><br /></b></div>
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Pasolini n’explique pas l’origine ou l’évolution de la dernière phase du fascisme italien. Son propos est autre et montre que tout pouvoir est un rapport de forces anarchiques entre des corps dominants et des corps dominés<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn5"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[5]</span></a>. Le film dépasse donc le phénomène historique du fascisme<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn6"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[6]</span></a>, pour l’ancrer dans une conception pasolinienne plus globale, celle de la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn7"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[7]</span></a>.</div>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgZN0pzKSSvB-9fT4BxWcQRfrwqKIQjrhUOd2CuRShEq1jJUk-wIxGM0LPsvcM1x3d0b04U-gzPlm3ZWEoFwvxjOLyEPZhKz7yv_3cPUmoPWavJZZLGptWQVb4vAyt4Z6k88Fx6dA/s1600/Salo.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img alt="" border="0" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5454670136771175714" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgZN0pzKSSvB-9fT4BxWcQRfrwqKIQjrhUOd2CuRShEq1jJUk-wIxGM0LPsvcM1x3d0b04U-gzPlm3ZWEoFwvxjOLyEPZhKz7yv_3cPUmoPWavJZZLGptWQVb4vAyt4Z6k88Fx6dA/s400/Salo.JPG" style="display: block; height: 233px; margin-top: 0px; text-align: center; width: 400px;" /></a>La structure en quatre épisodes du film (cf. schéma ci-contre) – un « Antinferno » précède le « Girone delle manie », « della merda » et « del sangue » – se réfère à celle de L’enfer de Dante<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn8"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[8]</span></a>. Chaque épisode pourrait ainsi symboliser un rouage de la machine disciplinaire de Salò, allégorie du pouvoir fasciste, dont le seul objectif serait de broyer les corps dominés<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn9"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[9]</span></a>. « L’Antinferno » se substitue au prologue du livre de Sade. Il expose les motivations des quatre dignitaires, la rafle des jeunes gens, la sélection draconienne des victimes et enfin leur déportation. Le Duc, contrairement au personnage de Virgile dans La Divine comédie, ne propose nul espoir de salut. Les individus choisis, une fois à l’intérieur de la machine, ne peuvent plus en sortir. On apprend seulement, à la fin du film, que les quelques survivants sont envoyés à Salò – espace de destruction sans doute pire que les précédents – assimilé au dernier lieu que Dante visite avant de sortir des enfers, où règne le roi des ombres, « La créature qui fut jadis si belle », selon les mots du poète. <i>« L’empereur du royaume des douleurs sortait de la glace jusqu’au milieu de la poitrine, et je pourrais plutôt égaler la taille d’un géant, que les géants n’égaleraient un de ses bras : vois maintenant quel doit être le tout qui correspond à une telle partie. S’il fut aussi beau qu’il est hideux maintenant, et s’il osa lever le front contre son créateur, c’est bien de lui que doit procéder toute douleur »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn10"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[10]</span></a>. Salò, dans le film de Pasolini, est l’endroit où la substance de la douleur prend sa forme la plus pure. Salò est bien l’origine du Mal.</div>
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Les corps pénètrent dans les limbes disciplinaires du pouvoir. La villa où se déroule les tortures perpétrées par les fascistes reflète la forteresse de Silling des <i>120 journées de Sodome</i> : « Ici, vous êtes hors des limites de toute légalité. Personne sur terre ne sait que vous êtes ici. Pour le monde, vous êtes déjà mort ». Pour Barthe, la clôture sadienne a une double fonction : elle permet d’isoler les personnages dans la luxure puis de fonder une autarcie sociale : <i>« Une fois enfermés, les libertins, leurs aides et leurs sujets forment une société complète, pourvue d'une économie, d'une morale, d’une parole et d'un temps, articulé en horaires, en travaux et en fêtes. (…) C'est la clôture qui permet le système c'est-à-dire l'imagination »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn11"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[11]</span></a>. La villa est un microcosme où les protagonistes boivent, mangent, défèquent, dorment et ont des rapports sexuels. La machine possède également un manuel qui en explique le fonctionnement. Il s’agit du règlement énoncé par le Duc, qui possède son corollaire : le livre, dans lequel les fautes des prisonniers sont soigneusement notées – sorte de cahier de manutention relevant les dysfonctionnements du système.</div>
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Le « cercle des manies » présente différentes expériences sexuelles (autour de la masturbation et de la sodomie), à la fin desquelles les prisonniers sont réduits à l’état d’animaux domestiques. Ils marchent à quatre pattes, aboient, se nourrissent dans des gamelles posées sur le sol, sont caressés ou fouettés par leurs maîtres. Le pouvoir parvient à plier l’humanité des corps. L’homme devient une bête et retourne à un état primitif. L’évolution est renversée. Dans le « cercle de la merde », la coprophilie est présentée comme le plus délicat des délices. Les bourreaux et leurs victimes dégustent des chapelets d’excréments lors d’un banquet en l’honneur de son Excellence. Les déjections produites sont réabsorbées, prouvant ainsi la circularité aberrante de la société de consommation. Le « cercle du sang » se réfère plus directement à l’œuvre de Dante. Les suppliciés se retrouveraient donc dans le neuvième et dernier cercle de l’enfer, celui des traîtres. Ceux qui ont dérogé au règlement sont punis. Ils sont placés dans une cuve d’excréments – déformation grotesque du lac de glace de La Divine comédie, où les traîtres sont immergés. La séquence des supplices permet une nouvelle fois d’exprimer le mouvement circulaire du pouvoir. Pour Serge Daney : <i>« Lorsque à la fin du film, les maîtres observent les tortures à travers des jumelles, ils ont toujours dans leur champ visuel un autre maître. La maîtrise ne voit que la maîtrise »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn12"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[12]</span></a>. Le champ et le contrechamp relient les bourreaux et les voyeurs dans une même totalité agissante et (auto)destructrice.</div>
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<br /></div>
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<b>L'homme générique face au surhomme sadien</b></div>
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<b></b><br /></div>
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Pasolini réduit également le fascisme à l’expression d’un désir anéanti. Les débauches à répétition des quatre protagonistes ont complètement épuisé leur vitalité – <i>« la dépense énergétique du sexe est une marche vers la mort »</i>, comme l’indique Joël Magny<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn13"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[13]</span></a>. La vision des corps, à demi nus, ne suffit plus à susciter chez eux d’excitation sexuelle. Ils réclament donc l’intervention de trois anciennes prostituées, qui racontent chacune à leur tour des récits érotiques pour réveiller en eux un désir tari. La première narratrice, par exemple, raconte une expérience vécue avec un professeur. Son Excellence l’interrompt et lui demande de ne négliger aucun détail. <i>« Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons tirer de vos histoires les indispensables éléments d’excitation que nous attendons de vous »</i>. Il veut connaître la dimension du pénis du professeur, son type d’éjaculation, si la narratrice a touché ses organes génitaux ou s’il l’a forcé à les prendre dans sa main. Pendant ce temps, Monseigneur oblige l’un des garçons à le suivre dans une pièce voisine. Quelques minutes après, le protagoniste réapparaît et se plaint de l’attitude de son partenaire. Le Duc lui propose d’en prendre un autre. Le protagoniste refuse : <i>« Les efforts pour me satisfaire seraient maintenant énormes et bien au-delà des péchés réellement véniels qu’il eut suffit auparavant. Et vous savez très bien à quoi conduit un désir qui demeure frustré »</i>.</div>
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Les narrations et les expérimentations sexuelles circonscrivent une ligne, nouvelle limite que les personnages cherchent à repousser constamment, où vient s’éteindre leur désir. L’engrenage de la perversion est donc vécu comme une nécessité<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn14"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[14]</span></a>. C’est à la pointe de la souffrance, toujours plus forte et insoutenable, que les dignitaires trouvent leur plaisir. Cette recherche extrême de la jouissance serait impossible si les quatre protagonistes n’étaient pas des pivots du régime fasciste (ils représentent la noblesse, l'église, la magistrature et la finance). Chacun semble jouer un rôle particulier : par exemple le Duc est chargé de coordonner les festivités, tandis que Monseigneur est le maître de cérémonie des différents rituels.</div>
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Cependant, les spécifiés ne répondent pas à un absolu. Les dignitaires ont des préférences sexuelles et des fantasmes particuliers qu’ils aiment partager entre eux. Le plaisir peut s’échanger, tout comme le pouvoir est redistribué par les corps dominants. Ces derniers sont donc interchangeables, à l’instar des corps dominés. Le pouvoir n’est pas affecté lorsqu’il passe des mains de l’institution judiciaire à celle de l’institution religieuse. Les fascistes le soulignent dans leurs propos : <i>« Notre choix n’est que structure. Nous devons subordonner notre jouissance à un geste unique »</i>. Le pouvoir est invariable quelle que soit sa forme. Le geste coercitif, s’il est unique, s’exerce également sur un corps unique. Les victimes ne sont plus considérées comme des entités individuelles mais comme un amas de chair informe. Le corps n’existe plus. Il est une cellule parfaitement identique aux autres cellules qui composent l’ensemble. Et c’est là que Pasolini évoque le mieux la nature du régime nazi-fasciste de Salò, autre modèle de fusion monstrueuse. Le totalitarisme hitlérien a rêvé d’abolir l’individu afin de produire « l’homme-générique »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn15"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[15]</span></a>. Le cinéaste fait partager ce rêve aux fascistes de la République Sociale Italienne. L’uniformité totale des corps gouvernés, voilà ce qui relie, pour Pasolini, les fantasmes de Salò et ceux du IIIe Reich. La sélection du début du film – qui ne se fait pas sur des critères raciaux mais sur des critères esthétiques – exprime très bien l’idée de la nazification du fascisme de la dernière heure.</div>
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Le pouvoir, dans <i>Salò ou les 120 journées de Sodome</i>, est immonde car il trouve son origine dans des affects tristes. Le plaisir, en d’autres termes la puissance, est procuré à travers le malheur et la souffrance. Les dignitaires regardent les miliciens jouir des prisonniers, deviennent à leur tour objets de jouissance, mais ne jouissent jamais eux-mêmes. La puissance s’en trouve donc renversée et devient impuissance. Les quatre fascistes évoquent, dans un dialogue, le surhomme nietzschéen. Il s’agit en fait d’un lapsus révélateur. Cette référence révèle une mauvaise lecture – celle que pratiquent à l’époque les nazis – de l’auteur de <i>Zarathoustra</i>. Le surhomme nietzschéen est celui qui réussit à vaincre le nihilisme. Il n’est pas le champion qui écrase les faibles et soumet autrui à sa volonté. Il est celui qui libère l’homme en incarnant les valeurs qui affirment la vie. Tout le contraire donc des personnages du film, qui correspondent plutôt au surhomme sadien. Pour Blanchot, l’homme promu par le Divin Marquis est le symbole même de la négation : <i>« L'homme intégral, qui s'affirme entièrement, est aussi entièrement détruit. Il est l'homme de toutes les passions et il est insensible. Il a commencé par se détruire lui-même, en tant qu'homme, puis en tant que Dieu, puis en tant que nature, et ainsi il est devenu l'Unique. Maintenant il peut tout, car la négation en lui est venu à bout de tous »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn16"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[16]</span></a>. Aussi, l’intrigue sado-pasolinienne n’est-elle possible que dans un monde où Dieu est mort<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn17"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[17]</span></a>. Pasolini montre ce qu’il est possible de faire subir à l’homme quand l’homme sadien, après avoir renié sa part divine et sa dimension humaine, devient son unique objet de désir. Le maître regarde l’autre maître, comme le dit Serge Daney, car c’est lui-même qu’il désire – l’autre n’étant qu’un simple avatar du même, exerçant également le pouvoir. La République de Salò, d’après Pasolini, est un grand gouffre qui aspire la vie. <i>« Devant l'Unique, tous les êtres sont égaux en nullité, et l'Unique, en les réduisant à rien, ne fait que rendre manifeste ce néant »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn18"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[18]</span></a>.</div>
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<b>L'éros fasciste comme miroir du pouvoir et de la sexualité en Occident</b></div>
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Les critiques et les auteurs de l’époque nient souvent l’intérêt historique du film<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn19"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[19]</span></a>. Pour Italo Calvino <i>« L'horreur concrète de ce passé italien vécu, ne peut pas être utilisée comme fond dans la représentation d'une horreur éminemment symbolique, fantastique, constamment hors du vraisemblable : l'horreur sadienne (…) C'est avec regret que j'ai reconnu, sur un panneau routier repris par la caméra, le nom de Marzabotto</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn20"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;"><i>[20]</i></span></a><i>, le village où a véritablement eu lieu un atroce carnage. Evoquer ainsi l'occupation nazie ne peut que réveiller un type d'émotions absolument contraire à la paradoxale et glaciale absence de pitié que Sade pose comme première règle, aussi bien à ses lecteurs qu'à ses personnages »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn21"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[21]</span></a>. Jean Chérasse affirme que <i>« L’œuvre de Sade est une projection fantasmatique. C’est le cri d’un prisonnier, d’un emmuré vivant n’ayant d’autre exutoire que le crime d’écriture. Aussi l’assimilation faite par Pasolini entre les libertins du château de Silling et les bourreaux fascistes de "Salò", me semble purement gratuite »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn22"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[22]</span></a>. Selon Michel Foucault, associer la pensée de Sade au fascisme, comme dans <i>Salò</i> ou <i>Portier de nuit</i>, relève, pour d’autres raisons, d’une erreur historique totale : <i>« Le nazisme n'a pas été inventé par les grands fous érotiques du XXe siècle, mais par les petits-bourgeois les plus sinistres, ennuyeux, dégoûtants qu'on puisse imaginer. Himmler était vaguement agronome, et il avait épousé une infirmière. Il faut comprendre que les camps de concentration sont nés de l'imagination conjointe d'une infirmière d'hôpital et d'un éleveur de poulets. Hôpital plus basse-cour : voilà le fantasme qu'il y avait derrière les camps de concentration »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn23"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[23]</span></a>.</div>
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Mais Pasolini ne dit pas que le fascisme est une histoire de dérèglement sexuel. <i>Salò</i> est une allégorie du fascisme<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn24"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[24]</span></a> : l’exposition des sévices reflète la part inhumaine du pouvoir que les fascistes exercent sur les individus. Les prisonniers, pour la plupart, se laissent d’ailleurs docilement dominer – <i>« Ces gens meurent parce qu'ils ont sacrifié leur corps qui n'est plus tout à fait le leur »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn25"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[25]</span></a>. Leur passivité face à la barbarie des quatre fascistes est présentée comme une forme de « collaboration » : les victimes se dénoncent même parfois entre elles pour s’attirer les faveurs de leurs bourreaux. Le pouvoir se distribue à tous les échelons. Chacun détient un petit secret capable de faire tomber l’autre. L’auto-surveillance des corps dominés témoigne du bon fonctionnement de la machine.</div>
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Pasolini invente également des événements fictifs, des rituels monstrueux dont la seule valeur est symbolique. A la connaissance des historiens, les supplices sexuels qui sont décrits n’ont jamais été commis par les fascistes<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn26"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[26]</span></a>. Cependant, la ville de Marzabotto, dans laquelle se situe l’action du film, a été le théâtre d’un massacre bien réel perpétré par les nazis, comme l’a énoncé Calvino. Pasolini a donc interprété ce fait sanglant en le reformulant sous l’aspect d’une autre tragédie, celle de jeunes martyrs réduits en esclavage par des individus totalement amoraux. Pour nous, cette transformation imaginaire traduit l’obscénité nazie-fasciste.</div>
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Du reste, le principal intérêt historiographique de <i>Salò</i> est de recourir volontairement à l’anachronisme. Lors d’une discussion éclairée, les quatre protagonistes principaux citent des auteurs postérieurs aux événements évoqués. Selon Lisa El Ghaoui, <i>« Avec la liste des auteurs cités en ouverture de son film, (Barthes, Blanchot, De Beauvoir, Klossowski, Sollers et plus spécifiquement leurs écrits sur Sade) Pasolini confère à son œuvre une dimension scientifique, littéraire et pédagogique. Il en fait un objet d’étude, de connaissance, d’enquête sur le malaise et la perversion qui caractérisent l’homme moderne. Il réactualise l’œuvre de Sade à travers les écrits de ces auteurs »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn27"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[27]</span></a>. Pasolini, s’étant inspiré de leurs travaux pour réaliser son film, n’hésite donc pas à les faire apparaître clairement dans les dialogues. L’anachronisme rappelle dans ce cas le caractère contemporain de l’écriture historique. Pasolini emprunte sans doute à Klossowski l’idée que la ritualisation de l’éros est fondamentale dans la littérature de Sade, où la succession des transgressions <i>« se réitère principalement par un même acte »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn28"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[28]</span></a>. Les sévices se répètent inlassablement à l’écran. Les plans finissent par tous se ressembler et ne faire qu’« un ». C’est la gageure de Pasolini : donner au film une forme en parfaite adéquation avec le principe de « l’Unique », développé par Blanchot. Pour le réalisateur, <i>« il en résulte que la gestuelle sodomite est la plus typique de toutes parce qu'elle est la plus inutile, celle qui résume mieux la répétitivité de l'acte, décidément parce que c'est la plus mécanique »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn29"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[29]</span></a>.</div>
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Le film interroge enfin nos modes de représentation et de réception de la sexualité. Selon Pasolini, Salò est une métaphore de la situation que la société connaît dans les années soixante-dix, où le sexe est vécu comme <i>« obligation et laideur »</i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn30"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[30]</span></a>. Normalisé tout en étant prétendument libéré, la pratique sexuelle est investie et exploitée par le pouvoir. La parole et le geste érotiques ont tristement perdu leur spontanéité créatrice en devenant de simples objets de consommation. Le fascisme historique est mort en 1945, après la défaite finale de l’Axe. Mais pour des auteurs tels que Pasolini, la substance fasciste – on pourrait dire la substance nazie-fasciste – ne s’est pas retirée de la matérialité qui compose les sociétés contemporaines. Au contraire, elle s’est transformée et a réinvesti le champ socioéconomique en adoptant une nouvelle physionomie, celle du consumérisme.</div>
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Le réalisateur dénonce cette nouvelle forme de fascisation en évoquant le sexe sans jamais l’érotiser<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn31"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[31]</span></a>. L’éros est en effet complètement inexistant. Le spectateur ne ressent que du dégoût face à cette profusion de masturbations, de pénétrations, de discours et d’actes sadiques. En ce sens, <i>Salò</i> est une déclaration de guerre à la société de consommation de masse à travers le rejet de l’industrie du sexe. Le film est par conséquent aux antipodes du cinéma pornographique. Le porno n’a aucune pérennité, car il appartient à des circuits de production et de consommation rapides. Il cherche à procurer instantanément la jouissance du spectateur, et répond de ce fait à des attentes extrêmement codifiées. Les films X répètent inlassablement les mêmes modèles de représentation. Cette sexualité mécanique, sans surprise, sans inventivité, témoigne dans nos sociétés du règne d’une certaine pauvreté imaginaire. Salò évoque ce désenchantement, qui replie les corps sur une sexualité sans cesse exhibée et transformée en marchandise. Jean Delmas rappelle que, pour Pasolini, le sexe présente « ce que Marx a appelé la réification de l’homme : "la réduction du corps à l’état de chose (à travers l’exploitation)" »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn32"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[32]</span></a>. Il ne reste, dans <i>Salò ou les 120 journées de Sodome</i>, que ce poing levé par l’un des prisonniers, juste avant d’être exécuté pour avoir osé faire l’amour avec une servante noire. Ultime geste de résistance – le plaisir sexuel, dans ce cas, affirme la vie – face à la machine de mort du fascisme<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_edn33"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(4, 46, 238); color: #042eee;">[33]</span></a>.</div>
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Aurélien Portelli</div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref1">[1]</a></span> Mussolini est destitué en 1943. Badoglio forme un gouvernement non-fasciste et signe l’Armistice avec les Alliés. Les Allemands décident alors d’occuper Rome, obligeant Badoglio et la famille royale à s’enfuir pour le Sud de l’Italie. Hitler confie à Mussolini la direction d’un nouveau gouvernement fantoche, et fonde, dans la ville de Salò, la République Sociale Italienne.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref2">[2]</a></span> Lire à ce sujet l’excellent article d’André Habib, « Remarque sur une réception impossible. "Salò" et "La grande bouffe" », in Hors-champ, janvier 2001.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref3">[3]</a></span> En effet, la froideur chirurgicale des plans et le réalisme des images mènent le spectateur sur un territoire que les caméras n’avaient pas encore exploré.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref4">[4]</a></span> C’est d’ailleurs, nous dit Gary Indiana, ce qui différencie notamment Pasolini de Sade (cf. G. INDIANIA, Salò or the 120 days of Sodom, Londres, British Film Institute publishing, 2000, 95 p.).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref5">[5]</a></span> Pour Pasolini, « Il n'y a jamais eu en Europe un pouvoir aussi anarchique que celui de la République de Salò : celui-ci était la démesure la plus mesquine faite gouvernement. (…) Outre le fait d'être anarchique, ce qui caractérise le mieux le pouvoir – tout pouvoir – c'est sa capacité naturelle à transformer les corps en choses. En cela aussi la répression nazie-fasciste a été maître » (cf. J. A. GILI, Le cinéma italien, op. cit.).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref6">[6]</a></span> Selon Barthes : « Si tout de même, au plan des affects, il y avait du Sade dans le fascisme (chose banale), et bien plus s’il y avait du fascisme dans Sade ? Du fascisme ne veut pas dire : le fascisme. Il y a le " système-fascisme " et il y a la " substance-fascisme ". Autant le système requiert une analyse exacte, une discrimination raisonnée, qui doit interdire de traiter en fascisme n’importe quelle oppression, autant la substance peut circuler partout. (…) » (cf. Roland BARTHES, « Sade-Pasolini », in Le Monde, 15 juin 1976). Pour Barthes, c’est cette substance que Salò réveille, à partir d’une analogie politique (bien que l’auteur ne juge pas satisfaisante la transposition de Pasolini).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref7">[7]</a></span> L’œuvre de Pasolini est tout entière vouée à la « Résistance ». Son engagement se voulait une sorte de déclaration de guerre virulente contre la bourgeoisie dont il rejetait la vulgarité de son contrôle juridique, financier et médiatique.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref8">[8]</a></span> Le principal apport de Pasolini à ce scénario « a été de lui donner une structure de caractère dantesque qui, probablement, était déjà dans l'idée de Sade, autrement dit j’ai divisé le scénario en cercles, je lui ai procuré cette espèce de verticalité et d'ordre de caractère dantesque » (cf. N. NALDINI, Pier Paolo Pasolini, Paris, Gallimard, Biographies, 1991, 416 p.).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref9">[9]</a></span> Comme le dit Lisa El Ghaoui, « Le corps est considéré comme un produit capitaliste, que l’on consomme et que l’on jette lorsqu’il ne sert plus » (cf. L. El GHAOUI, Langages du désir et métamorphoses du corps dans l’œuvre de Pier Paolo Pasolini, Thèse de doctorat, Université de Grenoble III, Discipline : langue et littérature italienne, 25 novembre 2006, p. 553).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref10">[10]</a></span> DANTE, La Divine comédie (chant trente-quatrième), Paris, Editions Lidis, 1982, 194 p.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref11">[11]</a></span> R. BARTHES, « L’arbre du crime », in Tel quel (La pensée de Sade), n°28, hiver 1967, 95 p., pp. 23-37.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref12">[12]</a></span> S. DANEY, « Note sur "Salò" », in Cahiers du cinéma, n°268-269, juillet-août 1976, p. 103.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref13">[13]</a></span> J. MAGNY, « Une liturgie du néant et de l’horreur », in M. ESTEVE (présenté par), in Etudes cinématographiques : Pasolini. Un cinéma de poésie, n°112-114, 1977, p. 194-195.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref14">[14]</a></span> Selon Michel Brix, « les libertins arrivent inéluctablement, un jour ou l’autre, à vouloir réveiller leur imagination à bout de souffle en abolissant l’interdit majeur, Tu ne tueras point. Le crime leur procurera, espèrent-ils, la volupté qu’ils ne trouvent plus dans l’acte sexuel lui-même » (cf. M. BRIX, « Les Cent Vingt Journées de Sodome et l'utopie libertine », texte de la conférence donnée dans le cadre du Congrès Sade, College of Charleston, Caroline du Sud, 13 mars 2003).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref15">[15]</a></span> « Il y a dans le discours fasciste et national-socialiste une obsession constamment et bruyamment affichée de remodeler le corps social et de transformer radicalement, non seulement les rapports entre les classes, mais encore l’homme lui-même, en tant que produit d’histoire et d’une culture dont les fascismes répudient l’héritage » (cf. P. MILZA, Les fascismes, op. cit., p. 304).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref16">[16]</a></span> M. BLANCHOT, « La raison de Sade », in Lautréamont et Sade, Paris, Les Editions de Minuit, 1963, 380 p., pp. 15-49.</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref17">[17]</a></span> Pour Gilles Deleuze, « On défigure Nietzsche quand on en fait le penseur de la mort de Dieu. C'est Feuerbach le dernier penseur de la mort de Dieu : il montre que, Dieu n'ayant jamais été que le dépli de l'homme, c'est une vieille histoire. Mais ce qui intéresse Nietzsche c'est la mort de l'homme. Tant que Dieu existe, c'est-à-dire tant que la forme-Dieu fonctionne, l'homme n'existe pas encore. Mais quand la forme-Homme apparaît, elle ne le fait qu'en comprenant déjà la mort de l'homme, de trois manières au moins. D’une part, où l'homme pourrait-il trouver le garant d'une identité, en l'absence de Dieu ? D’autre part, la forme-Homme ne s’est elle-même constituée que dans les plis de la finitude : elle met la mort dans l'homme. Enfin les forces de finitude elles-mêmes font que l'homme n’existe qu'à travers la dissémination des plans d'organisation de vie, la disparition des langues, la disparité des modes de production, qui implique que la seule "critique de la connaissance" est une "ontologie de l'anéantissement des êtres" ». (cf. G. DELEUZE, Foucault, Paris, Les Editions de Minuit, Collection « Critique », 1986, 141 p., pp. 131-141).</span></div>
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<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref18">[18]</a></span> Cf. M. BLANCHOT, « La raison de Sade », in Lautréamont et Sade, op. cit.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref19">[19]</a></span> Ceux qui défendent le film sur le plan historique ne sont pas légion. Citons, parmi eux, André Cornand : « Cette monstruosité sadique, ce pouvoir illimité et anarchique des maîtres de Silling a trouvé son équivalent chez les nazi-fascistes de la République de Salò. C’est là le référent historique du film et le glissement est justifié » (cf. A. CORNAND, « Salò ou les 120 journées de Sodome », in La revue du cinéma, n°302, janvier 1976, p. 98).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref20">[20]</a></span> Les SS ont en effet massacré, à Marzabotto et dans ses environs, près de mille victimes entre le 29 septembre et le 5 octobre 1944.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref21">[21]</a></span> I. CALVINO, « Sade est en nous », in Cahiers du cinéma, n°421, juin 1989, pp. 56-57 (publié initialement dans le Corriere della Sera, décembre 1975).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref22">[22]</a></span> J. A. CHERASSE, « Salò ou les 120 journées de Sodome », in Ecran, n°49, 15 juillet 1976, p. 49.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref23">[23]</a></span> M. FOUCAULT (entretien avec G. DUPONT), « Sade, sergent du sexe », op. cit., pp. 3-5.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref24">[24]</a></span> Pour Pasolini, l’allégorie est « une oeuvre où chaque chose signifie autre chose, renvoie à une autre réalité » (cf. J. DUFLOT, Pasolini, Paris, Editions Pierre Belfond, 1970, 175 p.)</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref25">[25]</a></span> Cf. M. BOYER, M. TINEL, Les films de Pier Paolo Pasolini, Paris, Dark Star, 2002, 239 p.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref26">[26]</a></span> Selon Pasolini, « La raison pratique dit que durant la République de Salò il était particulièrement facile et "dans l’air du temps" d’organiser ce qu’ont organisé les héros de Sade : une grande orgie dans une villa contrôlée par les SS » (cf. J. A. GILI, Le cinéma italien, op. cit.).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref27">[27]</a></span> L. EL GHAOUI, Langages du désir et métamorphoses du corps dans l’œuvre de Pier Paolo Pasolini , op. cit., pp. 549-550.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref28">[28]</a></span> P. KLOSSOWSKI, « Sade ou le philosophe scélérat », in Tel quel (La pensée de Sade), op. cit., pp. 3-22.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref29">[29]</a></span> Cf. N. NALDINI, Pier Paolo Pasolini, op. cit.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref30">[30]</a></span> Cf. N. NALDINI, Pier Paolo Pasolini, op. cit.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref31">[31]</a></span> Pasolini pense d’ailleurs que ses films ne sont jamais érotiques : « peut-être parce que je suis inhibé et que je ne sais pas représenter l’érotisme en tant qu’érotisme. L’éros, dans mes films est toujours un rapport dramatique, métaphorique » (cf. A. CORNAND, « Salò ou les 120 journées de Sodome », in La revue du cinéma, op. cit., p. 101).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref32">[32]</a></span> J. DELMAS, « Salò ou les 120 jours de Sodome », in Jeune cinéma, n°92, janvier-février 1976, p. 8.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<span style="font-size: x-small;"><span style="color: #042eee; text-decoration: underline;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=26476676&postID=114553998970556953#_ednref33">[33]</a></span> André Cornand voit également, dans la dernière séquence, une autre forme de résistance : « Les dernières images montrent deux des jeunes soldats qui dansent ensemble en écoutant la radio. Plusieurs interprétations sont possibles. Sans doute enrôlés de force, attendent-ils des nouvelles de la "Libération" proche. Lisons, en 1975, "libération" du pouvoir bourgeois. Quoi qu’il en soit, leur danse "homosexuelle" est un signe de la revendication pasolinienne qui n’est elle-même que la métaphore de l’insurrection contre les forces répressives » (cf. A. CORNAND, « Salò ou les 120 journées de Sodome », in La revue du cinéma, op. cit., p. 101).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman'; font-size: 12px; min-height: 15px;">
<br /></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<b>SALO OU LES 120 JOURNEES DE SODOME</b></div>
<span style="font-size: 100%;"><span style="font-family: "verdana" , sans-serif;">
</span></span><br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: 'Times New Roman';">
<b>Réalisation :</b> Pier Paolo Pasolini.<b> Interprétation : </b>Paolo Bonacelli, Giorgo Cataldi, Umberto P. Quintavalle, Hélène Surgere.<b> Origine :</b> Italie. <b>Durée :</b> 2h00. <b>Année :</b> 1975.</div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-53005777742870400242010-03-28T00:11:00.000+01:002016-02-21T14:15:04.473+01:00Le metteur en scène de mariages<span class="Apple-style-span" style="color: rgb(0 , 0 , 0);"> </span><br />
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-tnf45dWugBnGtAZ0yeG02So_EzL-iZDVZFsMiQoV_Sx3ivu9P_GacrJ9msSnlECbwmB2A80utgj2oTLqYOJyRQbSl1n-5WxdwPk_GjvsWiPB8ira35xocjoYcF1W6F_iAvbcFA/s1600/bellocchio+4.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img alt="" border="0" height="230" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5452342638720667330" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-tnf45dWugBnGtAZ0yeG02So_EzL-iZDVZFsMiQoV_Sx3ivu9P_GacrJ9msSnlECbwmB2A80utgj2oTLqYOJyRQbSl1n-5WxdwPk_GjvsWiPB8ira35xocjoYcF1W6F_iAvbcFA/s400/bellocchio+4.jpg" style="display: block; height: 230px; margin-top: 0px; text-align: center; width: 400px;" width="400" /></a><span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><span style="text-indent: 35.4px;">La lumière revient et Marco Bellocchio, accompagné par Jean A. Gili, prend la parole face au public du cinéma Jean Vigo. L’assemblée est enthousiaste et semble être encore plus impressionnée par le prestige du cinéaste. Il faut rajouter qu’avant sa projection à Nice, </span><i style="text-indent: 35.4px;">Le réalisateur de mariages</i><span style="text-indent: 35.4px;"> avait déjà été présenté au Festival de Cannes 2006 dans la section « Un Certain Regard ». On avait ainsi l’impression, ce soir là, d’assister à une sorte d’événement (amplifié par les problèmes de distribution que rencontre le film en France). Les prises de parole, toutes favorables, se succèdent – même si la pertinence n’est pas forcément de rigueur. Un spectateur manifeste cependant quelques réserves. Celui-ci dit ne pas avoir vu le même film que les autres. Pour lui, il s’agit d’un simple exercice de style. Le réalisateur, toujours charmant, défend son film. Sans être entièrement d’accord avec l’une ou l’autre intervention, on peut néanmoins s’interroger sur les intentions de Bellocchio.</span><span style="text-indent: 35.4px;"> </span></span><br />
<div style="text-indent: 35.4px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Celui-ci adopte une approche éclectique qui repose sur la multiplication de situations improbables et sur un montage toujours en quête de rupture. C’est la gageure du cinéaste. Il veut étonner à tout prix le spectateur, par une fantaisie et une liberté de ton qu’il renouvelle dans chaque séquence. Si l’inspiration ne lui fait jamais défaut, il arrive néanmoins un moment où la volonté de briser la structure rationnelle du film en devient indigeste. On étouffe, submergé par un cortège de scènes invraisemblables, qui ne répondent jamais, selon l’auteur, à la moindre gratuité formelle. Certes, il est avant tout intéressé par le cheminement – pour le moins déroutant – des personnages. Mais justement, on est si absorbé par le refus de tout réalisme que l’on oublie peu à peu de chercher la cohérence narrative de l’œuvre. L’histoire est pourtant simple. Franco Elica, un célèbre metteur en scène, est engagé par le prince Ferdinando Gravina di Palagonia pour filmer le mariage de sa fille. Le protagoniste tombe inévitablement amoureux de la princesse et tente d’empêcher cette union. Sur ce point, on peut tout de même féliciter Bellocchio, qui réinvente la structure du conte et qui explore d’une manière nouvelle le désir d’infantilisme de ses contemporains, si bien véhiculé dans les salles obscures. En témoigne le succès tragique, auprès des adultes, de <i>Harry Potter</i> et compagnie. La surcharge dont souffre le film n’en est que plus regrettable. </span></div>
<div style="text-indent: 35.4px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Le réalisateur précise que la Sicile a été traitée comme une image du « Sud » et non dans sa spécificité régionale. C’est une surprise, tant le film semble se référer à ce qui la caractérise justement le mieux dans le cinéma et la littérature. La vétusté, l’immobilisme, la religiosité. Ce n’est pas seulement le monde méridional, c’est avant tout la Sicile dont parlent Lampedusa, De Roberto ou Sciascia. Le contexte sociopolitique du pays est d’ailleurs regardé à travers le prisme sicilien. Les protagonistes répètent que ce sont les morts qui commandent en Italie. Le prince de Salina n’évoquait-il pas, en passant par d’autres métaphores, cette vieillesse et cette pesanteur dans <i>Le guépard</i> ? La représentation de l’île ne parait donc pas si imprécise - sans compter les extraits de <i>Cavaleria rusticana</i> et tout l’imaginaire social que contient l’opéra de Mascagni. </span></div>
<div style="text-indent: 35.4px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Bellocchio précise que, contrairement aux réalisateurs de la nouvelle vague, il ne fait pas de « cinéma pour parler du cinéma ». L’idée est étonnante si l’on considère certaines séquences, qui engagent une réflexion sur la valeur d’un cinéaste, la manifestation de sa créativité (cf. les plans en noir et blanc, qui représentent les images que tourne inconsciemment Elica), ou sa place dans le processus d’élaboration d’une œuvre. De plus, Bellocchio affirme ne pas insérer de citations de films, à l’inverse de Godard. Mais ne remarque-t-on pas, par exemple, la musique des <i>Feuilles mortes</i>, que les cinéphiles associent immédiatement aux <i>Portes de la nuit</i> ? Il ne s’agit pas d’une citation au sens strict, mais la référence (même involontaire) est pourtant bien présente. Sans parler de l’évocation du <i>Guépard</i> dans un dialogue, ou de l’utilisation répétée de <i>Cavaleria rusticana</i>, que tant de cinéastes ont repris auparavant. Toute cette épaisseur cinématographique serait-elle fortuite ? N’y aurait-il aucune mise en perspective du cinéma dans le cinéma ? Non, décidément, nous n’avons pas vu le même film ! </span></div>
<div style="min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: right; text-indent: 35.4px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Aurélien Portelli</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-75969897552606507622010-03-22T23:28:00.003+01:002016-02-22T21:46:28.725+01:00L'esthétique morbide de Mario Bava dans Le masque du démon<span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana"; font-size: 12px; text-align: justify;"></span><br />
<div style="text-align: justify;">
<div style="font-family: arial;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkkndzkvKIFD-pzlHYFxpDrAivQCyq9r9gqAM5t5LF1S85aIyxZieWUgk-C6eiPdv3vLAV-KTLSG2ERs9ACNvYqxUNXFbXF2PWYYtpXXHMsSBiOdl682MMUxv31Nq3YvcKdJrxow/s1600/masque-du-demon.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="302" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkkndzkvKIFD-pzlHYFxpDrAivQCyq9r9gqAM5t5LF1S85aIyxZieWUgk-C6eiPdv3vLAV-KTLSG2ERs9ACNvYqxUNXFbXF2PWYYtpXXHMsSBiOdl682MMUxv31Nq3YvcKdJrxow/s400/masque-du-demon.jpg" width="400" /></a><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Au XVIIe siècle, en Moldavie, la sorcière Asa Vajda et son amant Igor sont accusés de vampirisme. Avant de les brûler vifs, le bourreau enfonce sur leur visage un masque muni de points acérées. Sur le point de mourir, Asa lance une malédiction sur ses descendants. Deux siècles se sont écoulés. Le docteur Krujavan, assisté de son disciple Andrei, réveille accidentellement la sorcière. Le prince Vajda redoute l’accomplissement de la malédiction, tandis que sa fille, la princesse Katia, est le parfait portrait de la sorcière.</span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;"> Le masque du démon</i><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;"> (réalisé en 1960 d’après un récit de Gogol), est le premier film de Mario Bava. Déjà réputé pour son travail de directeur de la photographie en Italie, il signe là une oeuvre d’une grande richesse visuelle, qui ouvre une longue et prestigieuse carrière de réalisateur, dont le style a profondément influencé le Septième Art, et en particulier le cinéma d’horreur.</span></span><br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Une esthétique envoûtante </span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La première séquence, qui montre le supplice des deux adorateurs du Démon, nous plonge d’emblée dans une construction plastique fascinante. L’atmosphère macabre qui se dégage des plans - les nappes brumeuses de l’hiver moldavien et la charge folklorique suscitée par ce lieu, les bourreaux encagoulés qui accomplissent leur sinistre besogne, les travellings sur les branches décharnées des arbres, le masque qui s’enfonce dans la chair d’Asa - est admirablement rendue par la photographie noir et blanc de Bava. Certes, le film souffre parfois de quelques imperfections. Certains raccords sont bâclés. Les effets spéciaux ne sont pas de qualité égale. La narration piétine et la psychologie des personnages n’échappe pas aux grands archétypes du genre. Mais ces faiblesses sont largement compensées par une vision esthétique envoûtante. Bava met à profit son expérience de chef opérateur et de plasticien de talent. Par exemple, pour palier la difficulté d’agiter la marionnette d’une chauve-souris agressant Krujavan, le cinéaste décide de projeter l’ombre menaçante de la créature sur les murs de la crypte. Ce choix judicieux confère une force expressionniste à la séquence et permet par la même occasion de faire oublier la faiblesse du trucage. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les décors (conçus par Giorgio Giovannini), en plus d’être superbement filmés, sont particulièrement soignés. Sur ce point, on ne relève aucune fausse note. Les murs du caveau rongés par les siècles, la prédominance de l’architecture gothique, les portes vermoulues mal graissées, les toiles d’araignées, la vétusté du château et du mobilier poussiéreux du prince (vestiges de la gloire révolue de sa dynastie) laissent planer un parfum d’embaumement dans ces lieux livides, où la mort semble régner en permanence. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La prépondérance des séquences nocturnes, que l’on retrouve dans la plupart des films d’horreur, devient presque un prétexte pour Bava afin d’expérimenter sa maîtrise du clair-obscure, à l’instar des grands artistes baroques. Les effets d’éclairage sont particulièrement complexes et aboutis. Une scène d’extérieur, d’une stupéfiante beauté, révèle ainsi la muraille du château qui se découpe dans l’obscurité, au moment où les nuages s’écartent pour faire apparaître une pleine-lune triomphante. La lumière de l’astre vient caresser faiblement la partie gauche du cadre et rehausse l’aspect menaçant de la masse monolithique, où se concentre la majeure partie de l’intrigue.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La lenteur de certains mouvements d’appareil évoque la lente et inexorable marche qui conduit la vie au trépas. <i>Le masque du démon</i>, de part sa substance narrative et sa forme, est une ode au néant. Bava recourt également à des effets de distorsion temporelle : Igor, revenu de l’Au-delà, conduit la calèche qui doit ramener Krujavan auprès du prince mourant. La course est filmée au ralenti et les chevaux - vision quasi fantomatique - semblent sortir tout droit de l’enfer. Bava recourt également à d’autres techniques tout aussi efficaces. La rapidité des travellings optiques avant et arrière dynamise la mise en scène et renforce la frayeur ressentie par le spectateur. Par exemple le zoom sur le visage figé d’Igor, qui avance vers le prince dans le but de l’assassiner, amplifie les traits abominables du protagoniste.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Certains cadrages, surtout dans la première partie, expriment la pesanteur maléfique qui émane du film. Alors que Krujavan et Andrei traversent le domaine du prince, on remarque que la caméra est placée derrière les branchages tortueux, qui recouvrent presque entièrement le cadre. Bava aménage juste une petite ouverture entre les branches, qui permet au spectateur de voir la calèche s'éloigner vers l’arrière-plan. Le plan semble indiquer que les personnages pénètrent dans un piège mortel, dont ils ne pourront s’échapper. La même idée est suggérée lorsque les deux personnages se dirigent vers la crypte et passent sous une arche. On remarque que le cadre est légèrement incliné. Bava indique que Krujavan et Andrei pénètrent dans un lieu régi par des forces maléfiques, qui imposent de nouvelles règles à la réalité.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le style adopté par Bava travaille en profondeur le matériau du cinéma crépusculaire de Murnau (<i>Nosferatu</i>, 1922), Browning (<i>Dracula</i>, 1931), Dreyer (<i>Vampyr</i>, 1932), ou Halperin (<i>White Zombie</i>, 1932). Mais si l’on sent planer l’influence déterminante des grands maîtres de l’épouvante, on remarque aussi plusieurs éléments novateurs qui font du <i>Masque du démon</i> l’un des premiers films d’horreur moderne (1). Le réalisateur dépoussière le genre en transformant notamment certains codes inhérents aux films de vampires. Les humains doivent enfoncer un pieux non pas dans le coeur mais dans l’oeil gauche des monstres pour les exterminer. Les séquences où le sang gicle abondamment donne au <i>Masque du démon</i> une texture gore aussi raffinée qu’éprouvante, imposant ainsi de nouvelles conceptions sur le plan narratif et esthétique (2). Les scènes où le visage d’Asa se reconstitue progressivement sont très impressionnantes. Un grouillement infâme anime d’abord les orbites de la morte, tandis que, dans un autre plan, des globes blanchâtres commencent à se former.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">D’autres éléments nous ramène néanmoins de plain-pied dans la tradition liée à ce genre cinématographique. Les créatures doivent se nourrir de sang. Elles sont douées de pouvoirs hypnotiques et craignent les crucifix, les images pieuses, le feu et la lumière du jour. Dans l’ensemble, Bava reprend ainsi les caractéristiques de l’imaginaire vampirique (du <i>Dracula</i> de Stocker aux films d’épouvante). <i>Le</i> <i>masque du démon</i> exprime donc à la fois rupture et continuité.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le thème du double : clé d’interprétation du film</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le prince est obsédé par les portraits d’Asa et d’Igor, qui appartiennent à sa famille depuis deux siècles. Une nuit, le vieil aristocrate croit percevoir un changement dans le griffon peint dans le second tableau. L’animal, qui était vivant auparavant, semble être mort. L’obsession devient terreur. La représentation des vampires est double : elle est à la fois figure picturale et figure ressuscitée. Le portrait immortalise symboliquement les morts, tandis que la sorcellerie leur permet de vaincre réellement l’éternité. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Toiles hantées, reflet du masque dans un verre de vin, ombres inquiétantes sur les murs, image de la sorcière habilement introduit par un fondu enchaîné lorsque Krujavan jette une pierre dans l’eau : la mort est d’abord projection avant d’être incarnation. Elle envahit l’esprit avant de s’en prendre au corps. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La princesse Katia est le parfait sosie d’Asa. C’est en puisant son énergie vitale que la sorcière va pouvoir revivre. La mort se nourrit de la vie en s’attaquant à l’intégrité de la chair. Les symptômes de la malédiction sont toujours identiques : les victimes sont défigurées, tout comme les vampires portent sur leur visage les stigmates du masque du démon. Les vivants trépassent et les morts reviennent à la vie. Peu à peu, les vampires se régénèrent et retrouvent une apparence normale. Asa plante ses ongles dans le bras de Katia pour faire débuter le transfert d’énergie. Une fois que sa chair sera totalement reconstituée, la sorcière pourra prendre la place de son double dans le monde. La mort est conquérante. Elle domine la vie au point de l’instrumentaliser. Pour Asa, Katia est seulement née pour la faire revenir de l’au-delà. Le corps de la princesse n’est plus qu’un objet de chair à dépouiller, une carcasse en devenir. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aussi, la candeur de Katia, son visage angélique, sa peau laiteuse, son décolleté outrageux, ne peuvent apporter une touche de lumière dans un univers aussi obscure ; car elle porte en elle les gènes qui la prédestinent à une fin atroce. Elle est d’ailleurs gagnée par la tristesse et le renoncement, car elle pressent le danger qui la menace. Après la mort de son père, Katia ne croit plus en la vie et prend conscience de sa propre dégénérescence - elle regarde son reflet dans l’eau et comprend que sa beauté se fane chaque jour davantage. La mort vient à bout de toutes les vanités. Cette idée est suggérée lorsque Bava filme, à deux reprises, un crâne posé sur le rebord d’une niche de la crypte. Rappelons que la tête de mort se réfère souvent, dans l’iconographie baroque, à la devise « Memento mori », qui devient, selon Barbara Borngässer, <i>« le leitmotiv d’une société bouleversée, hantée par des angoisses existentielles ». </i>L’auteur rajoute que<i> « Le thème de la Vanitas, néant de l’existence terrestre, traverse tous les arts » </i>(3). On peut facilement souligner la valeur intemporelle de ce thème, très présent dans la filmographie de Bava (<i>Le corps et le fouet</i>, <i>La maison de l’exorcisme</i>, <i>La fille qui en savait trop</i>, etc.). Le « happy end » n’est d’ailleurs qu’un subterfuge et exprime en fait un total nihilisme. Les plans de la sorcière sont déjoués et elle périt sur le bûcher. La femme vampire retourne à la mort. Katia, quant à elle, revient effectivement à la vie lorsque disparaît son double, mais ce n’est là qu’un sursis. Sa beauté continuera de se flétrir et à son tour elle redeviendra poussière. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’esthétique de Bava décrit à la perfection cette pureté de la mort. Et c’est finalement cette pureté qui devient objet de fascination, réponse directe à l’instinct morbide présent en chaque homme - la sorcière attire le docteur Krujavan en lui proposant un baiser, alors qu’elle porte encore les affreuses marques provoquées par le masque. Le spectateur, tout comme le docteur, peut difficilement échapper à ce mécanisme de séduction. Il finit par être totalement soumis au processus filmique, comme s’il était piégé dans un tableau aussi merveilleux que terrifiant.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="font-family: 'times new roman'; min-height: 15px;">
<br /></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">__________ </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 11px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) Pour Eric Dufour, <i>« Bava n’est pas pour rien, sinon l’initiateur, du moins le précurseur de ce qu’on appelle le film d’horreur »</i>. Cf. E. DUFOUR, <i>Le cinéma d’horreur et ses figures, </i>Paris, PUF, 2006, p. 22.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(2) Eric Dufour rajoute que Bava a mis au point un code narratif qui a structuré le genre : <i>« dans un film d’horreur, le fait que l’histoire n’est pas essentielle a pour conséquence que la révélation finale de l’assassin importe aussi peu que le développement des éléments d’une intrigue pourtant mise en place (...). Ce qui importe, ce sont surtout tous les moments où rien n’arrive, de sorte que le film devient d’abord et avant tout une accumulation de signes, en vertu desquels il est possible que quelque chose arrive, sans qu’on le voie, ailleurs ou ici, maintenant ou plus tard »</i>. Cf. E. DUFOUR, <i>Le cinéma d’horreur et ses figures, </i>op. cit.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(3) Rolf TOMAN (ouvrage dirigé par), <i>Baroque et Rococo</i>, Berlin, Editions Feierabend, 2003, p. 202.</span></div>
<div style="font-family: 'times new roman'; min-height: 15px;">
<br /></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le masque du démon (<i>La Maschera del demonio</i>)</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation : </b>Mario Bava. <b>Scénario :</b> Ennio De Concini, Mario Serandrei (d’après Gogol). <b>Photographie : </b>Mario Bava. <b>Interprétation :</b> Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani. (<b>Italie, 1961, 87 min.</b>). </span></div>
</div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-60319741947613318832010-03-07T17:20:00.003+01:002016-02-21T15:09:08.746+01:00Le cinéma-Vietnam : entre vérité et fantasme historiques<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhMRwlhZmNNz_47TpaU01zLcQUvg0ZjYV1EiyF0QBHT1q1fYCSMD2eRz5fmq8irOTtRLXAK6d-oed_1DGIH7wYUPc-yHpxzRdQUok9HujcBE16TOfwKKlLC4v_ndYbaRTHL9_v9_Q/s1600/Apocalypse+Now.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhMRwlhZmNNz_47TpaU01zLcQUvg0ZjYV1EiyF0QBHT1q1fYCSMD2eRz5fmq8irOTtRLXAK6d-oed_1DGIH7wYUPc-yHpxzRdQUok9HujcBE16TOfwKKlLC4v_ndYbaRTHL9_v9_Q/s400/Apocalypse+Now.jpg" width="400" /></a><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">La guerre du Vietnam a profondément ébranlé la société américaine. Le sujet n'intéresse tout d'abord pas les studios et les spectateurs, des débuts de l'intervention américaine en Asie jusqu'à l'immédiate après-guerre. L'exploitation hollywoodienne du conflit commence véritablement après le succès de </span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Voyage au bout de l'enfer</i><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;"> en 1978. A partir de là, des centaines de films sont réalisés sur la guerre du Vietnam, que nous désignons par le terme de « cinéma-Vietnam », emprunté à Benjamin Stora(1). Cette série de longs-métrages a légitimement interpellé les critiques et les historiens, qui se sont interrogés sur la valeur historique de ces oeuvres et leur possibilité d'énoncer des points de vue véridiques sur la guerre.</span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aucune réponse n’est cependant envisageable sans tenir compte de trois évidences. Premièrement, l’histoire écrite n’est qu’une retranscription possible du passé, et les vérités établies sont des sursis en attente d’autres découvertes. L’historien ne cherche pas à énoncer des dogmes. Il souhaite seulement convaincre ses lecteurs que son histoire est plausible. Pourtant, si son discours historique paraît plus crédible que celui du cinéaste, l’historien est rarement le plus écouté des deux. Deuxièmement, l’histoire est un genre littéraire à part entière : un travail d’historien et un film historique ont en commun d’être des récits narratifs. Le premier répond à des procédés et des normes universitaires ; le second s’inscrit dans un système de production cinématographique. Leur fonction est néanmoins de raconter une histoire conjuguée au présent. En effet, une vérité historique résulte, troisièmement, des valeurs culturelles, des questionnements et des besoins de la société qui l’énonce.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">De nombreux auteurs se sont demandés si le cinéma-Vietnam appartenait à un genre cinématographique spécifique. En fait, il semble plus évident, en considérant l’extrême diversité des réalisations, de le décomposer en quatre catégories de films. On peut distinguer tout d’abord les films de guerre qui représentent les militaires sur le front, puis ceux évoquant le retour des anciens combattants. On discerne ensuite des œuvres « hybrides », qui contiennent à la fois des séquences de combats et d’autres qui abordent la réinsertion sociale des soldats. La dernière catégorie correspond aux films « revanchards », où les Américains se vengent de leurs anciens adversaires, soit en allant secourir les portés disparus, soit en luttant contre le syndicat du crime vietnamien implanté aux Etats-Unis. Les réalisateurs ont ainsi proposé des points de vue divergents sur l’histoire du conflit, en tentant de décrire notamment les conditions de la déroute militaire américaine et le statut du vétéran au sein de la société civile.</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Les raisons de la défaite américaine</b></span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Le Merdier</i> (<i>Go Tell the Spartans</i>, T. Post, 1978) est l’un des rares films qui explique clairement les raisons militaires de la défaite des Etats-Unis(2). Selon le major Barker (B. Lancaster), l’Etat-major se trompe en choisissant une stratégie fondée sur une défense passive. Chaque jour, les Vietcongs maîtrisent davantage le terrain, alors que les officiers américains disposent seulement de faibles troupes, de surcroît mal équipées. Mais ce discours ne s’applique véritablement qu’au contexte du début des années 1960, bien avant la vietnamisation du conflit, et ne saisit pas les raisons globales de la défaite des Etats-Unis.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La plupart des films de guerre se contentent, quant à eux, d’insister sur la désorganisation et l’inadaptation de l’armée, sans donner d’explications plus précises. <i>Full Metal Jacket</i> (S. Kubrick, 1987) présente tout d’abord l’entraînement des marines à Paris Island, puis leur mobilisation sur le front vietnamien. Le film montre que les soldats ne comprennent pas la logique de la guérilla, car ils ont été formés pour tuer sans réfléchir. Le sergent instructeur Hartman (L. Ermey) leur a seulement enseigné à mépriser l’ennemi sans tenter de saisir ses modes de pensée. Dans <i>Outrages</i> (<i>Casualities of War</i>, B. De Palma<i>, </i>1989), les militaires sont encore plus désorientés : leur étroitesse d’esprit et leurs préjugés les empêchent de lutter efficacement contre l’adversaire. Le réalisateur accentue la détresse des Américains en exprimant leur difficulté à évoluer dans la jungle, qui chaque jour les épuise davantage.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La critique des officiers est encore plus virulente. Dans<i> Platoon</i> (O. Stone, 1986), les soldats méprisent le lieutenant Wolfe (M. Moses) à cause de son inexpérience et de son manque d’autorité. Alors que sa division est attaquée, il demande par radio que la zone occupée par les Vietcongs soit bombardée. Mais les coordonnées qu’il donne sont fausses et ce sont ses propres hommes qui sont décimés. La critique du personnage du lieutenant est certes un peu trop systématique dans le cinéma-Vietnam, mais reflète une certaine part de vérité historique(3). En effet, bon nombre d’entre eux se retrouvaient à la tête d’une section sans avoir de connaissance réelle des combats. A peine avaient-ils le temps de prendre leurs marques qu’ils étaient mutés et remplacés par un nouvel officier sans expérience.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">A l’inverse, le sergent est presque toujours respecté par ses hommes. L’exemple le plus significatif reste le personnage de Bob Barnes (T. Berenger) dans <i>Platoon</i>, qui commande d’une main de fer sa section. Celui-ci rentre souvent en conflit avec le sergent Elias Grodin (W. Dafoe), avec qui il ne partage absolument pas la même vision de la guerre. Les divergences d’opinion sur le déroulement du conflit, la résignation des troupes, la drogue, les bagarres entre soldats, montrent le spectacle d’une armée en déroute, incapable de s’adapter à la stratégie des Vietcongs.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Ces derniers dominent les fantassins américains, en lançant contre eux des attaques-éclair et en gardant une maîtrise totale du terrain. Ils parviennent ainsi à se fondre dans leur environnement, à tel point qu’ils finissent par s’éclipser totalement du champ de la caméra. Dans <i>Le merdier</i>, les soldats vietnamiens apparaissent furtivement et demeurent invisibles durant le déroulement du récit. Dans <i>Apocalypse Now </i>(F. F. Coppola, 1979), l’ennemi devient de plus en plus primitif à mesure que le bateau du capitaine Willard (M. Sheen) remonte le Mékong. Lorsque celui-ci pénètre sur le territoire du colonel Kurtz (M. Brando), il découvre non pas des Vietcongs aguerris, mais des autochtones qui apparaissent dans la brume, immobiles, comme s’ils étaient des éléments du décor de la jungle. La menace constante d’une attaque vietnamienne donne également l’impression, dans <i>Platoon</i>, que la forêt est continuellement habitée par l’adversaire, qui semble se dissimuler derrière chaque arbre.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Par conséquent, les films de guerre laissent croire au spectateur que les Américains se battent contre des fantômes. De nombreux témoignages de soldats donnent raison aux cinéastes, en affirmant que de longues périodes pouvaient s’écouler avant d’apercevoir un ennemi. Cependant, la dynamique narrative et la durée standard d’un long-métrage conduisent à déréaliser la temporalité de la guerre. Souvent, le montage des films alterne rapidement les attaques et les moments d’attente, ce qui donne la sensation au public d’assister à une série de combats quasi-continus. Ce qui n’était pas le cas durant le conflit vietnamien.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La supériorité des Vietcongs sur l’armée américaine provient également des méthodes extrêmes qu’ils appliquent. Kurtz raconte à Willard qu’au cours d’une mission, sa section avait reçu l’ordre de vacciner des enfants vietnamiens. Lorsque les troupes américaines quittèrent le village, les Vietcongs coupèrent aussitôt tous les bras vaccinés. Kurtz fut subjugué par cet acte de barbarie : <i>« Quelle volonté pour faire ça, ils étaient les plus forts pour supporter tout cela. Ce ne sont pas des monstres mais des cadres entraînés, des soldats courageux aimant leur famille, leurs enfants. Si j’avais dix divisions de ces hommes de troupes, nos problèmes ici seraient très vite réglés »</i>.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La cruauté des Vietcongs est démesurée dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter, M. Cimino, 1978). Pour beaucoup de critiques, le film détourne la vérité historique en présentant les Vietnamiens comme des bourreaux, et les Américains comme leurs héroïques victimes. La célèbre séquence de la « roulette russe » fut au centre de la polémique. Selon Cimino : « Il y a des gens qui témoignent avoir vécu ces moments-là et d’autres qui trouvent inconcevable que cela ait pu arriver, puisse arriver. (…) Or, j’ai parlé à des gens qui ont vécu cela. Pour moi c’était un moyen de choquer le spectateur au point d’accepter qu’on lève le blocage qui a si longtemps persisté sur cette guerre »(4). Les journalistes interrogent les vétérans afin de savoir si les Vietnamiens avaient eu recours à de telles pratiques. Certains donnent raison au réalisateur, tandis que d’autres le réfutent catégoriquement.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Ce type de représentation de l’ennemi a inspiré toute une génération de films revanchards. Le plus bel exemple de la « perversité » de l’adversaire reste <i>Portés</i> <i>disparus 2 </i>(<i>Missing in Action 2</i>, L. Hool, 1985)<i>. </i>Le colonel<i> </i>Braddock (C. Norris) croupit dans un camp de prisonniers dirigé par le colonel Yin (S.-Tek Oh), qui invente toute sorte de torture pour briser la volonté du protagoniste (il l’oblige notamment à mettre sa tête dans un sac rempli de rats affamés). On ne peut nier l’inspiration raciste de ce genre de réalisation, qui déshumanise le soldat vietcong. Les films revanchards voudraient démontrer au spectateur que les marines ont connu l’enfer au Vietnam, alors qu’au même moment, une grande partie de l’opinion condamnait injustement l’action de l’armée américaine.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le mouvement d’opposition à la guerre constitue un autre facteur important qui expliquerait, dans le cinéma-Vietnam, la défaite des Etats-Unis. Le contestataire, à l’instar du Vietnamien, est fréquemment caricaturé par les cinéastes. Il est présenté comme un ingrat, qui condamne le soldat américain sans tenter de se mettre à sa place. L’image de l’opposant à la guerre se confond la plupart du temps avec celle du hippie, ce qui relève bien évidemment de l’imaginaire. Cette représentation réductrice nous éloigne considérablement de la réalité du « Mouvement », qui se caractérise en fait par son hétérogénéité.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Hamburger Hill</i> (J. Irvin, 1987) révèle la méchanceté des contestataires. Un G. I. avance que les hippies aiment tout le monde, sauf les soldats qui ont combattu au Vietnam. Il raconte qu’un homme de son quartier est harcelé par des appels anonymes. Ce sont <i>« des jeunes, des étudiants ; il lui disent que c’est tant mieux, si son fils s’est fait tuer au Vietnam comme une bête sauvage par l’héroïque armée du peuple »</i>. Les sacrifices des militaires ne sont pas reconnus par l’opinion, ce qui diminue leur moral et leur volonté de vaincre l’ennemi.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Nixon</i> (O. Stone, 1995) évite quant à lui de diaboliser le mouvement de contestation. En mai 1970, le Président des Etats-Unis rencontre des jeunes américains opposés à la guerre, qui manifestent au pied du Capitole. Nixon tente d’établir maladroitement le dialogue avec eux en leur parlant de football. Il leur explique ensuite qu’il veut signer une paix dans l’honneur et ne pas retirer trop vite les troupes du Vietnam. Un jeune homme l’interrompt : <i>« Il y a quelque chose que vous devez comprendre monsieur Nixon, si la cause est juste, nous sommes tous prêts à mourir »</i>. L’argumentaire du personnage, tout comme sa tenue soignée, détonne par rapport aux archétypes habituels du contestataire. Ce type de représentation est cependant extrêmement rare dans le cinéma-Vietnam.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les dizaines de milliers de morts, la défaite militaire, les révélations sur le massacre de My Lai et les antagonismes qui divisent l’opinion provoquent un profond malaise au sein de la société américaine. Le syndrome de la guerre du Vietnam a ainsi touché plusieurs couches de la population, et en premier lieu les soldats qui reviennent du front et qui sont traumatisés par l’expérience de la guerre.</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Le problème de l’ancien combattant</b></span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le vétéran du Vietnam est un personnage de fiction qui occupe une place primordiale dans la culture américaine. Il est présent dans d’innombrables séries télévisées (<i>Starsky et Hutch</i>, <i>Magnum</i>, <i>L’agence tout risque</i>, <i>Les Simpson</i>, etc.), et apparaît dans des genres cinématographiques aussi divers que le film policier, comme <i>L’année du dragon</i> (<i>Year of the Dragon,</i> M. Cimino, 1985), le cinéma érotique, tel que <i>Supervixens</i> (R. Meyer, 1975) ou encore le film d’horreur, dont <i>House</i> (S. Miner, 1986) est l’un des exemples les plus réussis.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’ancien combattant est représenté la plupart du temps comme un marginal qui revient d’une contrée lointaine, dévastée par la guerre. Désespéré et incompris, il est continuellement hanté par ce qu’il a vécu au Vietnam. <i>Voyage au bout de l’Enfer</i> exprime admirablement le problème de la réintégration du vétéran dans la société. Michael (R. De Niro) revient dans une ville qui n’a pas été touchée par le mouvement de contestation ou par la crise sociopolitique des années 1960. Toute référence à la réalité de la guerre gène profondément les habitants ; nul ne sait ou ne veut évoquer le conflit. Mais la solidarité de la communauté des sidérurgistes parvient à réconforter Michael et à l’aider à retrouver sa place auprès des siens.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Cette cohésion entre l’ancien soldat et les civils est exceptionnelle dans le cinéma-Vietnam. La majorité des films sur le retour du vétéran insistent au contraire sur la marginalisation de ce dernier. <i>Rambo</i> (<i>First Blood,</i> T. Kotcheff, 1982) en est une parfaite illustration. Le shérif Will Teasle (B. Dennehy) traite John Rambo (S. Stallone) comme un paria. Le policier le juge dangereux et ne veut pas le laisser traverser sa ville. Il l’humilie en lui conseillant de couper ses cheveux et de prendre un bain. Dans la dernière partie du film, Rambo se confie à son mentor, le colonel Trautman (R. Crenna) : <i>« Rien n’est terminé. Rien ! C’était pas ma guerre, c’est vous qui m’avez appelé, pas moi. J’ai fait ce qu’il fallait pour gagner, mais on n’a pas voulu nous laisser gagner. Je suis revenu dans le monde et j’ai vu ces larves m’attendre à l’aéroport, me conspuer comme un criminel. Ils m’ont appelé le boucher. Qui sont-ils pour dire ça ? »</i>. Le monologue du protagoniste, malgré sa maladresse, résume l’ampleur de la détresse que peuvent ressentir les anciens combattants à l’époque où <i>Rambo</i> fut réalisé.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Alamo Bay</i> (L. Malle, 1985), film américain réalisé par un cinéaste français, décrit avec précision la condition sociale des vétérans. Dhin (H. Nguyen) a fui le Vietnam peu après la guerre pour se réfugier aux Etats-Unis. Il arrive à Alamo Bay, une petite ville de pêcheurs du Sud, et découvre une population enfermée dans ses préjugés raciaux. Les vétérans haïssent les immigrés vietnamiens car ils représentent pour eux un danger économique, et bénéficieraient par ailleurs de privilèges auxquels les « vrais américains » n’ont pas accès. Le réalisateur ne sombre jamais dans une analyse manichéiste. Il dévoile avec pertinence les mécanismes de paupérisation des vétérans et dresse le portrait d’une société traumatisée par les conséquences du conflit.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les films insistent également sur la solitude de l’ancien combattant. Celui-ci a peu d’amis et ses relations avec les femmes sont difficiles. Dans <i>Supervixens</i>, le shérif Harry Sledge (C. Napier) est impuissant et électrocute sa partenaire sexuelle car celle-ci l’a humilié. Il accuse de ce meurtre Clint Ramsey (C. Pitts), le petit ami de la défunte. Le policier tente d’assassiner le jeune homme à la fin du film, et espère bien cette fois « gagner sa guerre ». Mais c’est surtout Travis Bickley (R. De Niro), le protagoniste de <i>Taxi Driver</i> (M. Scorsese, 1976), qui reste l’une des figures emblématiques du vétéran dans le cinéma américain. Insomniaque, Travis erre dans les rues de New York et fréquente les cinémas pornographiques. Il est dégoûté par la crasse et les vices de la mégapole. Son amertume le pousse alors à devenir un justicier sanguinaire.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aussi, les anciens combattants cherchent-ils parfois une mission à accomplir afin de redonner un sens à leur vie. Au début de<i> Portés disparus</i> (<i>Missing In Action</i>, J. Zito, 1984), Braddock se réveille après avoir fait un mauvais rêve. Les plans suivants montrent qu’il est devenu un « zombi » depuis son retour du Vietnam. Il regarde à la télévision un reportage sur les portés disparus et décide de revenir en Asie pour délivrer ses compagnons. Il espère par la même occasion venger son honneur bafoué, en parvenant cette fois à vaincre l’ennemi. Ce type de film transporte le spectateur dans un Vietnam fantasmatique. Le pays semble davantage peuplé de soldats que de civils, et les camps de prisonniers américains sont plus nombreux que les villages vietnamiens.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L’ancien combattant agit dans l’illégalité et mécontente les pouvoirs publics. Dans <i>Retour vers l’Enfer</i> (<i>Uncommon Valor</i>, T. Kotcheff, 1983), le colonel Jason Rhodes (G. Hackman), qui entraîne un commando pour aller délivrer les « MIA », est espionné par des agents du gouvernement. Ces derniers ne tentent aucune action (diplomatique ou militaire) pour rapatrier les prisonniers, et empêchent de plus les vétérans de leur porter secours. Les politiciens sont par conséquent violemment critiqués dans les films revanchards. Ils cachent la vérité à l’opinion en affirmant qu’aucun militaire américain n’est resté au Vietnam. Les intérêts financiers de l’Etat semblent plus importants que la vie des portés disparus. Rhodes dénonce cette situation lorsqu’il s’adresse à ses hommes : <i>« L’Amérique vous prend pour des délinquants depuis le Vietnam à cause de la défaite. Aux Etats-Unis, celui qui perd est perdu, il n’est plus rien. C’est quoi un perdant ? quelqu’un qui coûte beaucoup et qui n’est d’aucun profit. C’est pour cela que l’Amérique n’ira jamais récupérer ses fils au Vietnam, ça ne lui rapporte rien »</i>.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La critique du gouvernement est toute aussi virulente dans <i>Rambo 2 </i>(G. P. Cosmatos,<i> </i>1985). L’administration présidentielle est symbolisée par Murdock (C. Napier), un bureaucrate sans scrupule, qui propose à Rambo de photographier des soldats américains encore captifs. Evidemment, l’ancien combattant outrepasse son ordre de mission et libère un prisonnier. Furieux, Murdock ordonne au pilote de l’hélicoptère chargé de récupérer Rambo, de l’abandonner dans la jungle. Le personnage interprété par Stallone a désormais un double combat à mener : vaincre l’ennemi et se venger du fonctionnaire qui n’a pas osé le soutenir dans son initiative. Le succès international de <i>Rambo 2</i> n’empêche cependant pas la critique de souligner ses invraisemblances. Les vétérans sont de nouveau consultés, et avancent, sans renier la part divertissante du film, que celui-ci n’entretient pas de rapport avec la réalité de la guerre.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">A cause de son impopularité, le conflit vietnamien n’a pas pu donner de héros à la nation. Les films revanchards permettent, quant à eux, de transformer la figure honnie de l’ancien combattant en personnage héroïque, capable d’effacer une partie du déshonneur causé par la défaite. Ces œuvres (contrairement à des réalisations comme <i>Platoon</i> ou <i>Outrages</i>, qui dénoncent les crimes de guerre américains), donnent en effet une image positive du soldat, en passant volontairement sous silence ses comportements les plus inavouables. Pour Stallone, <i>« Il y a longtemps que l’Amérique cherchait à exprimer son patriotisme. Avec Rambo 2, je lui en donne l’occasion »</i>.<i> </i>Il n’est donc pas étonnant que l’Administration reaganienne ait tenté de récupérer le discours politique du film. Après l’avoir vu, Ronald Reagan prononça une phrase restée célèbre :<i> « Nous saurons quoi faire la prochaine fois »</i>. Le chef d’Etat souhaitait montrer à l’opinion qu’il avait tiré un enseignement – contrairement à ses prédécesseurs – de la défaite américaine en Asie du Sud-Est(5).</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le problème du porté disparu permet enfin toutes sortes d’extravagances, comme en témoignent certains films d’horreur des années 1980. Roger Cobb (W. Katt), le protagoniste de <i>House</i>, est un vétéran qui écrit ses mémoires de guerre. Il raconte notamment que Ben (R. Moll), son meilleur ami, fut mortellement blessé durant un assaut. Roger refusa de l’achever et l’abandonna aux mains de l’ennemi. Plusieurs années après ces événements, le fils du romancier disparaît mystérieusement. Le protagoniste finit par découvrir que Ben est devenu un mort-vivant et qu’il retient l’enfant prisonnier dans une autre dimension. Ce monde hanté par le revenant a l’apparence de la jungle vietnamienne, terre de damnation où son âme est restée piégée. Le cauchemar de la guerre continue donc de se dérouler dans un espace-temps imaginaire, symbole de la persistance du traumatisme psychologique et social causé par le conflit. Ainsi les cinéastes, en projetant les peurs et les fantasmes de l’Amérique sur grand écran, ont participé à leur manière à la cicatrisation du syndrome vietnamien. La fonction cathartique du cinéma-Vietnam semble dès lors l’emporter sur un quelconque devoir de vérité historique, qui n’a finalement intéressé qu’un nombre restreint de réalisateurs.</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
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<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">__________</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) B. STORA, <i>Imaginaires de guerre</i>, Editions la Découverte, 1997, 251 p.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(2) Beaucoup de vétérans considèrent Le merdier comme le meilleur film sur la guerre du Vietnam (cf. J. Roquemore, <i>History goes to the movies</i>, Broadway Books, 1999, p. 274). Certains historiens suivent également cette opinion (cf. F. Fitzgerald « Apocalypse Now », in M. C. Carnes, <i>Past imperfect</i>, New York, Owl Books Edition, 1996, p. 290).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(3) On remarque tout de même quelques exceptions. Citons le lieutenant Dan Taylor (G. Sinise) qui prouve, dans <i>Forrest Gump</i> (R. Zemeckis, 1994), ses compétences d’officier.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(4) Cf. A. MASSON, « Comme un cerf en automne, The Deer Hunter », in <i>Positif</i>, n°217, avril 1979, p. 16-20.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(5) Cf. N. Jackson, « Nothing is over ! : Rambo’s rampage », in <i>Search and destroy</i>, Creations Books, 2003, p. 163.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Lire également sur ce blog : « <a href="http://mecaniquefilmique.blogspot.fr/2006/09/la-guerre-du-vietnam-dans-le-cinma.html">La guerre du Vietnam dans le cinéma américain</a> ».</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-71411313166909094572010-02-23T17:43:00.004+01:002016-02-21T17:26:33.597+01:00Indiana Jones et le royaume du crane de cristal<span class="Apple-style-span" style="color: rgb(0 , 0 , 0); font-family: "arial" , serif; font-size: 12px;"></span><br />
<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWOEs6oMnWpE_8XvBeXlSqiagR1CtVVlKqpmyoXrf4DRz4Je-kQn-cFgcJLENYZv7u8yYtQ9Y3JRqPuFvkkBYMTqmNXnx8Sb7nTxWuY1UMaZyd4KoG9KKeReALLhOx7shGb6FktQ/s1600/18864940.jpg-r_760_x-f_jpg-q_x-20071128_091935.jpg" imageanchor="1" style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img alt="" border="0" height="267" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5441481271568716290" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWOEs6oMnWpE_8XvBeXlSqiagR1CtVVlKqpmyoXrf4DRz4Je-kQn-cFgcJLENYZv7u8yYtQ9Y3JRqPuFvkkBYMTqmNXnx8Sb7nTxWuY1UMaZyd4KoG9KKeReALLhOx7shGb6FktQ/s400/18864940.jpg-r_760_x-f_jpg-q_x-20071128_091935.jpg" style="display: block; height: 267px; margin-top: 0px; text-align: center; width: 400px;" width="400" /></a><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Sur le plan esthétique, </span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal</i><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;"> est une réussite. La beauté des cadrages et de la lumière (la prédominance des teintes jaunes et ocres souligne constamment le thème de l'Eldorado), l'utilisation magistrale de la profondeur de champ, démontrent la virtuosité de Spielberg et la rigueur de ses techniciens. On retrouve par contre les faiblesses scénaristiques — énigmes basiques, répliques élimées, situations prévisibles — propres aux productions Lucasfilm. L'histoire, comme dans les précédents opus, est construite autour de bagarres et de poursuites </span>répétitives <span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">dont la puérilité n'apporte évidement rien au déroulement de l'intrigue, et encore moins à la psychologie des personnages. Le duo Ford/Labeouf est bâti sur la même logique que le duo Ford/Connery dans </span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">La Dernière Croisade</i><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;"> : celle du conflit générationnel entre un père et son fils. L'opposition entre les deux héros du film est schématique et fonctionne péniblement. Les autres protagonistes sont quasiment laissés en friche. L’ex-maîtresse et le collègue archéologue apparaissent seulement pour agrémenter les dialogues et produire quelques situations vaguement comiques. La représentation des méchants est encore moins élaborée. Les lieux communs sur les Soviétiques se succèdent : il s'agit d'un peuple « naturellement » génocidaire (cf. le massacre des indigènes), qui remplace donc sans encombre les nazis — puisque l'action se situe cette fois durant la guerre froide. Plusieurs séquences nous montrent par ailleurs une Amérique submergée par la terreur rouge, et viennent nuancer le manichéisme du scénario. Mais les égarements des Yankees ont leurs limites : contrairement à leurs ennemis, ce ne sont pas des exterminateurs. Le professeur Jones vit apparemment dans un monde où les guerres indiennes n'ont pas eu lieu...</span></span><br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Certains rétorqueront que le cinéma d'évasion peut se permettre ce genre de facilités et que le dernier <i>Indiana Jones</i> est un divertissement irréprochable. On ne peut certes nier le plaisir de retrouver la mélodie de John Williams ou le chapeau du célèbre baroudeur. L'émotion des retrouvailles s'estompe cependant bien vite pour céder la place à une impression d'embaumement. Le cinéaste multiplie les clins d'œil rappelant les anciennes aventures d'Indiana (un plan dévoile une partie de l'Arche d'alliance, un autre montre une photo de Connery, etc.). Le parfum de nostalgie qui émane de la visite guidée du musée Jones finit néanmoins par s'étioler, tant l'ensemble paraît poussiéreux. Spielberg mise sur les mêmes effets sans tenter d'apporter la moindre nouveauté à la saga, hormis quelques points de détails et un glissement significatif vers la SF. Le délire roswellien qui s'empare du film ne suffit pourtant pas à donner un second souffle au personnage interprété par Ford. Le jeu de l'acteur manque d'ailleurs cruellement de tonicité, et achève de fossiliser le mythe créé par Lucas et Spielberg.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Jacques Lourcelles qualifiait <i>Le Temple maudit</i> de « super-serial » (cf. <i>Dictionnaire du cinéma</i>, tome III, p. 741-742), car l'œuvre synthétisait, à juste titre, une multitude de genres cinématographiques. Le plaisir associé à ce recyclage intensif des images, ajouté à la pérennité formelle de chaque épisode, représente pour les inconditionnels le principal atout de la série. Et c'est justement cette vision du cinéma d'aventures, voire même du cinéma tout court, qu'il faut bousculer en amont comme en aval, afin de rafraîchir les conventions et les attentes liées à ce type de superproduction.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Jeune cinéma</i>, n°317-318, été 2008, pp. 122-123.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Réalisation : Steven Spielberg. Scénario : David Koepp. Photographie : Janusz Kaminski. Interprétation : Harrison Ford, Cate Blanchett, Karen Allen, Shia Labeouf, John Hurt (USA, 2008, 124 min).</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-86857146082665459442009-12-14T21:06:00.011+01:002016-02-21T18:28:14.633+01:002eme sous-sol<div style="font-family: "verdana"; text-align: justify;">
<span style="font-size: 100%;"></span><!--[if gte mso 9]><xml> <w:worddocument> <w:view>Normal</w:View> <w:zoom>0</w:Zoom> <w:hyphenationzone>21</w:HyphenationZone> <w:punctuationkerning/> <w:validateagainstschemas/> <w:saveifxmlinvalid>false</w:SaveIfXMLInvalid> <w:ignoremixedcontent>false</w:IgnoreMixedContent> <w:alwaysshowplaceholdertext>false</w:AlwaysShowPlaceholderText> <w:compatibility> <w:breakwrappedtables/> <w:snaptogridincell/> <w:wraptextwithpunct/> <w:useasianbreakrules/> <w:dontgrowautofit/> </w:Compatibility> <w:browserlevel>MicrosoftInternetExplorer4</w:BrowserLevel> </w:WordDocument> </xml><![endif]--><!--[if gte mso 9]><xml> <w:latentstyles deflockedstate="false" latentstylecount="156"> </w:LatentStyles> </xml><![endif]--><!--[if !mso]><img src="//img2.blogblog.com/img/video_object.png" style="background-color: #b2b2b2; " class="BLOGGER-object-element tr_noresize tr_placeholder" id="ieooui" data-original-id="ieooui" /> <style> st1\:*{behavior:url(#ieooui) } </style> <![endif]--><style> <!-- /* Style Definitions */ p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal {mso-style-parent:""; margin:0cm; margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:12.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-fareast-font-family:"Times New Roman";} @page Section1 {size:612.0pt 792.0pt; margin:70.85pt 70.85pt 70.85pt 70.85pt; mso-header-margin:36.0pt; mso-footer-margin:36.0pt; mso-paper-source:0;} div.Section1 {page:Section1;} --> </style><!--[if gte mso 10]> <style> /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:10.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-ansi-language:#0400; mso-fareast-language:#0400; mso-bidi-language:#0400;} </style> <![endif]--></div>
<div style="text-align: right;">
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcHrKD0wZlQ27e4kKTPaCcJSywhMKw2A9g0W_gCJz3eTDRAziSKDPaGClYGr77EpDRdJ58_doIadjdY8K4kPzs-glVLjuJPk8IeHrG8Yxlb6n7p88NxRvem_vjVXCPfX6KSENYYg/s1600/P2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="263" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcHrKD0wZlQ27e4kKTPaCcJSywhMKw2A9g0W_gCJz3eTDRAziSKDPaGClYGr77EpDRdJ58_doIadjdY8K4kPzs-glVLjuJPk8IeHrG8Yxlb6n7p88NxRvem_vjVXCPfX6KSENYYg/s400/P2.jpg" width="400" /></a><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Alexandre Aja et Grégory Levasseur, après <i>Haute tension </i>et <i>La colline a des yeux</i>, explorent de nouveau le domaine de l'horreur en signant le scénario de <i>2e sous-sol</i>, dont la réalisation a été confiée à Franck Khalfoun. Ce conte de Noël cauchemardesque joue sur deux registres : le survival qui ne se noie pas dans l'hémoglobine (on compte seulement trois séquences gores) et l'expérience psychologique vécue par deux personnages antagonistes (l'un tentant d'échapper à l'autre). L'histoire, très simple, s'inscrit dans le sillage de <i>Creep</i>. Angela (Rachel Nichols) quitte tardivement le cabinet juridique où elle travaille pour aller réveillonner avec sa famille. Mais sa voiture refuse de démarrer et elle se retrouve coincée dans l'immeuble. Thomas (Wes Bentley), le gardien du parking souterrain, la capture et la force à passer la soirée en sa compagnie.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le jeune homme est un psychopathe qui, telle l'infirmière de <i>Misery</i>, prend soin de sa victime pour mieux en jouir. Il multiplie les sourires et les paroles rassurantes, s'inquiète de la bonne température du dîner, joue les bons samaritains prêts à pardonner les petits écarts de conduite — en l'occurrence, une fourchette qu'Angela lui plante dans le dos. Comme Bartel dans <i>Calvaire</i>, Thomas perd le sens de la réalité et refuse de concéder à son « hôte » le statut de souffre-douleur. Angela n'est pas considérée comme une prisonnière, mais comme une invitée consentante. Le gardien se présente même comme son bienfaiteur, tentant de lui rendre sa dignité de femme, bafouée par un collègue trop entreprenant. Ce qui ne l'empêche pas, à son tour, de faire de sa protégée un objet sexuel et de la terroriser.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La confusion qui règne dans son esprit est d'ordre professionnel. Confiné dans un boulot peu stimulant, privé d'interlocuteurs, Thomas est l'archétype du frustré, qui observe, depuis sa cabine, les allers et venues des vainqueurs du capitalisme, avocats, hommes d'affaires remplis d'arrogance, munis de « leurs beaux diplômes de merde », habitants du monde d'en haut. La seule puissance qu'il peut exercer est de visionner, sur ses écrans monochromes, des fragments d'existences filmés dans un ascenseur ou au détour d'un couloir, maigre privilège du mateur, condamné à demeurer le spectateur de la vie des autres, sur laquelle il est censé veiller.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">C'est là que ce huis clos révèle son intérêt, malgré des effets sonores convenus et une photographie qui n'exploite pas suffisamment les gammes de clair-obscur du parking. Dans un plan, on peut lire l'inscription sur la porte de la cabine de Thomas : « Security », cette divinité qui finit par se retourner contre ses propres idolâtres. Il faut dire que la rancœur et l'isolement ne font pas bon ménage. Thomas décide de prendre sa revanche sur les nantis et de se rendre maître du corps d'Angela, qu'il convoite depuis des mois. L'utopie sécuritaire est donc renversée — les auteurs reprennent un peu le thème développé par Romero dans <i>Le Territoire des morts</i>, où les riches pensent se prémunir des zombies dans leur résidence hautement sécurisée.</span><br />
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La situation extrême à laquelle est confrontée Angela réveille son instinct de survie. Et comme dans </span><i style="font-family: times, 'times new roman', serif;">La colline a des yeux</i><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, la victime se met à absorber l'énergie destructrice de son persécuteur et parvient à en user contre lui. L'ange, d'abord immaculé, se retrouve souillé de sang des pieds à la tête. Nul n'est immunisé contre la rage. </span><i style="font-family: times, 'times new roman', serif;">2e sous-sol</i><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> est ainsi une œuvre efficace qui propose, par-delà son inventaire de comportements névrotiques, une synthèse intelligente du cinéma d'horreur actuel.</span></div>
<div>
<br /></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Jeune cinéma</i>, n°315-316, printemps 2008, pp. 120-121.</span><br />
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><b>P2.</b> </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><b>Réalisation : </b>Franck Khalfoun. <b>Scénario : </b>Alexandre Aja, Grégory Levasseur. <b>Photographie : </b>Maxime Alexandre. <b>Interprétation : </b>Rachel Nichols, Wes Bentley, Simon Reynolds (<b>USA, 2008, 98 min.</b>).</span></div>
</div>
<div style="font-family: verdana;">
<br /></div>
<div style="font-family: verdana; text-align: right;">
<link href="file:///C:%5CDOCUME%7E1%5CAURLIE%7E1%5CLOCALS%7E1%5CTemp%5Cmsohtml1%5C01%5Cclip_filelist.xml" rel="File-List"></link><!--[if gte mso 9]><xml> <w:worddocument> <w:view>Normal</w:View> <w:zoom>0</w:Zoom> <w:hyphenationzone>21</w:HyphenationZone> <w:punctuationkerning/> <w:validateagainstschemas/> <w:saveifxmlinvalid>false</w:SaveIfXMLInvalid> <w:ignoremixedcontent>false</w:IgnoreMixedContent> <w:alwaysshowplaceholdertext>false</w:AlwaysShowPlaceholderText> <w:compatibility> <w:breakwrappedtables/> <w:snaptogridincell/> <w:wraptextwithpunct/> <w:useasianbreakrules/> <w:dontgrowautofit/> </w:Compatibility> <w:browserlevel>MicrosoftInternetExplorer4</w:BrowserLevel> </w:WordDocument> </xml><![endif]--><!--[if gte mso 9]><xml> <w:latentstyles deflockedstate="false" latentstylecount="156"> </w:LatentStyles> </xml><![endif]--><style> <!-- /* Style Definitions */ p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal {mso-style-parent:""; margin:0cm; margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:12.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-fareast-font-family:"Times New Roman";} @page Section1 {size:612.0pt 792.0pt; margin:70.85pt 70.85pt 70.85pt 70.85pt; mso-header-margin:36.0pt; mso-footer-margin:36.0pt; mso-paper-source:0;} div.Section1 {page:Section1;} --> </style><!--[if gte mso 10]> <style> /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:10.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-ansi-language:#0400; mso-fareast-language:#0400; mso-bidi-language:#0400;} </style> <![endif]--><span style="font-family: "arial";"><o:p></o:p></span> </div>
</div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="font-family: "verdana"; text-align: right;">
<span style="font-size: 100%;"><b><o:p> </o:p></b></span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-91061199668709693502009-12-03T21:31:00.007+01:002016-02-22T21:47:35.151+01:00Douze hommes en colère de Sidney Lumet<span class="Apple-style-span" style="-webkit-text-decorations-in-effect: none; color: rgb(0 , 0 , 0);"></span><br />
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiAk4MdliPPCrxhHRX4kfBk97fQN3Pm86yRh4-_OwD4caDyI-DbtLl5he5rA1mwFH0p-tuD7pZP6NwhxBPActShGq4Z6pgUX5-AXwHSzevCRlmCS9awng7XdZiEb0X3M_OhReKUPQ/s1600/12-hommes-en-colere.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="296" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiAk4MdliPPCrxhHRX4kfBk97fQN3Pm86yRh4-_OwD4caDyI-DbtLl5he5rA1mwFH0p-tuD7pZP6NwhxBPActShGq4Z6pgUX5-AXwHSzevCRlmCS9awng7XdZiEb0X3M_OhReKUPQ/s400/12-hommes-en-colere.jpg" width="400" /></a></div>
<span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Fils de l’acteur Baruch Lumet, Sidney Lumet est porté dès son plus jeune âge vers le théâtre. Il monte d’abord sur scène avant de mettre en scène des spectacles à New York. Il réalise ensuite des épisodes de séries télévisées, avant de se lancer dans le cinéma, en réalisant en 1957 </span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: Times, 'Times New Roman', serif;">Douze hommes en colère</i><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; font-family: "times" , "times new roman" , serif;">, d’après la pièce éponyme de Reginald Rose. L’intérêt du film repose surtout sur l’originalité du sujet et de son traitement scénaristique. Un jury doit délibérer sur le cas d’un jeune homme de dix-huit ans d’origine hispanique, qui est inculpé du meurtre de son père. L’unanimité est requise pour le condamner à la peine capitale. Onze jurés sont convaincus que l’accusé est coupable. Mais le juré n°8 (Henry Fonda) n’en est pas persuadé. Il tente donc de démontrer de manière rationnelle aux autres jurés l’incohérence des éléments de l’enquête.</span></div>
<div style="text-align: right;">
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Un espace étouffant</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La scène retenue pour cette analyse (37,42 min ~ 56,55 min) est représentative de l’ensemble du film. On remarque tout d’abord que le réalisateur recourt à une échelle de plans faisant alterner, dans un même décor, des plans demi-ensemble, des plans américains, des plans rapprochés taille (les plus nombreux) et des gros plans. Lumet privilégie deux types d’angles de prise de vues : les vues frontales et les angles à 45°. Les changements d’angles sont fréquents et permettent de dynamiser la mise en scène.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La totalité de la scène et la quasi-totalité de l’oeuvre (hormis les séquences d’ouverture, la discussion entre les jurés dans les toilettes, et les derniers plans où le n°8 quitte le palais de justice) se déroulent dans la pièce où délibère le jury. L’espace filmique, très resserré, suggère un sentiment de claustration et de malaise. Les personnages sont confrontés les uns aux autres et ne peuvent sortir avant d’avoir rendu leur verdict. Ce décor unique, propice au huis clos, met au jour les disparités psychologiques et sociales des douze protagonistes. Ces derniers sont soumis à un état de tension permanent, renforcé par la moiteur intolérable qui règne dans la pièce (certains personnages défont leur nœud de cravate, et on aperçoit la sueur perler sur leur front).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Lumet tente d’échapper au « théâtre filmé », sans pour autant abuser des effets cinématographiques. Il recourt au champ-contrechamp, varie l’échelle de plans et les angles de prises de vue, multiplie les panos et les travelling pour suivre les déambulation des jurés. Quelques zooms focalisent l’attention du spectateur sur l’argumentaire des personnages qui tentent de défendre l’accusé (révélant clairement le parti-pris du cinéaste). La caméra tente de se faire oublier, pour que l’attention du public se focalise sur l’épaisseur des dialogues. Lumet mise avant tout sur la tonicité de l’interprétation pour donner du relief au scénario. Les plans les plus intéressants, en termes de mise-en-scène, restent ceux où la caméra est placée à la hauteur de la table, afin d’impliquer davantage le spectateur dans les délibérations, en le plaçant en quelque sorte dans la peau d’un « énième » juré.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le triomphe de la raison</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La fonction narrative du n°8 est de montrer au collectif l’importance de la mission confiée à un juré. Celui-ci doit mettre en œuvre toutes ses capacités de raisonnement pour prendre sa décision. A l’inverse, les autres personnages, persuadés de détenir la vérité, prennent les délibérations à la légère et formulent un jugement hâtif. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le n°8 symbolise la figure du citoyen juste et intègre, qui montre que le système pénal fonctionne malgré sa fragilité. Il recourt à un raisonnement logique pour susciter le doute dans l’esprit des jurés – c’est un architecte qui bâtit un cheminement rationnel, tout comme il construit des édifices.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Lumet montre que les hommes se comportent de manière grégaire et qu’un grand nombre de préjugés obscurcissent la raison. Néanmoins, l’action d’un seul individu peut conduire le groupe à se défaire de l’erreur et à sortir de la caverne. Les entraves du jugement se défont peu à peu dans le film car, comme l’énonce Descartes dans le <i>Discours de la méthode</i> : <i>« La raison est naturellement égale en tous les hommes »</i>. Aussi, c’est en la faisant triompher que les personnages affirment pleinement leur humanité. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">DOUZE HOMME EN COLERE</span></b></div>
<br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation : </b>Sidney Lumet. <b>Scénario : </b>Reginald Rose. <b>Production : </b>Henry Fonda, George Justin, Reginald Rose. <b>Photographie : </b>Boris Kaufman. <b>Montage :</b> Carl Lerner. <b>Musique : </b>Kenyon Hopkins. <b>Interprétation : </b>Henry Fonda, Lee J. Cobb, Ed Begley, E. G. Marshall, Jack Warden (<b>USA / 1957 / 100 min.</b>).</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-62030560487862736972009-11-25T23:12:00.008+01:002016-02-22T21:49:22.303+01:00Le spectre du nazisme dans The Good German de Steven Soderbergh<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiA9DisigTBahz3xjrfCKTZPwCuF5ZOowPYF39WlFVKOV69ktgrKuXj4EuRxzfxQg1WUgIg4spt161B8McYQ_zhQ9fn2hODeQ0wsaSiy6UcGBKtyTArLzJnE5bFyF4X5mDi7QuQDA/s1600/the-good-german.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="266" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiA9DisigTBahz3xjrfCKTZPwCuF5ZOowPYF39WlFVKOV69ktgrKuXj4EuRxzfxQg1WUgIg4spt161B8McYQ_zhQ9fn2hODeQ0wsaSiy6UcGBKtyTArLzJnE5bFyF4X5mDi7QuQDA/s400/the-good-german.jpg" width="400" /></a><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Jake Geismer (George Clooney) arrive à Berlin peu après la fin de la Guerre pour couvrir la conférence de Postdam. Il retrouve par hasard Lena (Cale Blanchett), son ancienne maîtresse, devenue entre temps celle de son chauffeur, le caporal Tully (Tobey Maquire). Ce dernier est assassiné dans des circonstances mystérieuses. Jake décide alors de mener une enquête. Il découvre progressivement que les motifs du meurtre sont d'une ampleur internationale.</span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La photographie de <i>The Good German</i>, signée par Soderbergh, est somptueuse. L'emploi de la lumière sculpte littéralement les ombres dans lesquelles apparaissent les personnages (cf. le superbe plan où Cate Blanchett sort de la pénombre pour la première fois). Le recours au clair-obscur permet ainsi au cinéaste d'opposer constamment l'entreprise de dénazification (la lumière) aux trafics auxquels se livrent en masse les Alliés et les Berlinois (l'obscurité).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">On peut bien évidemment établir des rapports — à l'instar de la critique — entre la réalisation de Soderbergh et les œuvres qui l'ont clairement inspiré, comme <i>Casablanca</i> de Michael Curtiz (1942) ou encore <i>Le troisième homme</i> de Carol Reed (1949). Sur le plan thématique, on peut également comparer <i>The Good German</i> à des films plus récents, tel que <i>La peau</i>, l'horrible film de Cavani (1981) qui aborde, cette fois du côté transalpin, l'arrivée des troupes américaines à Naples en 1943 et les conditions de vie dramatique du petit peuple. L'utilisation du sexe est tout aussi sordide dans les deux œuvres. Pourtant, Soderbergh ne se laisse pas aller, contrairement à Cavani, à un racolage ordurier ou à des archétypes sociaux tendancieux (cf. la séquence où les Maghrébins payent les petits garçons pour abuser d'eux). La sexualité ne noie pas le film dans un tourbillon d'images salaces. Elle souligne au contraire toute l'ambigüité de la situation des femmes, sans pour autant tomber dans des représentations douteuses.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La vétusté des intérieurs exprime constamment la précarité des Berlinois. Les murs suintent d'humidité et traduisent l'univers crapuleux du Berlin d'Après-guerre, livré à la misère et à son corollaire, le marché noir. Le film aborde également en arrière-plan le devenir des nations européennes. La Guerre froide pointe à l'horizon, tandis que Jake exhume les fantômes du passé au fur et à mesure de sa progression. Au début, on est d'ailleurs saisi par une sorte de vertige : face aux millions de morts causés par la Seconde Guerre mondiale, à la conférence de Potsdam et à l'immensité des enjeux évoqués, le scénario se focalise sur le meurtre d'un chauffeur minable. La narration est en fait conçue comme un jeu de miroir, renvoyant ce petit fait divers à la grande histoire, révélant un contexte événementiel où les crimes les plus sordides peuvent être commis. Les raisons du meurtre sont en effet symptomatiques de la situation politique que connaît alors le pays. Les Alliés se disputent les savants allemands, alors que le peuple se réveille sur un monceau de ruines, et prend peu à peu conscience de sa culpabilité. De nombreux dialogues insistent ainsi sur l'adhésion des Allemands à la doctrine nationale-socialiste et à leur implication dans les décisions du régime. Le cinéaste présente un discours historique actualisé, qui refuse de déresponsabiliser la nation. Dans <i>The Good German</i>, les victimes sont aussi les bourreaux. Le nazisme est d'ailleurs toujours là, présent dans chaque svastika que l'on décroche des murs. Les criminels de guerre quant à eux courent toujours, et tentent de fuir le pays pour échapper à la justice.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La presse française a exprimé plusieurs réticences face au maniérisme de Soderbergh. Pour certains critiques, l'exercice de style – trop appuyé – dissimulerait mal la confusion évidente du scénario. L'utilisation d'objectifs des années 1940, de balayages latéraux, de caches ovales et d'un système d'éclairage semblable aux vieux films hollywoodiens n'a fait qu'accroître le malentendu. Ainsi, <i>The Good German</i> a souvent été jugé comme une œuvre peu substantielle, se complaisant dans une beauté aussi creuse que vieillotte. On ne peut néanmoins accuser le réalisateur de recourir à des procédés purement fétichistes – collectionner le matériel cinématographique de l'époque et répéter les mêmes conditions de tournage, pour reconstituer gratuitement l'atmosphère du cinéma classique. Soderbergh ne souffre pas des mêmes maux que Cameron. Dans <i>The Good German</i>, il ne s'agit pas de délirer sur l'authenticité de la moquette, de la vaisselle ou encore du lustre. Le film ne peut être comparé, de près ou de loin, au naufrage du <i>Titanic</i> (celui de 1998, pas celui de 1912). Derrière la photo rétro de Soderbergh, se trouve toute une matérialité historique que Cameron a été incapable de faire surgir de son chantier naval. Epaisseur qui proviendrait de la rencontre entre une imagerie ancienne (héritée de l'âge classique du cinéma) et un traitement narratif contemporain.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">On regrette cependant, dans <i>The Good German</i>, le manque d'approfondissement du champ politique. Après un début très prometteur, le scénario reste malheureusement à la surface des processus historiques, sans parvenir à expliquer leurs mécanismes. Le film se contente ainsi d'énoncer des vérités désormais connues de tous. Déception. L'effet de surprise de la photographie s'estompe peu à peu, alors que le récit s'enlise dans des situations redondantes, fort regrettables. Cet aspect laborieux est peut-être dû à la volonté des scénaristes de dépeindre un monde confus et sans repère, où différencier l'ami de l'ennemi devient une prouesse. Dans de telles circonstances, une enquête policière peut effectivement se changer en bourbier.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Au-delà des enjeux internationaux (traités trop lapidairement), c'est surtout la manière d'aborder la liquidation du passé qui représente l'intérêt majeur du film. Intérêt qui se cristallise avant tout autour du personnage de Lena, figure de la beauté fatale parfaitement déconstruite. Femme humiliée et violentée, elle est prisonnière d'une ville qui renvoie non seulement à un espace urbain, mais également à un espace de claustration mental. Berlin est pour la jeune femme un lieu qui rappelle constamment le spectre de la déportation, à laquelle elle a pu échapper grâce au statut politique de son mari et à certaines exactions. Le protagoniste a donc pu survivre. Preuve incontestable, à ses yeux, de sa culpabilité. La dimension individuelle rejoint ici la dimension collective. La fuite de Lena représente dès lors un leurre qui, même en aboutissant, ne lui permet en aucun cas de faire table rase des ombres qui hantent sa mémoire.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La revue du cinéma</i>, n°6, mai-juin-juillet 2007, pp. 54-58.</span></div>
<br />
<div style="font-family: arial; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: normal; margin: 0px; min-height: 14px; text-align: justify;">
<span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"><span class="Apple-style-span" style="font-size: small;"><span style="letter-spacing: 0.0px;"></span></span></span></div>
<div style="font: 12.0px "arial"; margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; min-height: 14.0px; text-align: justify;">
<span style="letter-spacing: 0.0px;"></span><br /></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-16351426916838773742009-11-15T23:42:00.007+01:002016-02-22T21:49:48.417+01:00Les figures de l'étranger dans les films de Luchino Visconti<div class="" style="clear: both; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiM54WjHnV6h8nJ0ydZMsalGzHPKmhNGBsbiKDA_YqljSdSshKoyGM6raaaNLlpCbQ2f-l8U8BhASKhbAL08Ai_laqQJHJrFFoWKPH80nETeZMQc0eVGr1kC_ZxDKRyhefewJ_CnA/s1600/Ludwig2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="266" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiM54WjHnV6h8nJ0ydZMsalGzHPKmhNGBsbiKDA_YqljSdSshKoyGM6raaaNLlpCbQ2f-l8U8BhASKhbAL08Ai_laqQJHJrFFoWKPH80nETeZMQc0eVGr1kC_ZxDKRyhefewJ_CnA/s400/Ludwig2.jpg" width="400" /></a><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Luchino Visconti a décliné dans ses films plusieurs figures de l'étranger, reflet infime de la complexité de son oeuvre. L'envahisseur autrichien, le libérateur venu du Nord de l'Italie, le voyageur ou encore l'individu rejeté par sa propre communauté, révèlent toute l’ambigüité du rapport qui s'immisce entre « l'autre » et « soi-même ». C'est également dans cette dialectique que s'inscrit une partie de la réflexion politique du cinéaste, qui s'est longuement interrogé sur l'histoire et l'évolution des sociétés contemporaines.</span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La fonction identitaire de l’étranger</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Senso</i> (1954) relate la fin de l'occupation de la Vénétie par les troupes habsbourgeoises. L'arrogance de l'Autrichien est incarnée par le personnage de Franz Mahler, un jeune officier de l'armée impériale. Celui-ci assiste à une représentation du <i>Trouvère</i> à la Fenice, quand des partisans de la libération troublent la fin de l'acte III en manifestant leur rejet de l'occupant. Mahler se moque ouvertement de l'action patriotique des Italiens. Le marquis Ussoni, heurté par ses propos, le défie en duel pour venger l'honneur de ses compatriotes. Visconti exprime l'opposition entre les mentalités germaniques et latines, qui se traduit notamment par la fonction symbolique de la bande-musicale. Par exemple, la <i>Septième symphonie</i> de Bruckner est utilisée pour la première fois lorsque Mahler suit la comtesse Livia Serpieri et tente de la séduire. La présence de ce thème s'intensifie à mesure que la jeune femme succombe au charme de l'Autrichien. La musique de Bruckner s'oppose ainsi dans le film à celle de Verdi, le chantre du Risorgimento. Livia perd complètement son amour-propre et va jusqu'à trahir la confiance du marquis, en offrant à son amant l'argent des rebelles. La figure de l'étranger devient donc, dans <i>Senso</i>, un vecteur de l'italianité, qui s'édifie progressivement durant le XIXe siècle. Mais le sentiment d'appartenance à une même nation reste ambigu : dans la séquence de la bataille de Custozza, les paysans ne s'intéressent pas aux soldats ou aux combats. Ils restent impassibles, comme s'ils ne se sentaient pas concernés par les événements. Visconti reprend en fait la thèse de Gramsci. Pour ce dernier, le peuple a volontairement été écarté du mouvement risorgimental par la monarchie savoisienne.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">« L'autre », dans <i>Le guépard</i> (1963), est cette fois de culture italienne et vient du Nord de la péninsule, afin de rattacher le Royaume-des-deux-Siciles à celui de Victor-Emmanuel Il. Le choix des figurants fut guidé, comme le rappelle Laurence Schifano, par des caractéristiques très précises : <i>« Les garibaldiens originaires du Piémont, de la Ligurie, de la Vénétie et de la Lombardie devaient être grands et blonds ; les bourboniens napolitains ou siciliens de petite stature, avec les yeux, les moustaches et les cheveux très noirs</i> (1). » La physionomie des personnages indique les différences évidentes qui séparent les méridionaux et les septentrionaux, amenés à s'unir au sein d'une nation plurielle. L'expédition des Mille apporte ainsi l'espoir d'une amélioration des conditions de vie en Sicile. <i>Le guépard</i> démontre cependant les illusions de l'entreprise garibaldienne. Les chemises rouges libèrent le peuple du joug de François II, mais les résultats de la politique centraliste du Piémont sont bien maigres. Premièrement, l'immobilisme de l'île limite considérablement toute progression économique ou sociale. Secondement, la révolution a une faible incidence sur les insulaires. La misère reste la même, avant et après la destitution des Bourbon de Naples. La présence et l'action de l'Italien du Nord révèlent ainsi les limites du Risorgimento. Les disparités entre les régions qui composent l'Italie naissante représentent un frein inexorable au véritable accomplissement de son Unité qui reste fictive à bien des égards.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La terre tremble</i> (1948) souligne la situation dramatique des Siciliens d'après-guerre. L'État semble être incapable de résorber la paupérisation du Mezzogiorno après la chute du fascisme. Dans <i>Rocco et ses frères </i>(1960), l'accueil de la famille Parondi, originaire de Lucanie, soulève le problème de l'immigration et du statut des méridionaux. Ces derniers sont dénigrés par les Milanais, qui les considèrent comme des parasites mettant en péril leur équilibre économique. Le rejet des migrants indique ainsi les fissures de la cohésion sociale italienne.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le voyageur et son rapport à l’espace</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L'exclusion de l'autre dans <i>Ossessione</i> (1942) n'est pas liée comme dans <i>Rocco et ses frères</i>, à l'origine du protagoniste mais à sa mobilité spatiale. Gino est un vagabond. De ce fait, il est considéré comme un marginal et un individu dangereux. Son rejet est immunitaire : il dépend des imaginaires colportés par la figure du nomade. On se méfie de lui pour deux raisons : il vient d'une autre région et ne partage pas le mode de vie de la majorité de la population. Son absence de statut social le condamne à errer d'une ville à une autre, à la recherche d'un travail que nul ne veut lui confier. Bragana le méprise avant de s'apercevoir qu'ils ont tous les deux appartenu au même régiment. Le protagoniste invite alors Gino dans sa trattoria et lui présente son épouse Giovanna, qui deviendra sa maîtresse.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les deux amants finissent par se débarrasser de Bragana en maquillant son assassinat en accident de voiture. Le vagabond se sédentarise, mais ne parvient toujours pas à être accepté par les habitants du hameau. Le prêtre, que la jeune femme sollicite pour officialiser cette union licencieuse, lui annonce d'ailleurs que Gino ferait mieux de quitter les lieux et de trouver un autre logement. Ce n'est donc pas le concubinage qui gêne la communauté, mais le mystère qui entoure le protagoniste, qui s'accroît bien évidemment après la mort douteuse de Bragana.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Gino est également trop imprégné par la fièvre du voyage pour se stabiliser. Cette impression est constamment soulignée par la construction de l'espace filmique. Le déroulement narratif se réfère toujours à un lieu de passage. La trattoria, située au bord de la route, qui accueille les voyageurs fatigués ; le train, dans lequel Gino rencontre l'Espagnol. — lui-même forain ; le port, où le voyageur tente de s'embarquer pour une prochaine destination ; enfin la chambre d'hôtel, où il fréquente une prostituée pour oublier Giovanna. Les événements importants qui rythment l'intrigue se déroulent toujours sur la route, qui représente le lieu embrayeur le plus important du film. L'ici et l'ailleurs constituent donc une logique d'opposition fondamentale, qui parcourt l'ensemble de <i>Ossessione</i>.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le personnage principal de <i>Mort à Venise</i> (1971) entretient un lien tout aussi intime à l'espace. À la fin de son séjour à Venise, Gustav von Aschenbach se rend à la gare pour revenir à Munich et apprend que sa malle a été perdue. ll refuse catégoriquement de quitter la ville avant de l'avoir récupérée. Il rentre donc à son hôtel, heureux de pouvoir retrouver Tadzio, l'éphèbe dont la beauté virginale le fascine.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les errances d'Aschenbach sont comparables à celles du prince de Salina dans la dernière partie du <i>Guépard</i>. Le professeur suit le jeune homme dans les rues. Visconti filme les quartiers de Venise pour la première fois du film. Jusqu'à présent, l'essentiel du récit s'était déroulé dans l'hôtel et ses alentours, lieux de villégiature protégés et parfaitement salubres. Les ruelles offrent un tout autre spectacle. Un homme déverse un désinfectant sur les murs pour des raisons mal déterminées. La puanteur urbaine insupporte le protagoniste, qui craint d'être contaminé par un mal inconnu.</span><br />
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Un agent de change finit par révéler la vérité à Aschenbach. Une épidémie de choléra risque de se propager dans Venise, rendue vulnérable à cause du sirocco et du peu de protection qu'offrent les lagunes. La majeure partie des habitants ignore ce risque. Le séjour des riches visiteurs ne doit pas être perturbé. Aussi, l'agent conseille-t-il au professeur de partir au plus vite, car l'application du décret de quarantaine est imminente.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Visconti évacue donc le charme et la beauté architecturale de Venise. Les édifices séculaires et l'entrelacement des canaux ne traduisent aucunement le potentiel esthétique des lieux. Au contraire, la ville s'impose peu à peu à l'écran comme un espace de décrépitude et de mort. L'ambiance lugubre de Venise exprime l'agonie du personnage, ainsi que la fin de la Belle Epoque. Les riches étrangers ne savent pas que la ville est menacée par l'épidémie, tout comme ils ignorent que l'Europe est sur le point de s’embraser.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les bourgeois continuent par conséquent de se délasser et de profiter de la cité balnéaire, réputée pour sa douceur de vivre. Le film décrit en arrière-plan l'oisiveté de cette classe sociale. L'opulence de la bourgeoisie est représentée par le raffinement et le luxe du palace. On retrouve la somptuosité des intérieurs du <i>Guépard</i> (2). La clientèle, cosmopolite, se retrouve dans les salons ou sur la plage, pour profiter des bienfaits de la mer. Les fils de bonne famille, comme Tadzio, peuvent nager, se promener sur la lagune, et espérer rencontrer des jeunes gens de leur âge.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Cependant, Aschenbach est un étranger parmi les étrangers. Hanté par ses souvenirs, subjugué par l'adolescent, il ne se lie d'amitié avec personne. Dans une séquence, les clients écoutent un groupe de musiciens assez pittoresques, venus pour les divertir et gagner quelques sous. Contrairement à l'auditoire, Aschenbach ne prête aucune attention à l'orchestre. Ses pensées sont absorbées par Tadzio, miroir qui lui renvoie inéluctablement l'image de sa propre déchéance physique. La communauté étrangère n'a donc pas d'incidence sur la narration. Elle représente un décor humain, auquel ne se joint jamais Aschenbach.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L'étranger parmi les siens</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>L'étranger</i> (1967) est le film de Visconti qui fut le plus mal accueilli par la critique. Le veto de Francine Camus, qui refusa l'autorisation d'actualiser l'ouvrage de son mari, et l'impossibilité d'avoir Delon pour interpréter Meursault sont les principales causes de l'échec de cette œuvre, rejetée par le cinéaste lui- même : <i>« Maintenant, le film est l'illustration d'un livre, et il n'y a pas une véritable participation de moi, comme dans mes autres films, même dans le sens de l'interprétation de la réalité »</i> (3). Le manque d'épaisseur et la désuétude du propos, ainsi que certaines maladresses — notamment l'emploi abusif du zoom avant qui alourdit la composition de l'image — accordent un statut particulier à <i>L'étranger</i> dans la filmographie de Visconti. Le film est d'ailleurs évoqué lapidairement dans les ouvrages consacrés au réalisateur (hormis dans celui de Youssef lshaghpour, qui lui accorde une place un peu plus conséquente). La représentation du personnage de Meursault a cependant permis à Visconti de décliner une nouvelle fois le thème du rejet de l'étranger, cette fois par les propres membres de son univers social.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le principal intérêt de la réalisation est la façon dont Visconti parvient à souligner la singularité du protagoniste. On ne compte aucun plan où celui-ci fasse corps avec son entourage. La totalité de son comportement et sa perception des événements tendent à démontrer qu'il est au contraire étranger à ce monde qui l'entoure. Si Meursault est souvent isolé dans le champ, il n'est pourtant pas solitaire. Au contraire, il est accompagné la plupart du temps par Marie ou Raymond. Il est également importuné jusque dans sa cellule par un prêtre soucieux de son salut. La présence de la foule dans certaines séquences n'est pas non plus anodine. Elle rappelle indubitablement la difficulté pour le protagoniste « d'être au monde ». C'est dans ce rapport à l'autre qu'il expérimente péniblement la réalité de son existence. Lorsqu'il se retrouve seul, il s'attarde devant les miroirs ou d'autres surfaces réfléchissantes — tel que le dos de son écuelle lorsqu'il est en prison. Il est à la recherche de ce double qui lui échappe constamment.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le film souligne l'absurdité de l'existence, encore plus grande quand le personnage tombe entre les mains de la magistrature, qui va réinterpréter, à la lumière de sa moralité affligeante, la succession des faits qui ont précédé le meurtre. Son vécu, tel qu'il est compris, devient le foyer de tous les vices.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Jamais Meursault n'a été aussi seul que durant son procès, au milieu de cette assemblée curieuse venue le juger. Comme l'annonce lshaghpour, <i>« La vie est sans finalité, désorientée. Reste l'intériorité isolée, séparée des autres par un fossé infranchissable. Privée de tout moyen d'agir, l'existence de L'étranger se ramasse à l'intérieur de soi » </i>(4). Plus que la mise en scène, c'est l'air hagard de Mastroianni qui assure le fonctionnement de la séquence. La scène de l'hospice ou celle de l'enterrement de la mère reposait déjà entièrement sur le jeu de regard de l'acteur, constamment à la recherche d'un repère hors-champ.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Marie rend visite à Meursault en prison. Le montage champ-contrechamp oppose les deux amants, séparés par une ligne de barreaux. La communication est impossible à cause du bruit assourdissant des autres prisonniers, qui discutent avec leurs visiteurs. La promiscuité est complète. L'enfermement carcéral n'est en définitive que l'ultime manifestation de sa claustration intérieure. Seul dans sa cellule, Meursault est plongé dans le noir. Il s'agit du plus beau plan du film. Le visage de Mastroianni est éclairé par une faible lumière qui provient d'une fenêtre située hors du cadre. Dernière ouverture sur le monde dont dispose le protagoniste.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Ludwig</i> (1973) développe plus pertinemment le thème de l'isolement. L'incompréhension de Louis II de Bavière par son entourage le pousse à se retrancher dans une solitude qui devient quasiment totale à la fin de son règne. Visconti dépeint à plusieurs reprises les excentricités du roi. Celui-ci entrevoit son pouvoir sous la forme d'une mission, qui consiste à régénérer la culture allemande à travers la diffusion populaire de la poétique de Wagner. C'est sa passion inconditionnelle pour le musicien qui l'écarte peu à peu de la réalité sociale et politique. Il réfute ses responsabilités monarchiques et rêve de façonner un monde uniquement gouverné par l'art. Nul ne saisit le sens de son amour pour le compositeur, même pas sa cousine Élisabeth — sa parente la plus proche — qui reproche à Louis II le coût exorbitant de son mécénat. Aucun de ses conseillers ne semble de plus capable d'accomplir son utopie artistique : édifier une nation éclairée par le génie wagnérien. Ses rêves ne pouvant aboutir, il sombre dans la déraison. Dans la dernière partie du film, il devient un étranger dans son propre royaume. Il erre dans ses nombreux châteaux, tel un nomade, hanté par un idéal brisé. Malgré l'absence complète de cour, le roi continue de se mettre en scène dans son Versailles imaginaire. La monumentale galerie des glaces, dernière illusion du faste monarchique, renvoie l'image d'un pouvoir qui a disparu, laissant derrière lui un décor tragique. Ludwig, dont le souhait final est de rester une énigme pour les autres ainsi que pour lui-même, représente le personnage viscontien par excellence. Comme le prince de Salina dans <i>Le guépard</i>, ‘Ntony dans <i>La terre tremble</i> ou encore le professeur dans <i>Gruppo di famiglia in un interno</i> (1974), il incarne cet autre qui, par sa démarche insolite, se détache de sa communauté d'origine, sans jamais parvenir à atteindre la félicité</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La revue du cinéma</i>, n°6, mai-juillet 2007</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">______________</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) Laurence Schifano, <i>Le guépard</i>, Luchino Visconti, Paris, Éditions Nathan, 1991, 126 p. pp. 74-75.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(2) La ressemblance s'arrête cependant à la richesse des décors : <i>Mort à Venise</i> exprime une lumière vaporeuse, terne, propre à l'atmosphère vénitienne et bien différente de celle de la Sicile.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(3) Alain Sanzio, Paul-Louis Thirard, <i>Luchino Visconti cinéaste</i>, Paris, Éditions Persona, 1984, p. 108.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(4) Youssef lshaghpour, <i>Visconti, le sens et l'image</i>, Paris, Éditions de la Différence, 1984, p. 96.</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-17204375902042359462009-11-09T17:26:00.009+01:002016-02-27T11:21:16.559+01:00Mongol<br />
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgR52vx_b-EDkOKBQaUvu2h2WZ250R2BscZ7On68N0mLCmM8r3EORpKVujYSEWpiOXnXWqNRECO9V6vQlTcYGafcgxuyREzCbeka9qbKD1XORC8pzkhZs_7b1HScvPzOtBI30PKoA/s1600/mongol.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="268" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgR52vx_b-EDkOKBQaUvu2h2WZ250R2BscZ7On68N0mLCmM8r3EORpKVujYSEWpiOXnXWqNRECO9V6vQlTcYGafcgxuyREzCbeka9qbKD1XORC8pzkhZs_7b1HScvPzOtBI30PKoA/s400/mongol.jpg" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Le thème central de </span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Mongol</i><span style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">, réalisé par Sergei Bodrov, apparait dès les premières séquences de ce film sur Gengis Khan. Le jeune Temoudjin entreprend un voyage avec son père, le Kahn Yesougaï, au terme duquel ce dernier présentera à l’enfant sa future épouse. Mais le prince veut lui-même choisir sa compagne, et refuse de suivre le choix imposé par son père. Son destin est désormais scellé. Les conséquences de son choix détermine la suite du récit. Yesougaï est assassiné, Temoudjin est pourchassé par ses adversaires, avant d’être réduit en esclavage. Il s’échappe et décide, pour se venger, de se lancer à la conquête du pouvoir, qui devait lui revenir légitimement.</span></span><br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les origines d’un mythe international</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le scénario explore les mécanismes complexes qui forgent, à travers une trame événementielle riche en rebondissements, une destinée historique fabuleuse. C’est la volonté de prendre en main son destin, et de devenir le seul décideur de ce dernier, qui pousse Temoudjin à accomplir des prouesses qui auront une répercussion immense sur d’innombrables vies humaines. C’est d’ailleurs cette vision historique qui est privilégiée par Bodrov : les « grands personnages » qui ont marqué l’histoire ont d’abord ressenti en eux leur puissance personnelle avant d’imposer aux hommes leur vision grandiose du Monde. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La voix off de Temoudjin commente les moments importants de la narration et renforce le caractère biographique du film. Cependant, le personnage fait plus que justifier ses actes en livrant ses pensées intimes, il exprime littéralement la volonté d’inscrire son histoire individuelle dans la grande histoire de son peuple. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Grâce à son ingéniosité politique, son génie militaire et son inébranlable foi en lui-même, Temoudjin parvient à accomplir des actions véritablement prodigieuses. Bodrov choisit cet angle d’approche : l’oeuvre de Gengis Khan est si incroyable qu’elle tient quasiment du miracle. On peut dès lors souligner l’importance de la séquence où le jeune Temoudjin, après s’être enfui, demande au « dieu du grand ciel bleu » de le libérer de ses chaînes. Un loup - symbole de force et de ruse - apparaît, suivi d’un fondu noir. Image suivante, Temoudjin n’est plus enchaîné et le plan se termine par un nouveau fondu noir. On ne sait pas comment le personnage s’est libéré. Le fondu évoque ici le mystère de cette libération. La séquence révèle ainsi l’une des clés d’interprétation du film. La nature profonde du pouvoir s’inscrit dans un ordre cosmologique païen en trois dimensions. Le divin, l’humain et l’animal. Ces figures sont de nouveau réunis dans la séquence de la bataille finale, où un violent orage obscurcit le soleil et met en déroute hommes et chevaux ennemis. Les dieux ont une fois de plus soutenu Temoudjin. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Mais une telle configuration ne suffit pas pour élaborer un mythe transnational(1). Bodrov montre avec précision de quelle manière Temoudjin est devenu un symbole fédérateur pour les tribus mongoles. Dès son plus jeune âge, le protagoniste s’oppose à la tradition. Il veut proposer une loi commune à tous les Mongols, et réorganiser juridiquement et politiquement les territoires soumis en brisant le système tribal. Temoudjin est un séducteur : il propose un rêve d’unité, de paix et de sérénité. Sa générosité envers les hommes qui décident de rallier sa bannière termine de convaincre les guerriers les plus récalcitrants. Temoudjin prend donc, dans le film, la valeur de modèle historique. La déconstruction de l’oeuvre du personnage permet d’accéder à une interprétation plausible de la réussite des conquérants. Ces derniers n’ont pas édifié de vastes empires en imposant seulement une autorité fondée sur la puissance militaire ; ils ont également été capables de produire et de diffuser des rêves de puissance. Un conquérant n’est ni plus ni moins qu’une machine à faire rêver le Monde.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Espace, liberté, pouvoir</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Bodrov refuse d’adopter un ton épique et préfère raconter un récit intimiste, où s’affrontent les sentiments virils les plus élémentaires. Les dialogues sont brefs et incisifs, car les guerriers privilégient l’action au discours. Mais cela n’empêche pas le cinéaste de développer des rapports humains d’une grande intensité, sans jamais tomber dans la complaisance. La relation amoureuse entre Temoudjin et sa femme, du reste, n’est pas fortuite et ne révèle aucune gratuité formelle. Elle montre au contraire la force de caractère du héros, prêt à tout pour protéger son amour, et prêt surtout à assumer ce choix malgré les nombreuses épreuves qu’il traverse - sous peine, sinon, de renoncer à son destin. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les directeurs de la photographie ont magnifiquement capté la lumière des hautes steppes de Mongolie. Les nombreux plan d’ensemble et de grand ensemble isolent les individus dans cette immensité virginale. L’utilisation de la profondeur de champ renforce d’ailleurs cette idée d’écrasement de l’homme par la nature. Les repères spatiaux du spectateur (surtout si celui-ci appartient au monde urbain) sont complètement brouillés du fait de cette échelle de grandeur. Les personnages entrent et sortent de territoires dont la délimitation est imperceptible pour un oeil découvrant le nomadisme et ses pratiques d’occupation de l’espace. On comprend facilement le rapport privilégié qui relie l’homme et le cheval, indispensable pour parcourir les steppes, qui s’étendent à perte de vue. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La liberté, c’est le mouvement. Le mode de vie du nomade est fondé sur ce principe. D’ailleurs, Temoudjin-esclave est toujours immobile. Ses chaînes l’empêchent de se mouvoir. Même chose lorsqu’il est emprisonné par le roi chinois, qui l’enferme dans une cage minuscule. Aussi, peut-on interpréter les futures conquêtes de Temoudjin comme une forme d’exorcisme. Etendre sans cesse les limites de son empire reviendrait à repousser symboliquement les murs de son ancienne servitude.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Ce désir de liberté, qui habite constamment le protagoniste, finit par l’enfermer dans une logique de conflit permanent, où le plus faible doit être vaincu pour assurer la sécurité du plus fort. C’est cette logique qui pousse Temoudjin à devenir Gengis Khan. C’est aussi la vieille rengaine du pouvoir : soumettre perpétuellement pour continuer de s’exercer. Cet aspect est esquissé dans le film mais très peu évoqué. En effet, le récit se termine lorsque Gengis Khan commence à unifier les tribus mongoles. Toutes les victoires militaires postérieures ne sont pas montrées. Le réalisateur a en fait voulu dresser le portrait d’un personnage grandiose, à l’orée de sa puissance. Il a donc dépeint un homme qui devient le parfait maître de son destin. Filmer les batailles suivantes et l’expansion de l’empire de Gengis Khan aurait justement remis en cause cette vision. En effet, plus l’étendue de l’empire est grand, et plus il est difficile à défendre et à sécuriser. Le maître ne se libère pas en exerçant un pouvoir démesuré ; il ne fait que devenir son propre esclave.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">____________________</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) Le casting reflète parfaitement ce caractère « transnational ». Par exemple, Tadanobu Asano, l'acteur qui interprète Temoudjin, est d’origine japonaise et non mongole. Pour Bodrov : <i>« il faut savoir que beaucoup de Japonais pensent que le chef des Mongols était un compatriote, un célèbre guerrier de leur île disparu sans laisser de traces qui serait allé en Mongolie pour y devenir Gengis Khan. Pour eux, c'est un héros national. Même si les Mongols affirment qu'il était l'un des leurs, les Japonais continuent de croire en cette histoire. En fait, c'est une histoire qui fonctionne aussi dans d'autres pays : au Kazakhstan, ils pensent qu'il était kazakh, en Corée ils sont persuadés qu'il était coréen...»</i>. Outre cet aspect, l’interprétation d’Asano est très convaincante, et traduit admirablement l’épaisseur psychologique du protagoniste.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>MONGOL</b> </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation : </b>Sergei Bodrov. <b>Scénario : </b>Arif Aliyev, Sergei Bodrov. <b>Photographie : </b>Rogier Stoffers, Sergei Trofimov. <b>Interprétation :</b> Tadanobu Asano, Honglei Sun, Aliya, Ba Sen, Amadu Mamadakov. <b>Genre : </b>film historique (Kazakhstan, Allemagne, Russie, Mongolie, 2008, 124 min.).</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-9368780816899318492009-10-25T08:30:00.012+01:002016-02-22T00:01:20.248+01:00Elephant<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhf1zvtJpn-qb3YMvP8Fnxg8syt4NAKaFy6DojSbDgapWRW14Opua0i6UTLovqP47_AD983zGOZCdKSgSu9vyVmp6giw0QU-V-j2CH_3oWzDKGi2b9ZP9VVLN4zWv3TjV4DiNKi7Q/s1600/Elephant.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="210" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhf1zvtJpn-qb3YMvP8Fnxg8syt4NAKaFy6DojSbDgapWRW14Opua0i6UTLovqP47_AD983zGOZCdKSgSu9vyVmp6giw0QU-V-j2CH_3oWzDKGi2b9ZP9VVLN4zWv3TjV4DiNKi7Q/s400/Elephant.JPG" width="400" /></a></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="-webkit-text-stroke-width: initial; font-family: "times" , "times new roman" , serif;">De prime abord, </span><i style="-webkit-text-stroke-width: initial; font-family: Times, 'Times New Roman', serif;">Elephant</i><span style="-webkit-text-stroke-width: initial; font-family: "times" , "times new roman" , serif;"> présente seulement une succession de scènes descriptives d'adolescents du lycée de Colombine, lieu d'un terrible massacre (avril 1999). Cette impression disparaît cependant très vite, face à tout l'arsenal de symboles qui peuple le film (1). Mais il y a ces longs plans-séquences qui ont induit en erreur plusieurs exégètes. Certes, Gus Van Sant veut avant tout montrer l'événement et non l'expliquer. Reste maintenant à déterminer la valeur d'une telle approche. L'absence de didactisme interroge le spectateur sur l'utilité de ces segments où l'on voit simplement circuler des lycéens. À quel moment la monstration apporte-t-elle quelque chose à la compréhension ? Faut-il que l'une soit obligatoirement le corollaire de l'autre ? Voici les questions qui d'emblée se dégagent de tous ces fragments de vie. À l'évidence, le cinéaste cherche à stimuler l'esprit du public. C'est peut-être la raison de la soudaineté des flash-back qui, en rompant la linéarité du film, nous invitent à reconstruire mentalement l'ordre de la narration.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Bien heureusement, la rhétorique de Van Sant ne s'arrête pas là ; la machine tournerait sinon rapidement à vide. Sa démarche descriptive ne se veut jamais neutre. Il n'y a pas chez lui de prétention à une objectivité stérile – écueil sur lequel une partie de la critique s'est échouée à la sortie du film. Les scènes fourmillent d'indices qui présagent le dénouement tragique. Les lieux parcourus par la caméra connotent par exemple une forte sensation d'étouffement. Et pourtant, la volumétrie n'est jamais réduite. Les couloirs sont interminables, les salles sont immenses. L'effet de grandeur est d'ailleurs décuplé par la rareté du mobilier (cf. la séquence où John pleure et se fait embrasser par une copine). Ce n'est donc pas en construisant une spatialité confinée que le réalisateur traduit la claustration des lycéens. Pour s'en apercevoir, il faut être sensible aux multiples signes évoquant une impression carcérale. Les punitions qui sanctionnent les entorses au règlement, les déambulations dans un espace labyrinthique, la promiscuité, la discrimination. Car il s'agit toujours de subir le regard de l'autre et cette image de soi qu'il renvoie constamment. D'où le malaise de Michelle, adolescente complexée par son physique et sur laquelle s'attarde longuement Van Sant. Le lycée est à la fois une usine qui fabrique des affects et un pénitencier qui enferme et sépare ceux qui, contrairement à Nathan, sont incapables de s'intégrer. Le dérapage de Columbine, s'il garde en partie son mystère, ne semble plus si surprenant.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Ce n'est pas tout. Van Sant filme les lieux pour que le spectateur s'imprègne et se familiarise avec eux. Nous découvrons ainsi les salles de cours, le réfectoire, les toilettes, bientôt investis par deux désaxés notoires. L'impact du carnage s'en trouve décuplé. La progression des personnages nous rapproche secondement de l'instant fatidique. Il en résulte un suspens qui sert parfaitement les intentions du réalisateur. Très tôt dans <i>Elephant</i>, John croise Eric et Alex, les futurs meurtriers, qui lui conseillent de ne pas revenir dans le lycée. On les voit ensuite pénétrer dans le bâtiment. Dès lors, une menace indicible s'exerce constamment sur les protagonistes. La mort rode dans le dédale des couloirs, à la recherche d'une proie à éliminer. Le déroulement non chronologique du récit ne vient pas perturber ce sentiment. Même si certaines scènes reviennent en arrière (c'est-à-dire avant l'entrée des tueurs), nous savons que chaque protagoniste, au hasard d'une mauvaise rencontre, est susceptible de se faire assassiner. Le mécanisme létal, une fois introduit, pèse sur la totalité temporelle du film.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Invoquons enfin la présentation d'Eric et Alex, qui offre quelques indications sur leur psychologie. Absence de rapports avec les filles, système scolaire oppressant, attrait pour les jeux vidéo violents, doublé par une facilité aberrante de se fournir des armes sur Internet. Le réalisateur ne se prononce pas pour autant, mais il oriente clairement notre regard sur les raisons de l'événement.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Un visionnage attentif d'</span><i style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">Elephant</i><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">, n'en déplaise à ses premiers </span>commentateurs <span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">montre bien que l'objectivité invoquée par ces derniers est purement fictive. Évidence qu'il ne faudrait pas perdre de vue, même si les dialogues et les situations fournissent peu d'éléments explicatifs. Décrire, c'est déjà proposer un regard impliqué sur l'ordre des choses.</span></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La revue du cinéma</i>, Hors-série n°2, mai-juin 2007, pp. 126-127</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">____________________</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) Lire à ce sujet l'étude magistrale d'Alexandre Tylski, « Gus Van Saut et le rninoiaure », parue dans <i>Cadrages</i> en août 2003.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">ELEPHANT</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation et scénario :</b> Gus Van Sant. <b>Photographie :</b> Harris Savides. <b>Interprétation :</b> Alex Frost, Eric Deulen, John Robinson, Elias McConnell, Kristen Hicks (<b>USA, 2003, 81 min.</b>)</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-13212345573660749192009-10-11T21:31:00.021+02:002016-02-22T00:06:07.294+01:00Le Parrain : analyse de la première séquence du film<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTKODrSYt4ld8bE47ai55Z6D9iI0IR1onGJQzlzaD_4OQG0bBfWHtgkSNLAeith0qtXOiWpGc2ks9PZtdIa6gkD5HYFQRxz38FQ77q5stUirckfIlAmQzbLkUlhjAS6ksv1MG48A/s1600-h/le_parrain_the_godfather_1971_diaporama_portrait.jpg" onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" style="text-decoration: none;"></a><br />
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjD1sbWGPE3UKX2IgDE7lxaeYKTsD4CNxF8BNSJM3OWOqEVIm9UOycqDuDovU6OpDB8gY56SSDpOqyGdqcYCwy3LP5IlnmNVGsLvov9av1HafvJ7eTAW2BhVTvqATkJ-OkKZpzQpw/s1600/Le+Parrain.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjD1sbWGPE3UKX2IgDE7lxaeYKTsD4CNxF8BNSJM3OWOqEVIm9UOycqDuDovU6OpDB8gY56SSDpOqyGdqcYCwy3LP5IlnmNVGsLvov9av1HafvJ7eTAW2BhVTvqATkJ-OkKZpzQpw/s400/Le+Parrain.jpg" width="400" /></a></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><i>Le parrain</i>, réalisé par Coppola en 1972 d’après le roman éponyme de Mario Puzzo, raconte le destin du clan Corleone, famille d’origine sicilienne parvenue au sommet de la hiérarchie mafieuse new-yorkaise. La première séquence est exemplaire : elle résume la substance classique de l‘œuvre et introduit les grands thèmes développés dans le scénario.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<b><span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Le classicisme de Coppola</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La première scène (séquence en temps réel ne comportant pas d’ellipses) du <i>Parrain</i> est composée de 14 plans. Coppola emploie des vues frontales, sans recourir à des plongées ou des contre-plongées. Excepté le gros plan de départ sur Amerigo Bonasera (Salavatore Corsitto), le réalisateur utilise surtout des plans rapprochés taille/poitrine, qu’il entrecoupe de plusieurs plans demi-ensemble.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La photographie est d’une admirable sobriété. On localise deux sources de lumière, toutes deux assez faibles. D’abord une lumière tamisée qui provient de l’éclairage artificiel des lampes d’intérieur. Puis une lumière naturelle venant des persiennes de la fenêtre située derrière le bureau de Corleone. La séquence est ainsi plongée dans une certaine pénombre, qui accentue l’aspect austère et solennel de l’entrevue.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La mise en scène de Coppola témoigne d’un profond classicisme. L’image est épurée, tandis qu’aucune musique n’accompagne les dialogues. Les mouvements de caméra sont rares. On repère tout d’abord un zoom arrière très lent, qui part de Bonasera et se termine avec la main et la tête de Corleone (Marlon Brando) sur le bord gauche du cadre, faisant signe de donner un verre à son invité. Quelques mouvements permettent également de recentrer Corleone dans le cadre. On remarque enfin un court travelling d’accompagnement lorsque Corleone reconduit Bonasera vers la sortie. Hormis ces quelques mouvements, Coppola privilégie le plan fixe.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La théâtralité de la séquence n’est cependant pas totale. Comme l’indique Iannis Katsahnias (<i>Francis Ford Coppola</i>, Cahiers du cinéma, 1997), un élément, dès le premier plan, signale que nous sommes bien au cinéma. C’est la main qui apparaît dans le champ droit et qui donne un verre à Bonasera. Cette main qui s’introduit dans le cadre rappelle l’existence d’un espace hors champ, même si la mise en scène tente de faire oublier ce dernier.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La direction d’acteurs, très précise, repose sur l’opposition évidente des deux protagonistes. Le jeu de Corsitto tout en retenu, manifeste la profonde humilité de l’immigré sicilien. Cependant, ses gestes et les vibrations de sa voix trahissent la haine que le personnage ressent pour les agresseurs de sa fille. L’interprétation sophistiquée de Brando nuance le classicisme de la scène. Ses nombreuses mimiques contribueront d’ailleurs à la célébrité du protagoniste (Brando se parodiera lui même en reprenant son rôle dans <i>Premiers pas dans la mafia</i>, réalisé en 1990 par Andrew Bergman). La première séquence révèle d’emblée l’autorité de Corleone, accentuée par la corpulence et la présence charismatique de l’acteur à l’écran.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<b><span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La face obscure du rêve américain</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Corleone ne croit pas en la justice légale, qu’il méprise. Il refuse de reconnaître l’autorité juridique et morale de l’Etat. La seule structure légitime à ses yeux est celle du clan qu’il dirige. Pour le chef mafieux, l’équité correspond à la « loi du talion ». La riposte doit être graduée et correspondre à l’intensité de l’attaque. Son système de valeurs repose d’abord sur le respect, fondé sur l’amitié, la sincérité et surtout la crainte. Son autorité est sacrée : il veut se faire appeler « Parrain » et Bonasera lui baise la main, comme s’il était un prélat de l’Eglise catholique.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La mafia ne peut fonctionner sans l'application de l’omerta (la loi du silence). La photographie et le décor (bureau plongé dans la pénombre, volets refermés) contribuent à renforcer l’aspect secret de la conversation. La scène se déroule dans un lieu fermé et gardé, à l’abri des oreilles indiscrètes. Les propos échangés ne doivent pas sortir de la pièce.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">La séquence montre d’abord une image positive de la mafia. Celle-ci obéit à un code d’honneur et détient des valeurs chevaleresques. En effet, Corleone semble incarner la justice. Il protège les faibles, sans pour autant recourir au meurtre. La réalité est en fait bien différente. L’objectif des « hommes d’honneur » est de multiplier les activités illicites de la mafia, afin d’accroître ses bénéfices. Le service rendu par Corleone, de plus, n’est pas gratuit. Bonasera a une dette envers le parrain, qu’il devra un jour acquitter. La séquence prend dès lors l’aspect d’une cérémonie d’allégeance, qui renforce le pouvoir autoritaire du chef de la mafia sur le territoire qu’il dirige.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Le début du film dévoile tout d’abord une interprétation positive du « rêve américain ». Bonasera est un immigré honnête et travailleur. Sa réussite sociale ne fait aucun doute. Il s’est parfaitement intégré en devenant un « bon américain » - il porte du reste un prénom emblématique : Amerigo. De ce point de vue, le rêve américain fonctionne parfaitement.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Cependant, Bonasera n’a pas perdu ses vieux réflexes communautaristes. Il annonce tout d’abord que le petit ami de sa fille n’est pas italien. Cette remarque révèle un point de vue « raciste » : Bonasera nous dit implicitement qu’un Italien n’aurait pas commis un tel crime. De plus, le personnage refuse d’accepter le verdict rendu par la justice américaine. Il se tourne donc « naturellement » vers la justice mafieuse. L’assimilation de Bonasera affiche donc rapidement ses limites.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">De son côté, Corleone a fait fortune. Il est devenu un notable et un bienfaiteur de sa communauté. Mais pour cela, il a dû organiser un syndicat du crime, véritable « Etat dans l’Etat ». Le rêve américain présente par conséquent une part obscure, qui permet à des sociétés criminelles de s’enraciner et de prospérer en Amérique. Même si Coppola montre une vision assez romantique du crime organisé, on ne peut donc affirmer que son film occulte la réalité de la mafia. Le cinéaste explorera d’ailleurs le passé criminel de Corleone dans <i>Le parrain II</i> (1974), afin de noircir davantage l’image « séduisante » du protagoniste (interprété cette fois par Robert De Niro).</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; min-height: 15px;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(66, 66, 66); -webkit-text-stroke-width: initial; color: #424242; text-align: right;">
<span style="font-family: Times, Times New Roman, serif;">Aurélien Portelli</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-55646090488987694232009-09-25T00:15:00.000+02:002016-02-22T21:50:37.106+01:00Viridiana de Luis Bunuel : le crépuscule des idoles<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjYarUsp3pK3GGzl8vaFQKO87Uo_W8wSDre6Lm-dlue7vkcdc2K9HmVCgJ5FSVelu2IGI6M80-7zk7eVjVmcx3_XJPqWHIXJfNJvRTCT3m8Lv2IclQgBCtgSZK1Dlvk2gTqdizqw/s1600/Viridiana+3.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjYarUsp3pK3GGzl8vaFQKO87Uo_W8wSDre6Lm-dlue7vkcdc2K9HmVCgJ5FSVelu2IGI6M80-7zk7eVjVmcx3_XJPqWHIXJfNJvRTCT3m8Lv2IclQgBCtgSZK1Dlvk2gTqdizqw/s400/Viridiana+3.JPG" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Viridiana est sur le point de prononcer ses vœux. Auparavant, la mère supérieure lui demande de rendre visite à Dom Jaime, son oncle bienveillant, qui désespère de la revoir une dernière fois. Le vieil homme est riche et vit avec ses domestiques dans une immense propriété. Pris d'une folle passion pour sa nièce, celui-ci lui fait croire qu'il a abusé d'elle dans son sommeil, pour l'empêcher de retourner au couvent. Viridiana est horrifiée et s'enfuit. Jaime, tout aussi désespéré, a soudain une idée. Il se suicide et lègue son domaine à Viridiana et à Jorge, son fils illégitime, qu'il reconnaît au dernier moment. Saisissant l'opportunité, la jeune femme décide de se consacrer aux plus démunis, en transformant les dépendances du domaine en hospice pour les mendiants.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L'aspect le plus audacieux de Viridiana réside non dans le fétichisme on les désirs incestueux de Dom Jaime pour sa nièce, mais dans la volonté de Bunuel de faire voler en éclat les prétentions caritatives et charismatiques du christianisme. Le cinéaste utilise à deux reprises le <i>Messie</i> de Haendel. Une première fois dans le générique du film, pour introduire la piété qui obsède Viridiana. Car il s'agit bien d'une obsession. La musique annonce ainsi ce qu'il y a de plus noble en ce monde. La pureté d'une âme, qui aspire seulement à la prière et la contemplation.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Haendel revient une seconde fois, à contre-emploi, durant une orgie improvisée. Le chat s'absente un soir et les souris en profitent pour se laisser aller à leurs plus vils instincts. Après avoir immolé quelques agneaux et fait couler le vin en abondance, les braves nécessiteux se mettent à danser sur l'air du Messie. Le sacrilège est consommé. Les pauvres se vautrent dans le luxe comme des cochons dans la fange. Les visages édentés et les corps disgracieux dévoilent enfin la véritable dimension de leur infamie, loin des simulacres et des bondieuseries qu'ils offraient à Viridiana, pour rassasier son inaltérable besoin de dévotion (cf. la séquence où les hypocrites tombent à genoux dans un champ et disent pieusement l'angélus). C'est donc en mettant en scène ce carnaval grotesque que Bunuel ruine toute la démarche et l'angélisme du personnage. Sa charité et son aveuglement sont pathétiques par rapport aux maigres résultats qu'elle récolte, tandis que son cousin Jorge parvient à s'enrichir en exploitant le domaine de son père. Le cinéaste pousse la débauche à son paroxysme pour signifier l'ampleur de l'échec de Viridiana. Travestisme, concupiscence, rapine, meurtre, tout y passe. L'obscénité est totale. Le réalisateur offre même une succulente parodie de la Scène de Léonard, moment surréaliste et chef-d'œuvre inégalé de provocation.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le tableau social dépeint par Bunuel n'en est que plus affligeant. Les pauvres que Viridiana recueille sont des ingrats – voire pour certains des ordures. C'est à partir de ce constat que s'édifie le rejet du christianisme. Le réalisateur ne dénonce pas les malices de l'Eglise. Son propos est autre. Le point de vue critique provient avant tout des exactions commises par les laïcs. Rien ne peut changer le cœur des hommes, et encore moins celui des indigents, outragé et corrompu par une misère de trop longue date. La religion n'est même pas nocive, elle est juste inutile.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Bunuel est un grand cinéaste car il propose, au-delà de ses grandes qualités de narrateur, une véritable vision du monde. La solidarité, la tolérance, la générosité que Viridiana souhaite insuffler échouent face à la perversité de son troupeau. L'idée d'une humanité perfectible vole dès lors en éclat. La bigoterie du protagoniste l'empêche de voir la réalité. Elle veut faire de ses pauvres de bons chrétiens, alors qu'ils ne désirent qu'une seule chose : la jouissance. Tout comme Dom Jaime lorsqu'il déguise sa nièce en mariée. La pesanteur de la chair l'emporte sur les délires mystiques de la jeune femme. Une séquence introduit cette idée dans la première partie du film. Viridiana passe sa première nuit chez Dom Jaime. Dans sa chambre, elle retire son bas, dévoilant une jambe aussi laiteuse que sensuelle. Le spectateur découvre ce que le personnage tente de nier par sa démarche religieuse, à savoir la beauté de son corps. Immédiatement, elle se lève et ouvre une boite qui renferme une croix, des clous et une couronne d'épines. Les instruments de la Passion sont insérés dans la scène pour signifier la souffrance et la négation de l'éros. Viridiana réalisera à ses dépends le subterfuge. La chair est là, objet de toutes les convoitises. Nul ne peut y renoncer, pas même la sainte qui, totalement désabusée, finit par se soumettre à la volonté de son cousin. C'est ce que suggère d'ailleurs le double emploi de la musique de Haendel. Détourner le Messie à des fins orgiaques, comme Viridiana est écartée de sa mission et se retrouve plongée à son tour dans le vice. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Porteili</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La revue du cinéma</i>, Hors-série n°2, mai-juin 2007, pp. 34-35</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">VIRIDIANA</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation : </b>Luis Bunuel. <b>Scénario :</b> Luis Bunuel, Juilo Alejandro. <b>Photographie :</b> José F. Aguayo. <b>Interprétation : </b>Silvia Pinal, Francisco Rabal, Fernando Rey, José Calvo. <b>Genre :</b> drame (<b>Mexique/Espagne, 1961, 90 min.</b>).</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-33161595177472913812009-07-17T00:41:00.004+02:002016-02-22T00:38:03.878+01:00Pornocratie<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9O3YKIk4z_tXUqnCjdDN8Th-CEVoIF9OcWtZjx0sRR5H1-2OI9EfZk9xlu899Zq8FM2KUVLdoRdtvJXwUTKGdu3xTGb5xsWzjFgQGmeCFhZwi-I1OQnFmwbc9sMq9VAeYm1kxzQ/s1600/Deux+figures.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="267" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9O3YKIk4z_tXUqnCjdDN8Th-CEVoIF9OcWtZjx0sRR5H1-2OI9EfZk9xlu899Zq8FM2KUVLdoRdtvJXwUTKGdu3xTGb5xsWzjFgQGmeCFhZwi-I1OQnFmwbc9sMq9VAeYm1kxzQ/s400/Deux+figures.jpg" width="400" /></a></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>French Beauty</i>, réalisé par John B. Root en 2002, dépasse les codifications du cinéma pornographique. La teneur du scénario détonne ainsi par rapport aux films X traditionnels, qui se caractérisent d'habitude par une histoire d'une pauvreté accablante. Une journaliste hongroise (interprétée par Loulou) mène une enquête sur le milieu de la prostitution. Elle rencontre un proxénète, Jacques Étienne (Hervé Pierre Gustave), qui lui raconte comment l'arrivée de Sweety (Mathilda) dans sa famille a bouleversé le destin de ses membres. La journaliste, intriguée, décide alors de s'entretenir avec Jacqueline (Jennifer Loca), l'ex-épouse de Jacques ainsi que leurs enfants, Bénédicte (Ally Mac Tyana) et Stéphane (Greg Centauro), pour découvrir la personnalité et les motivations de la mystérieuse jeune femme.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">D'emblée, on est surpris par le nombre réduit de scènes « hard ». Le réalisateur préfère développer une histoire consistante plutôt que d'enchaîner des plans de sexe à répétition. Les scènes pornos, quant à elles, ne se détachent pas de la diégèse et constituent des unités inséparables du matériau filmique. Les situations, très souvent burlesques, ne représentent donc pas des prétextes pour amener la monstration de l'acte sous toutes ses coutures. La psychologie des personnages n'a pas été laissée en friche. La bande-son, accompagnée d'une musique kitch, ne se résume pas non plus à des vociférations et à des gémissements langoureux. Les dialogues sont nombreux et les acteurs les plus confirmés, tels que Hervé Pierre Gustave, n'hésitent pas à improviser et à s'écarter du script initial. Évidement, les interprètes balbutient parfois et n'évitent pas toujours de tomber dans le cabotinage (malgré la précision des répétitions imposées par John B. Root). Mais les dérapages importent peu. En effet, il faut avant tout célébrer la performance des acteurs qui ont dû, en seulement six jours de tournage, jouer la comédie (ce qui, pour certains, était assez nouveau) tout eu réalisant des séquences pornographiques parfois difficiles. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le montage est rythmé par une série de flash-back, qui permettent de découvrir graduellement le personnage de Sweety. La progression narrative, qui s'articule autour des entretiens réalisés par la journaliste, se réfère d'ailleurs à celle de <i>Citizen Kane</i>. La qualité de la photographie est surprenante et la mise en scène élaborée. Par exemple, lors de la première séquence véritablement porno, le réalisateur alterne plans moyens et gros plans, tout en opérant plusieurs changements d'axe et de cadrage. Les plans se caractérisent également par leur brièveté et par les multiples changements de position durant l'acte, pour que la caméra épouse dynamiquement la surface de la peau des acteurs. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L'esthétique du film repose également sur l'opposition sophistiquée du champ et du contre-champ, ainsi que sur la variation des mouvements de caméra. Les panoramiques accompagnent les travellings optiques, dont John B. Root n'abuse jamais. Celui-ci privilégie l'utilisation du blanc dans les plans imaginaires où apparaît Sweety, rayonnante de beauté. Même chose concernant la couleur des fondus, illuminant les transitions qui assurent l'unité de certaines séquences. Le réalisateur s'adresse à un public exigeant et privilégie la sensualité à une mécanique sexuelle dénuée de saveur. Selon le cinéaste : <i>« C'est clair, ce débat n'aurait jamais eu lieu si le porno était meilleur. Si, au lieu de présenter de pauvres vidéos bâclées, ennuyeuses pour une bonne part, mettant en scène de la gymnastique misogyne par bêtise et filmée par des amateurs parkinsoniens, il offrait des films drôles, bien foutus, des œuvres d'auteur aphrodisiaques, des histoires de désir et de plaisir. Il ne serait venu à personne l'idée de faire du porno le bouc émissaire des maux de la société si il était enfin devenu un genre cinématographique, comme le western, la comédie sentimentale ou le polar, avec ses règles, ses petits maîtres et ses fan-clubs » </i>(1). Grâce à <i>French beauty</i>, John B. Root prouve à ses détracteurs que le porno ne se résume pas forcément à une succession de séquences dégradantes pour le corps de l'acteur.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Une critique de l'univers du X</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les séquences qui se déroulent dans le temps présent de la narration synthétisent les différentes facettes de l'industrie du sexe. Jacques vit de la prostitution, Bénédicte est devenue hardeuse, Stéphane travaille dans un sex-shop et Jacqueline dirige un club lesbien. Ces quatre secteurs représentent les principales instances de production et de commercialisation de l'imagerie sexuelle à notre époque. L'univers du film X reste la cible privilégiée du réalisateur. Lorsque Bénédicte est interviewée, on aperçoit en second plan un caméraman qui dirige un porno. Le tournage est dénué d'érotisme et dévoile la facticité de sa conception. John B. Root montre ainsi ce qu'il y a devant et derrière la caméra (2). Une autre séquence nous fait pénétrer dans l'arrière-boutique du sex-shop de Stéphane. 300 magnétoscopes projettent continuellement des films pornographiques dans plus de 120 cabines.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Judicieusement, le réalisateur ne montre pas le lieu où les clients vont se masturber. Il préfère filmer les rangées de magnétoscopes, avec les soupirs et les cris des actrices en son off. Le spectateur ne perçoit donc qu'un lointain écho des images et des sons projetés dans les cabines. Le film évoque ainsi le dispositif qui, en coulisse, actionne le mécanisme artificiel de la jouissance cinématographique. L'une des principales fonctions du film porno est de permettre au spectateur de rompre avec la réalité sexuelle à laquelle il est confronté. Dans le cinéma X, les filles acceptent facilement de coucher avec un homme (voire plusieurs à la fois) et de réaliser tous ses désirs. Plus besoin de convaincre sa partenaire, par le mode très codifié du processus de séduction, pour espérer obtenir ses faveurs. Les tabous sont évacués, au même titre que les soucis de performance liés à l'appareil masculin. L'érection de l'acteur est assurée, la taille de son pénis est plus que raisonnable, et son savoir-faire ne lui fait jamais défaut. Dans la réalité, l'homme risque le refus, l'incident, l'humiliation.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Mais le porno ne reflète pas seulement les conditions d'un érotisme toujours pathologique. Il reste aussi un divertissement vidéo qui réactive le désir d'une sexualité alternative et variée. La femme se dénude aisément et ne recherche pas une relation durable. Elle veut seulement donner et recevoir du plaisir. En un sens, le porno ramène les individus au degré zéro de l'éros, décomplexé et décomplexifié. Un éros partagé entre plusieurs individus qui s'affranchissent des normes, pour finalement s'abandonner à une autre forme de normalisation : celle du déroulement de l'acte porno. Fellation - pénétration - éjaculation externe. Rien de mieux. Les sociétés modernes ont la pornographie que permet leur imaginaire collectif, dont la pauvreté devrait inquiéter le moins assidu des amateurs de X, et que French beauty semble réfuter, du moins en partie.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le film est sur ce point diamétralement éloigné des productions de type « gonzo », caractérisées par une absence totale de scénario et une succession ininterrompue de séquences sexuelles. L'opposition ne se trouve pas forcément sur le plan esthétique - la photographie de certains gonzos, comme celle de <i>Erotique</i> (Nic Andrews, 2003) par exemple, est parfois très sophistiquée - mais dans le rapport qui s'insinue entre les actes des personnages et les fantasmes du spectateur. Ces films réactionnaires dénigrent la libido féminine en transformant le corps de la partenaire en objet dont le mâle dominateur peut disposera sa guise. On ne sera donc pas surpris de voir tant de hardeuses soumises et violentées dans ce genre de réalisation. <i>French Beauty</i>, au contraire, s'insère dans un courant réformateur du X, apparu depuis plusieurs années. En effet, le porno ne s'adresse plus seulement à un public masculin, mais également à un public féminin, voire conjugal. Les producteurs doivent dès lors prendre en compte l'évolution récente des consommateurs de pornographie.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">De prime abord, la séquence de la boite de nuit ressemble en tout point à celle d'un film X classique. Sweety rencontre un garçon et, sans amorcer le moindre début de séduction, le mène dans les toilettes pour lui faire une fellation. John B. Root rompt cependant la tradition. Le jeune homme, se croyant déjà eu route pour le paradis, est interrompu avant de jouir par deux voyous. Il s'agit en fait d'une combine. L'un d'eux se fait passer pour le petit ami jaloux, tandis que Sweety déclare que son partenaire Pa forcée à se donner à lui. Le pauvre garçon est alors obligé de donner tout son argent aux deux brutes pour leur échapper.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Cette scène récuse tout le système de représentation du porno. Le réalisateur dévoile l'envers de la mécanique du désir produite dans le X, qu'il prend à son propre piège. La femme devient cette fois le sujet qui transforme l'homme en objet sexuel. John B. Root joue avec la frustration du spectateur, qui se retrouve soudainement replongé dans la réalité qu'il désirait fuir, alors que ce dernier pensait se régaler devant une belle séquence hard. Le cinéaste nous rappelle que, dans le monde réel, les filles qui désirent satisfaire un parfait inconnu sans aucune arrière-pensée sont plutôt rares...</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>French beauty</i> est donc l'antithèse du porno machiste habituel. La première scène véritablement pornographique a lieu lorsque Jacques décide de payer Sweety pour lui faire l'amour. Une fois de plus, le mâle est dupé. Les faveurs sexuelles que le personnage obtient facilement de la jeune femme se retournent contre lui. Malgré l'éjaculation faciale, symbole convenu de la domination sexuelle de l'homme sur sa partenaire, c'est en fait Sweety qui domine Jacques en mettant en place un nouveau stratagème. Elle fait l'amour avec chaque membre de la famille, filme l'intégralité des ébats, puis demande au final une forte somme d'argent pour ne pas divulguer les preuves de leur dépravation.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Les enfants, désireux de découvrir les joies du sexe, sont les plus faciles à duper. La séquence du dépucelage de Stéphane est très érotique. Les personnages se caressent longuement, et le réalisateur montre les filles lorsqu'elle se déshabille (ce qui n'est pas systématique dans les films X). Cependant, malgré les apparences, l'élément masculin est de nouveau manipulé. Sophie (Akira), la domestique, filme l'acte, conformément au plan de Sweety. La caméra symbolise une revanche hypothétique des femmes sur l'industrie du X : le corps féminin détient cette fois le pouvoir en se réappropriant le contrôle des images, qui d'ordinaire lui échappe. Le procédé est bien évidemment illusoire, puisque c'est John B. Root qui reste finalement aux commandes. L'intention est néanmoins louable, car c'est la femme qui, durant la scène, oriente le regard filmique et capture — pourrait-on dire — l'érotisme de la scène. Le dépucelage de Bénédicte est, quant à lui, bien moins original. La jeune fille et son amie, malgré leur inexpérience, ont une parfaite connaissance du corps masculin. En effet, leurs gestes sont sans hésitation. Cette séquence ramène malheureusement <i>French beauty</i> dans l'enclos insipide de la pornographie lambda.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La famille comme structure d’oppression</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">L'intrusion de Sweety dans le microcosme familial amène les Étienne à découvrir de nouvelles formes de sexualité. Les valeurs bourgeoises, qui empêchaient leur personnalité de s'affirmer, volent dès lors en éclat. La critique sociale de <i>French beauty</i> est délicieusement caricaturale. La famille habite dans une demeure du XVIe siècle, bordée d'un vaste jardin à la française. Cependant, les personnages inventés par John B. Root sont en inadéquation par rapport à leur niveau de vie et à la somptuosité de leur demeure. Le cinéaste dresse le portrait d'une bourgeoisie aux valeurs anéanties. Le spectateur ne découvre, à l'écran, que des ploucs incultes, dénués de la moindre dimension sociale.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La principale utilité de Sophie est de satisfaire sexuellement les garçons de la famille. Sa fonction narrative est primordiale. Malgré sa beauté et sa parfaite maîtrise de l'art de la fellation, elle ne parvient pas à atténuer la morosité de son employeur. En effet, la présence de la servante perpétue à l'écran le cadre social qui oppresse Jacques quotidiennement. Son salut ne peut donc provenir que de l'extérieur de son univers familial, et en l'occurrence de Sweety.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>French beauty</i> est à l'évidence un palimpseste de <i>Théorème</i>. John B. Root s'inspire du film de Pasolini en introduisant, dans une famille, un élément étranger qui va révéler au grand jour ses frustrations et rompre son homogénéité fictive. En effet, l'unité du groupe dépend seulement des normes familiales que la mère tente de sauvegarder. Le père, quant à lui, a depuis longtemps abandonné tout espoir. La description qu'il donne de ses enfants est éloquente. Pour lui, son fils est <i>« nul en classe, nul en sport, nul avec les filles, et même pas pédé ! »</i>, tandis que sa fille est <i>« une de ces teenagers idiotes, obsédée par la télé, la mode et les produits de beauté »</i>. À l'évidence, les enfants échappent à la tutelle de leurs parents et n'éprouvent pour eux que du mépris.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La famille est violemment remise en cause par le cinéasle, qu'il compare à une structure d'oppression qui enchaîne ses membres les uns aux autres. Le père, insatisfait par son activité sexuelle, en est réduit à regarder les amies de sa fille par le trou de la serrure de sa chambre. Le voyeurisme lui permet d'élaborer des images érotiques qu'il invoque lorsqu'il fait l'amour avec son épouse. Ce type de fantasmatique fait indubitablement référence, comme l'indique le titre du film, à <i>American Beauty</i> (Sam Mendes, 1999), où le protagoniste (interprété par Kevin Spacey), subit de plein fouet la « crise de la quarantaine » et rêve également de coucher avec la copine de classe de sa fille.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Un portrait inquiétant de la sexualité</span></b></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Une place importante est attribuée dans le film à l'onanisme. Un soir, Jacques et Stéphane se masturbent, chacun dans leur chambre, en pensant à Sweety. Le réalisateur confronte le spectateur aux protagonistes. Tout comme eux, le consommateur de porno se caresse pour jouir instantanément et sans encombre. <i>French beauty</i> est construit selon un jeu de miroir qui renvoie des images d'acteurs et de voyeurs à la recherche d'un désir situé dans un imaginaire inaccessible. En témoigne la fin du film, où l'on découvre que Jacques a seulement vécu ces événements en rêve.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Stéphane a une sexualité difficile. Il semble incapable, jusqu'à sa rencontre avec Sweety, de coucher avec une femme. Alors qu'il pourrait profiter plus intensément de Sophie, le jeune homme préfère se masturber en regardant l'intimité de la domestique. La séquence dans laquelle les époux ont des rapports sexuels révèle l'ampleur de leur malaise conjugal. Jacqueline est surprise que son mari la sollicite durant le week-end alors qu'ils ont déjà fait l'amour en début de semaine. La monstration réaliste du porno est judicieusement exploitée pour exprimer les dysfonctionnements du couple occidental. Jacques est prévenu par sa femme avant même qu'il ne la pénètre : <i>« Vas-y doucement, tu me fais mal ! »</i>, tandis que débute une série de mouvements fadasses, qui n'ont rien de commun avec les expériences flamboyantes que connaîtront les deux partenaires durant leurs ébats adultérins.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le réalisateur projette le spectateur dans un ailleurs fantasmatique lorsque Jacques fait l'amour avec sa femme. Le plan-séquence est tourné en caméra subjective, tandis que les bords du cadre sont baignés d'une lumière blanchâtre. Jacques imagine, pour palier son manque d'excitation, qu'il couche avec l'amie de sa fille. Jacqueline, pendant ce temps, ne ressent aucun plaisir. Continuant de jouer son rôle de mère dans les bras de son époux, elle préfère se concentrer sur les bruits qui proviennent de la chambre de Bénédicte. L'absence d'éjaculation, et surtout de changement de position, dénonce les difficultés sexuelles du couple. Le père se lasse rapidement et descend dans le salon pour se masturber, en compagnie de Sophie, devant un film pornographique. Sweety interrompt Jacques, en apparaissant dans son costume d'ange, L'érotisme est captivant. La jeune femme se penche et laisse tomber, en se relevant, le drap qui recouvrait son corps nu. Ses formes voluptueuses illuminent Jacques qui se précipite, le sexe dressé, pour ramasser l'étoffe. Il retourne ensuite dans son lit et entame une masturbation effrénée en pensant au corps de Sweety, alors que son épouse dort au premier plan, la jambe gauche écartée, en exhibant son sexe. Malgré cette position lascive, son époux préfère fantasmer sur un autre vagin, nouvel objet de désir capable de raviver en lui une excitation sexuelle que Jacqueline n'est plus en mesure de susciter.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Évidemment, Jacques ne se comporte pas du tout de la même manière avec Sweety et Sophie. Alors qu'il interrompt son coït avec Jacqueline car il n'arrive pas à jouir, il parvient à honorer jusqu'au bout les deux jeunes femmes lorsqu'elles se donnent simultanément à lui. Les talents de Sweety confèrent à Jacques une énergie telle qu'il lui réclame trois filles supplémentaires pour satisfaire ses ardeurs. Le voeu du quadragénaire se réalise : quatre magnifiques femmes le déshabillent, le massent, le caressent. La photographie de la séquence est soignée. Les cadrages tentent de créer des portraits érotiques en mouvement, et les zooms arrières sont nombreux pour permettre au spectateur d'avoir une vite d'ensemble sur ce tableau idyllique.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Le réalisateur s'intéresse également aux entraves de la libido féminine. Jacqueline déclare à la journaliste qu'elle a toujours détesté les hommes. On comprend dès lors qu'elle a dissimulé ses tendances homosexuelles pour respecter les conventions sociales et correspondre au rôle de mère de famille qui lui a été imposé. Dépassée par les événements, elle se sent incomprise et découragée. Elle gère l'entreprise, s'occupe des courses, du ménage, des enfants et sort même les poubelles ! L'histoire devient incohérente : on se demande bien quelle est l'utilité de Sophie... Par celle pirouette scénaristique, le réalisateur souhaite que toutes les spectatrices puissent s'identifier à cette femme étouffée par sa vie matrimoniale. Les codes s'effritent cependant lorsque Sweety dénude Jacqueline devant un miroir, afin de lui faire découvrir la vraie femme qui se cache en elle. Celle-ci finit par succomber aux charmes de sa tentatrice, avec qui elle fait l'amour dans la salle de bain. John B. Root filme longuement le visage de Jacqueline, qui redécouvre sa véritable nature sexuelle, enfouie depuis le début de son mariage.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>French beauty</i> démontre que chaque conjoint détient ses propres modes d'aliénation. La plainte, la routine conjugale, la désérotisation du corps de l'autre s'expriment différemment et reflètent les multiples facettes de la crise du couple. L'homme est contraint de se masturber pour s'assurer un équilibre sexuel précaire, et la femme est devenue une matrone qui a perdu sa sensualité. Le film est une dénonciation acerbe du mariage, structure archaïque qui asservit les individus et les empêche de connaître le bonheur.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aussi, le happy-end semble jurer avec le pessimisme de l’œuvre (3). Néanmoins, il s'inscrit parfaitement dans la critique émise par le pornographe. En se réveillant, Jacques prend conscience, grâce à son rêve cathartique, de l'amour qu'il porte à sa famille. Le personnage, malgré son discernement, continue de mener une vie rassurante et sans envergure. L'ironie touche d'autant plus le spectateur qu'il comprend, une dernière fois, que cette profusion de sexe n'était qu'un spectacle monté de toute pièce. Sweety n'existe que dans l'imaginaire masculin. Déception...</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>French beauty</i> met en œuvre un érotisme et un système de signes complexes qui reflètent un certain visage de la santé sexuelle de nos sociétés. Authentique film d'auteur, réalisé à la périphérie de la production cinématographique, il demeure une expérience audacieuse pour décrire les pathologies qui atomisent la famille, les valeurs morales et la normativité sexuelle. Sur ce point, espérons que l'éros à venir sera meilleur que l'ancien. L'espoir, est mince : l'homme aime inventer de nouvelles chaînes pour domestiquer le désir. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>La revue du cinéma</i>, n°5, février-avril 2007, pp. 126-136.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">__________</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(1) John B. Root, « Lettre ouverte d'un pornographe consterné », in <i>Libération</i>, 21 septembre 2002.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(2) Ce procédé est évidemment accentué par le making-off de <i>French beauty</i>, véritable extension grâce à laquelle le spectateur découvre justement et de manière approfondie les procédés de fabrication de l'œuvre.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif; font-size: x-small;">(3) Il fut imposé par une partie de la production, qui refusa que le film se terminât sur une dispute familiale.</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-39355526669852146932007-03-12T03:58:00.002+01:002016-02-22T19:27:06.230+01:00Super Nacho : défenseur de la nonne et de l'orphelin<div align="justify">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifoTYKZAvLl-_0VslF_iie4WByOT6y4Fvd4sFHQsD3DJzthuEyw4Qaz_ThGAobKbCc05QEJ0-qb2pJ1Uh3tcpD24KUrh3HHPZ7Fk3dlRvkrslIa6VCV563TuVlIRrw-WgvLxt8VA/s1600/super-nacho.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="263" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifoTYKZAvLl-_0VslF_iie4WByOT6y4Fvd4sFHQsD3DJzthuEyw4Qaz_ThGAobKbCc05QEJ0-qb2pJ1Uh3tcpD24KUrh3HHPZ7Fk3dlRvkrslIa6VCV563TuVlIRrw-WgvLxt8VA/s400/super-nacho.jpg" width="400" /></a></div>
<i style="font-family: times, 'times new roman', serif;">Super Nacho</i><span style="font-family: times, 'times new roman', serif;"> pose une question existentielle au spectateur : comment un moine obèse et rabroué depuis son enfance peut-il trouver son Salut ? La réponse est évidente : en devenant catcheur. Une fois son destin révélé, Ignacio relèvera tous les défis : être la nouvelle star du ring, sauver les petits orphelins de la famine, et séduire à l’occasion la jolie nonne de passage dans son monastère (au Mexique, on fait des échanges de religieux).</span><br />
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Pour accomplir sa divine mission, le protagoniste affronte avec son compère Esqueleto – son alter ego filiforme – une série d’adversaires plus pittoresques encore (une mention spéciale est attribuée aux nains des cavernes, à la toison bien fournie). Le scénario multiplie donc les situations improbables, dans une ambiance pipo et castagnette délibérément ringarde. Les corps exhibés sont disgracieux, les chorégraphies inexistantes, les costumes d’une hideur insoutenable. Il faut voir Nacho se démener sur la scène dans son pantalon moulant et sa cape à franges. Hélas, le bon goût vestimentaire ne paie pas : le frère courage ne gagne aucun de ses laborieux combats. Peu importe, le spectacle de la défaite est grassement rétribué par les organisateurs. Le saint homme souffre et rejoue la Passion sur le ring. </span><span style="-webkit-text-stroke-width: initial;">Mais Nacho n’incarne pas seulement le sauveur providentiel : il aime également chanter. Avant son dernier combat, le protagoniste entonne une ode pour célébrer sa muse. Aucun doute : l’ange masqué est un grand artiste.</span></span><br />
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">On l’aura compris, ce film est un petit bijou, qui concurrence de près le chef-d’œuvre interstellaire du navet héroïque : <i>Capitaine Orgazmo</i> (Trey Parker, 1997). Autre satellite délirant lancé depuis l’arrière-boutique d’Hollywood, où un mormon karatéka devient une icone du porno et combat le crime avec son orgazmo-rayon. Si le scénario de <i>Super Nacho</i> se permet toutes les extravagances, la mise en scène prend quant à elle moins de risques. Jared Hess est assez peu inventif, hormis lorsqu’il s’inspire de l’iconographie baroque. La composition des plans fait alors penser à la peinture de Rubens et donne une force esthétique à toute cette marmelade, saturée par une religiosité de bazar et un humour douteux. Les dialogues dissimulent toutefois quelques perles hilarantes, comme <i>« Je sais que les lutteurs sont entourés de jolies filles. On leur donne des cadeaux aussi. Comme des crèmes et des lotions »</i>.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Super Nacho</i> est ainsi une fable naïve qui, sans sombrer tout à fait dans une avalanche de gags, témoigne d’un genre aussi crétin qu’inépuisable : le nanar naturel – et accessoirement la comédie musicale.</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>SUPER NACHO (NACHO</b> <b>LIBRE)</b></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>Réalisation :</b> Jared Hess. <b>Scénario :</b> Jared Hess, Jerusha Hess, Mike White. <b>Photographie :</b> Xavier Pérez Grobet. <b>Interprétation : </b>Jack Black, Ana de la Reguera, Héctor Jiménez. <b>Origine :</b> Etats-Unis. <b>Genre :</b> nanar. <b>Durée :</b> 92 min. <b>Sortie française :</b> novembre 2006.</span></div>
</div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-25786892304572022942007-03-01T21:54:00.000+01:002016-02-22T21:57:24.731+01:00La représentation de la paranoïa dans Bug de William Friedkin<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgSRbWNIMfYXGC_4ppmoMYSUuIR2nGIHbUAdv-RgRFi2ZzIhCgl2ahvc947hgnI9-R3rIxRKoZJN8iOjql1xFo0GCcN_9T6ViUspYuXhpgEVzY57LWOerLz14srkrxtuXKiK4VVnQ/s1600/Bug.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgSRbWNIMfYXGC_4ppmoMYSUuIR2nGIHbUAdv-RgRFi2ZzIhCgl2ahvc947hgnI9-R3rIxRKoZJN8iOjql1xFo0GCcN_9T6ViUspYuXhpgEVzY57LWOerLz14srkrxtuXKiK4VVnQ/s400/Bug.jpg" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><i>Bug </i>est l’un des films les plus intéressants et originaux de William Friedkin. Agnes (Ashley Judd) est devenue alcoolique depuis la disparition de son enfant. Elle est de plus persécutée par Jerry (Harry Connick Jr.), son ex-mari, qui lui rend visite régulièrement pour la brutaliser. Un soir, elle fait la connaissance de Peter (Michael Shannon), un ancien marine en fuite, persuadé d’avoir été la victime d’expériences lorsqu'il était dans l'armée. Leur rencontre vire au cauchemar quand ils remarquent autour d’eux la présence d’insectes minuscules. Leur équilibre mental commence alors à s’effondrer.<br />Le film souligne que la peur est une maladie contagieuse. Les surimpressions, dans la séquence où Agnes et Peter font l’amour, évoquent parfaitement l’imbrication de leur corps, qui déclenche le mécanisme de la terreur. Les premières piqûres apparaissent. La peau des personnages se couvre de crevasses sanguinolentes, où semblent proliférer les parasites. C’est l’acte sexuel, foyer de toutes les phobies virales, qui provoque la multiplication des aphides, invisibles à l’écran. La menace est fictive, mais Friedkin ajoute des inserts de larves grouillantes ou de gros insectes - procédé qu’il avait déjà utilisé dans <i>L’exorciste</i> (un visage effrayant apparaît dans un plan très bref lorsque Damien rêve de sa mère) - pour faire douter le public et accentuer la tension narrative. L’effet fonctionne à merveille et l’inquiétude s’imprègne durablement dans la rétine du spectateur. On remarque également une scène spectaculaire et particulièrement gore, où Peter s’arrache une dent sensée contenir des millions d’œufs. Le sang et la bave ne giclent pas gratuitement : les images soulignent la détermination du fugitif, prêt à tout pour se débarrasser des organismes qui le rongent.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">La psychose gagne lentement le couple. Tracy Letts, scénariste et auteur de la pièce dont le film est tiré, prend le temps d’exposer longuement la situation sociale désastreuse d’Agnes. Puis des grésillements se font entendre, bientôt suivis par des bruits d’hélicoptère - à moins qu’il ne s’agisse d’une hallucination sonore due aux pales du ventilateur accroché au plafond. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Après l’apparition des premiers signes, l’intrigue se resserre rapidement autour des amants. La construction de l’espace filmique renforce cette impression d’être pris au piège. <i>Bug</i> débute en effet par des plans généraux du motel, filmé en plongée. Friedkin réduit ensuite progressivement le périmètre d’évolution des personnages. Le bar lesbien où travaille Agnes et les alentours du motel n’apparaissent plus. On note quelques plans rapides d’extérieur, mais l’action se déroule de plus en plus entre les quatre murs de la maison. Le huis clos devient total dans la dernière partie du film. Les personnages restent enfermés dans leur citadelle et empêchent le livreur de pizza et Jerry d’y entrer. Le seul individu qui parvient à s’introduire dans leur antre aseptisé le regrettera amèrement.<br />Bug, à l’instar de <i>La nuit des morts vivants</i> ou de <i>Massacre à la tronçonneuse</i>, prétexte par ailleurs l’horreur pour dresser une critique sociétale et passer en revue les grandes peurs de notre temps : la théorie du complot, les expérimentations scientifiques douteuses, le danger des produits chimiques ou radioactifs, l’avènement du règne des machines. Même la pizza devient une menace pour l’intégrité du corps - allégorie plus ou moins volontaire de la malbouffe. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">C’est ce grand délire anxiogène que dénonce le scénario, ou plutôt cette tendance contemporaine à délirer allègrement sur le monde. Peter s’invente ainsi toutes sortes d’ennemis pour confirmer son conspirationnisme international. Il détient autant d’imagination que l’administration républicaine qui l’a envoyé combattre dans le Golfe, à la recherche d’armes de destruction massive… </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Pour le vétéran, le mal est inoculé par des corps étrangers – ici ce sont les insectes, ailleurs les immigrés – qui viennent sucer son sang. Sa partenaire accuse quant à elle la communauté lesbienne de l’enlèvement de son fils. L’autre devient la source du mal et son rejet témoigne du renforcement de la paranoïa dans les sociétés modernes. Le monologue final d’Agnes est sur ce point déroutant. Peter n’a même plus besoin de surenchérir. L’élève vient de dépasser le maître. Ensemble, ils se laissent emporter dans un tourbillon de folie destructrice. Rarement un film n’a dépeint avec tant de pertinence l’absurdité de la xénophobie, qui conquiert chaque jour davantage les territoires de la raison.</span></div>
<div style="min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>BUG</b><br /><b>Réalisation :</b> William Friedkin. <b>Scénario :</b> Tracy Letts. <b>Photographie :</b> Michael Grady. <b>Interprétation :</b> Ashley Judd, Harry Connick Jr., Lynn Collins, Michael Shannon. <b>Genre :</b> drame. <b>Origine :</b> Etats-Unis. <b>Durée :</b> 100 min. <b>Sortie française :</b> février 2007.</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-56366509087145502482007-02-25T21:33:00.002+01:002016-02-23T22:45:37.798+01:00The Great Ecstasy of Robert Carmichael<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicQewtWep6O4kvnbsdFMQki-s4-h4f_JcCbo9194fKT0qeUIwKXxXW9OUYgMW5npSbjIg2aQCRor4PEcWI1swvreGCwYv_h-alorX_OCn3XKyvPOixEWrRTg18YoqvKipu4p9LXQ/s1600/great-ecstasy-of-robert-carmichael.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="261" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicQewtWep6O4kvnbsdFMQki-s4-h4f_JcCbo9194fKT0qeUIwKXxXW9OUYgMW5npSbjIg2aQCRor4PEcWI1swvreGCwYv_h-alorX_OCn3XKyvPOixEWrRTg18YoqvKipu4p9LXQ/s400/great-ecstasy-of-robert-carmichael.jpg" width="400" /></a></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Dès les premiers plans, la musique souligne le caractère ambigu de Robert Carmichael : violoncelliste virtuose, drogué et criminel en devenir. Tout cela à la fois. L’utilisation des instruments à corde permet ainsi de décrire avec précision toutes les nuances psychologiques de l’adolescent. Le renfermement, la rage, la détresse. Dans une séquence dérangeante, Robert se masturbe. Une fois son plaisir tristement assouvi, il baisse la tête, en signe de renoncement. C’est à partir de ce geste que le drame se met en place.<br />
Les séquences alternent plusieurs portraits de famille d’une petite ville portuaire de Grande-Bretagne, touchée de plein fouet par la crise économique et le chômage. Une star de télé vient s’y installer avec sa belle épouse et sa Porsche, sans imaginer le moindre instant que leur présence puisse susciter rancœur et jalousie. Mais derrière la banalité du quotidien, se trame une tragédie qui mettra en lumière la face sombre de cette communauté, en apparence bien tranquille.<br />
Loin des films habituels sur la jeunesse en perdition, <i>The Great Ecstasy of Robert Carmichael</i> fait apparaitre une esthétique dépouillée. La mise en scène va à l’essentiel en allégeant volontairement le langage cinématographique. Les longs plans fixes montrent telle quelle la réalité sordide des protagonistes. Quelques travellings latéraux font quant à eux glisser le regard du spectateur sur les toxicomanes, qui ne suscitent aucun sentiment d’empathie. Thomas Clay, le réalisateur, met de côté le folklore et les rituels de la drogue – les trips ne sont ni réjouissants ni sordides, ils sont simplement montrés, sans recourir à la moindre dramatisation.<br />
Les images croisent plusieurs formes d’éducation. Alors que le père de Joe regarde la télé sans prêter la moindre attention à son fils, la mère de Robert le fait répéter, en vue de son premier concert. Elle ne l’abandonne pas à son sort, mais ne s’aperçoit pas que son enfant est à la dérive. L’adolescence est l’âge de tous les dangers, et nul parent, aussi dévoué soit-il, ne peut empêcher certains événements de se produire. Le professeur d’histoire, qui tente de développer chez ses élèves un embryon de bon sens, n’obtiendra pas plus de résultats. Les images d’archives (à un moment totalement improbable) sur la lutte des Britanniques durant la Seconde Guerre mondiale, affichent d'ailleurs ironiquement la faillite des valeurs et des idéaux incarnés par une nation qui s'est héroïquement dressée contre le IIIe Reich.<br />
Première épreuve pour le public : après avoir absorbé un cocktail de drogues, trois garçons s’enferment dans une pièce avec une copine de classe. Robert est trop défoncé pour les rejoindre. Tout se passe derrière la porte qui sépare le living-room et la chambre. C’est le cadrage qui permet à la séquence de fonctionner. La porte est là, fermée. C’est elle qui se trouve au centre de l’image. D’un côté Robert, qui est affalé dans un fauteuil ; de l’autre un jeune totalement détaché, qui mixe sur ses platines. On entend les hurlements off de la fille et on imagine sans difficulté le déroulement du viol collectif. La scène est insoutenable. Rarement un mur n’a caché si peu de choses. La tension narrative, à partir de là, ne cessera d'augmenter. <br />Robert Carmichael reste une énigme. Le cinéaste décrit admirablement le caractère incompréhensible du personnage, ainsi que sa violence intérieur, explosive, qui se manifeste à la fin du film. La scène, d'une horreur indescriptible, est filmée en plan d'ensemble. Le spectateur a l'impression d'assister à une pièce de théâtre macabre. Le procédé, loin de manifester une prise de distance, inclut au contraire le public dans un jeu de voyeurisme, qui révèle l'échec d'une société devenue spectatrice de son impuissance face aux monstres qu'elle engendre. </span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: right;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;">Aurélien Portelli</span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; min-height: 15px; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b></b><br /></span></div>
<div style="-webkit-text-stroke-color: rgb(0, 0, 0); -webkit-text-stroke-width: initial; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b>THE GREAT ECSTASY OF ROBERT CARMICHAEL</b><br />
<b>Réalisation :</b> Thomas Clay. <b>Scénario :</b> Thomas Clay, Joseph Lang. <b>Photographie :</b> Yorgos Arvanitis. <b>Interprétation :</b> Daniel Spencer, Ryan Winsley, Charles Mnene, Lesley Manville. <b>Durée :</b> 96 min. <b>Année :</b> 2006.</span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-80967044885338124302007-02-13T01:29:00.002+01:002016-02-24T13:36:02.403+01:00Buenos Aires 1977<div align="justify">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhZ8xXoaCdZNpmI0COVlD7Xtm3xBUjN67FUf6D2CMoG3Spb8iw8If5laA256Iv3-EU8o3y3hFBUMvgEsUS1Aca9g2xOYQaZcIDYC9nVROuZrWh2vluEWyR9W9l0LX64hN0FeOoLUw/s1600-h/BA1977.jpg"><img alt="" border="0" height="215" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5030809672492220786" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhZ8xXoaCdZNpmI0COVlD7Xtm3xBUjN67FUf6D2CMoG3Spb8iw8If5laA256Iv3-EU8o3y3hFBUMvgEsUS1Aca9g2xOYQaZcIDYC9nVROuZrWh2vluEWyR9W9l0LX64hN0FeOoLUw/s400/BA1977.jpg" style="float: left; margin: 0px 10px 10px 0px;" width="400" /></a><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Claudio Tamburrini (Rodrigo De la Serna) est suspecté d’être un subversif. Il est enlevé puis séquestré de novembre 1977 à mars 1978 par la police argentine. Tout comme les autres détenus de la maison Séré, il est torturé par les agents de la junte militaire, qui ont recours aux méthodes de persuasion les plus ignobles.</span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Buenos Aires 1977</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> débute par l’interrogatoire de la mère de Claudio, qui est allongée dans son salon. Les policiers sont hors-champ. Le pouvoir coercitif, tel que l’exprime Adrián Caetano, se manifeste d’abord par une voix, qui fulmine des injures et des menaces. Les tremblements de la caméra symbolisent la déstabilisation du personnage, qui voit son quotidien vaciller en quelques instants. Les flics sont en représentation. Lunettes de soleil, vêtements décontractés et gros calibres. L’un d’eux donne un coup dans la porte en pointant son pistolet, alors qu’il sait pertinemment que ses collègues sont déjà à l’intérieur. La pantomime, bien que grotesque, fonctionne à merveille. La femme est terrorisée, les arrestations vont bon train et la répression menace tout le pays.<br />Le cauchemar commence véritablement dans le centre de détention. Les prisonniers, menottés et enfermés dans une pièce, ne savent jamais ce que leurs tortionnaires leur réservent. A tout moment, ils peuvent entrer pour les brutaliser sans raison. Les paroles rassurantes et les concessions allègent parfois le calvaire des protagonistes. On leur accorde par exemple la grâce de manger avec des cuillères. Mais la bonté des gardiens est un autre stratagème pour affirmer leur toute puissance. Dans une dictature, les bourreaux ne sont jamais à court d’humiliations. Certaines séquences rappellent d’ailleurs la société totalitaire évoquée par Orwell dans <i>1984</i>. Les victimes, après plusieurs mois d’incarcération, sont méconnaissables. Les geôliers leur tendent une glace pour qu’ils prennent conscience de leur décrépitude. Anéantir l’esprit en brisant le corps, c’est rappeler comment O’Brien est venu à bout de la résistance de Winston : </span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">« Maintenant, tournez-vous et regardez-vous dans le miroir. Voyez-vous cette chose en face de vous ? C’est le dernier homme »</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> (cf. </span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">1984</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">, Editions Gallimard, p. 326).<br />Caetano exclut souvent du champ le matraquage des prisonniers. La peur repose moins sur la monstration de la torture que sur ses effets psychologiques. Le réalisateur préfère également filmer les contusions plutôt que de s’attarder sur les coups. Mais quelques bonnes idées et une interprétation convaincante (on note en particulier la performance de R. De la Serna), ne suffisent pas à nourrir la narration, qui s’épuise rapidement. Le scénario ne contient aucun rebondissement (hormis la fuite) et se contente de décrire laborieusement l’expérience des personnages. Malgré une bande-son oppressante (bruits de pas, hurlements), la terreur s’étiole peu à peu à cause de l'aspect répétitif des situations. On est bien loin de <b><a href="http://mecaniquefilmique.blogspot.com/2006/06/lhritage-de-sal-ou-les-120-jours-de.html">Salo ou les 120 journées de Sodome</a></b>,<i> </i></span><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">où les formes de la barbarie sont renouvelées dans chaque séquence.<br />L’objectif de Caetano est de montrer que des actes impensables ont été commis dans une banale villa de Buenos Aires. Pourtant, celle-ci n’est jamais filmée comme une battisse ordinaire. Les décadrages et les plans en contre-plongée de la façade rappellent davantage la maison d’Amityville et non une modeste demeure bourgeoise. Que des maléfices soient perpétrés dans un tel lieu n’a rien d’étonnant. Par conséquent, les références au cinéma d’horreur – bien qu’utiles pour signifier le chaos et l’effroi – ne servent pas les intentions du cinéaste.<br />Autre regret, le titre original du film, </span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Crónica de una fuga</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">, dévoile le déroulement de l’intrigue. L’attente du spectateur, lassé par une succession de scènes fadasses, sera certainement déçue. Une fenêtre s’ouvre et l’évasion se déroule sans accroc, lors d’une nuit d’orage. La suite ne ménage pas plus de surprises. Caetano a sans doute voulu respecter à la lettre le témoignage des survivants. Faux problème du film à caractère historique. Un réalisateur, contrairement à un historien, n’est pas obligé de produire un récit d’événements vrais. Il peut réinventer les faits qu’il souhaite relater, et offrir ainsi de nouveaux potentiels narratifs à sa reconstitution du passé. Marc Ferro l’a jadis démontré dans son étude sur </span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Le cuirassé Potemkine</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">.<br />Le film a tout de même le mérite de raconter les exactions du Gouvernement argentin entre 1976 et 1978 (peu relatées dans les manuels scolaires), sans pour autant s’égarer dans un exposé hagiographique. Face aux méthodes expéditives de la police, certaines victimes n’hésitent pas à dénoncer des innocents pour protéger leurs amis guérilleros. Le principal intérêt de </span><i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Buenos Aires 1977</span></i><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> est donc de montrer que les personnages torturés sont victimes, mais jamais des héros. </span></span></span></div>
<div align="right">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"><br /></span></span></span></div>
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<span style="font-size: small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Aurélien Portelli</span><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> </span></span></span></div>
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<br />
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: "times" , "times new roman" , serif;"><b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">AIRES 1977 (CRONICA DE UNA FUGA)<br />Réalisation : </span></b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Adrián Caetano. </span><b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Interprétation :</span></b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> Rodrigo de la Serna, Pablo Echarri, Nazareno Casero. </span><b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Origine :</span></b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> Argentine.</span><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> </span><b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Durée :</span></b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> 1h42. </span><b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";">Année :</span></b><span class="Apple-style-span" style="font-family: "verdana";"> 2007.</span></span></span></div>
Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-80409974191909004842007-02-06T22:39:00.001+01:002009-11-16T00:32:59.100+01:00La laideur du monde selon Aronofsky<div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifAA5-xvljukAMZa11Zt_dlV2i7o7rCxF9oEriBJp8UjnpD84pBQctBulBGt4N4Jn-B7yWJ_mVrD58YBSVOTEqAWY21Glf9fdVF5xHm9sRUUip1fgqdcLy9keXdjZpre7Gmj-FfA/s1600-h/Aro+4.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5028201941700985586" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifAA5-xvljukAMZa11Zt_dlV2i7o7rCxF9oEriBJp8UjnpD84pBQctBulBGt4N4Jn-B7yWJ_mVrD58YBSVOTEqAWY21Glf9fdVF5xHm9sRUUip1fgqdcLy9keXdjZpre7Gmj-FfA/s400/Aro+4.jpg" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">L’œuvre de Darren Aronofsky, encore en pleine gestation, mérite un premier inventaire. Même si son dernier film a déçu une grande partie de la critique, on ne peut nier l’importance et la qualité de ses deux réalisations précédentes (je n’évoquerai pas sa participation au scénario de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Abîmes</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, oeuvre laborieuse et sans intérêt, où les personnages sont piégés dans un sous-marin hanté). Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> (1999), le premier long-métrage du réalisateur, Max Cohen (Sean Gullette) est un mathématicien qui tente de découvrir le code régulant les marchés boursiers ainsi que l’ensemble des phénomènes naturels. Ce film en noir et blanc s’inspire en grande partie de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Tetsuo : The Iron Man</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> (1987), de Shinya Tsukamoto. Le scénario de ce chef-d’œuvre est minimal : il montre les étapes de la transformation d’un homme en monstre mécanique, alors que la civilisation s’écroule autour de lui. Adepte d’un cinéma enragé, le cinéaste signe une œuvre emblématique de l’underground japonais des années 1980. Il tourne en 16 mm, adopte une approche abrupte - aussi bien du point de vue des images que de la bande-son (les dialogues sont presque inexistants et la musique industrielle assourdissante) - tout en expérimentant plusieurs effets novateurs, repris par Aronofsky dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. La photographie granuleuse, les décadrages et la vitesse de défilement des photogrammes, accélérée dans certains plans, rappellent le film de Tsukamoto. Autre caractéristique importante : une caméra est placée devant le visage de Max, tandis qu’un travelling arrière accompagne l’avancée du protagoniste dans le champ. Le déroulement de la narration épouse quant à elle les aléas des expériences du jeune homme. Par conséquent, le récit trépigne et s’égare à travers le jeu des énigmes, parfaitement intégrées dans la construction éclatée des séquences.<br />La variété des angles et la beauté des cadrages de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem for a Dream</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> (2001) sont encore plus saisissantes que dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. Harry Goldfarb (Jared Leto), sa petite amie Marion (Jennifer Connelly) et Tyrone (Marlon Wayans) sont des junkies qui multiplient les combines afin de se procurer leur dose quotidienne d’héroïne. Sara (Ellen Burstyn), la mère d’Harry, vit seule et reçoit une invitation pour participer à son émission favorite. Elle décide alors de perdre énormément de poids, pour rentrer dans sa belle robe rouge et épater tous les téléspectateurs. La mise en scène sophistiquée de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> se concentre, contrairement à </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, sur la destinée sordide de plusieurs personnages, qui se trouveront tous face à l’échec de leur propre rêve. Le traitement narratif est certes plus classique, mais n'en demeure pas moins fascinant.<br />Il en va tout autrement de The Fountain (2006), œuvre très décevante, qui amorce néanmoins un virage décisif dans le style de l’auteur. Hugh Jackman incarne trois personnages vivant à des époques différentes. Tomas est un explorateur du XVIe siècle qui part en pays maya à la recherche de la fontaine de jouvence. De nos jours, Tommy est un neurochirurgien qui essaie désespérément de guérir le cancer de son épouse Izzi (Rachel Weisz). Enfin, Tom a survécu dans un futur très lointain, et voyage à travers l’univers dans une bulle, espérant ressusciter la femme qu’il n’a pu sauver de la mort. Aronofsky abandonne la plupart des effets qui l’avaient auparavant rendu célèbre. Mais la complexité du montage et la préciosité des plans ne suffisent pas à donner de relief à ce drame alambiqué. L’émotion, si forte dans Pi ou Requiem, se tarie progressivement et finit par déserter le film, dont l'échec artistique doit être considéré comme une transition nécessaire dans l’œuvre du cinéaste.</span></div><div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi45hA32KGLSpwjYSGpYIRfFswoeRW8FdRXhtlZTLHRNxQYasD7nkB9f_N6r-WuTMVYLNRHHasP6nSlz1CbKf06aZSKxXTnGCmqB5Oo87mAugi_jbY_4dQsqcqb_Fe2IIPTyfI5-A/s1600-h/Aro+3.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5028556388172055346" style="FLOAT: right; MARGIN: 0px 0px 10px 10px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi45hA32KGLSpwjYSGpYIRfFswoeRW8FdRXhtlZTLHRNxQYasD7nkB9f_N6r-WuTMVYLNRHHasP6nSlz1CbKf06aZSKxXTnGCmqB5Oo87mAugi_jbY_4dQsqcqb_Fe2IIPTyfI5-A/s400/Aro+3.jpg" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">La perception du Monde et son interprétation appartiennent aux grandes questions posées par Aronofsky. Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, le jeu de Go représente une réduction de l’univers, tandis que la spirale des coquillages et des graphiques évoquent le mouvement fondamental de la nature. Max observe l’effet du vent dans les arbres et le défilement des chiffres de la bourse pour comprendre l’énigme qui l’obsède. Sa théorie repose sur trois axiomes : </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« Le langage de la nature est mathématique ; tout ce qui nous entoure peut être mis en équation ; toute représentation graphique d’une équation met en évidence une séquence – donc la nature est faite de séquences »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. La structure que Max recherche, et qui est sensée synthétiser l’essence numérique du réel, le conduit paradoxalement à se déconnecter de la réalité. Perdu dans ses calculs mathématiques, il fréquente seulement le professeur Sol Robeson (Mark Margolis), son mentor, avec lequel il peut parler de l’avancée de ses travaux. Hormis quelques rencontres qui l’agacent, il reste enfermé dans son appartement, où il se sent protégé d’autrui. L’omniprésence de la voix off accentue d’ailleurs la solitude volontaire du protagoniste. Les verrous, qu’il referme dans de nombreux plans, prouvent qu’il veut vivre en huis clos, afin de se consacrer uniquement à ses problèmes scientifiques. Max a ainsi très peu de contacts directs avec son entourage. Il préfère regarder ses voisins à travers le cadre déformant de son judas plutôt que de leur ouvrir la porte. Les personnages d’Aronofsky sont souvent des reclus qui perçoivent singulièrement leur environnement, sans toujours parvenir à le comprendre.<br />Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, l’utilisation de focales déformantes montre également que Harry et Tyrone ont une perception biaisée du réel lorsqu’ils se droguent. La télévision permet à Sara de s’évader de son quotidien. Le présentateur qu’elle admire semble provenir d’un univers imaginaire. Il annonce seulement des bonnes nouvelles à ses invités – qui répètent mécaniquement ses paroles – et leur prodigue des conseils alimentaires : </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« Pas de viande rouge pendant un mois ! »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. Partisan d’une vie saine et épanouie, il est en parfaite opposition avec les héroïnomanes du film, qui mènent une existence autodestructrice. Aronofsky dénonce ainsi la fausseté des propos du présentateur (qui anéantit progressivement le discernement des téléspectateurs) en le confrontant à la réalité sociale. La fonction narrative de la toxicomanie, en plus d’exprimer la déchéance humaine, est donc de démythifier le discours télévisé.<br />Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Tetsuo</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, le personnage regarde son téléviseur et se voit subitement en train de faire l’amour à sa compagne. Par ce transfert d’image, Tsukamoto dénonce la télévision, qui se substitut peu à peu à la vraie vie. Pour lui, la boîte vénérée dans les foyers est devenue le miroir obligé du Monde. Le reflet de sa laideur et de son impuissance. Sur ce point, </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> va encore plus loin que l’œuvre du cinéaste japonais. Sara imagine son double télévisuel surgir du poste en compagnie de la célébrité. Les deux individus se matérialisent dans son appartement, se moquent de sa décoration douteuse, des fissures du plafond et du corps de la pauvre femme, outragé par les amphétamines. Le public s’esclaffe en regardant cette misère, complètement bannie du monde féerique des émissions et des téléfilms. Aronofsky en profite d’ailleurs pour dévoiler la duplicité du « gentil » présentateur, révélée au grand jour lorsqu’il se retrouve de l’autre côté de l’écran. L’hallucination de Sara atteint son paroxysme lorsque les maquilleurs se ruent sur elle et que les techniciens transforment son appartement en plateau télé. L’assemblée défile ensuite en musique, transformant le spectacle en carnaval grotesque. L’humiliation de Sara est complète. Aronofsky rompt cependant l’ambiance festive lorsque le réfrigérateur, muni d’une rangée de dents acérées – ultime délire – s’avance vers le personnage dans le but de l’engloutir.<br />Pour Aronofsky, la question de l’intelligibilité du Monde ne se résume pas au regard du névrosé ou du marginal. Elle s’établit, dans son œuvre, à partir de grilles d’analyse qui dépendent aussi bien du champ scientifique que du domaine religieux. </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> ressemble formellement à une expérience mathématique. On a l’impression que le réalisateur, en multipliant les effets à outrance, cherche à épuiser le langage cinématographique, tout comme le protagoniste passe en revue les solutions pour élaborer sa fameuse théorie. Ainsi, les segments du film sont à l’image des combinaisons élaborées par Max : ils nous permettent d’accéder à une certaine compréhension de l’univers. A l’évidence, Aronofsky joue la carte de l’utopie : il est tout aussi peu probable de réaliser une quintessence du cinéma (traditionnel ou underground) que de vouloir mettre en équation la nature. Le réalisateur invoque également dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> une certaine tradition ésotérique. Max est poursuivi par une secte juive, persuadée que la séquence du mathématicien est capable de révéler le vrai nom de Dieu et de fournir la clef du jardin d’Eden. Aronofsky superpose science et croyance fantaisiste, en s’inspirant de la tradition kabbalistique et pythagoricienne.<br /></span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">The Fountain</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, qui débute par un extrait de la Genèse, pose des questions métaphysiques encore plus ambitieuses, en brassant une multitude de références religieuses. La prédominance de la lumière dorée symbolise la pureté, tandis que les plans en plongée expriment la transcendance. L’iconographie bouddhique épouse celle de la Crucifixion (évoquée par les travellings latéraux et horizontaux qui dessinent, selon le cinéaste, des mouvements en forme de croix).<br />Le scénario du film est fondé sur la transversalité des mythes mayas et judéo-chrétiens, qui abordent chacun à leur manière la question de l’immortalité. Tommy utilise, dans le cadre de ses expériences, un arbre d’Amérique du Sud aux propriétés étranges, qu’une légende associe à l’Arbre de vie de l’Ancien Testament. </span></div><div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgoLeMiyxmFtWHCZ3CjDmi4Y6hpDdumS5vdBseCkbo8a65AcsZPzHX-pkzHtzhTXw0xcBOaCiDnuAhGt0DFmtZ92gSFodlPDqnci9p_bbmQOV3OpW5c0vEBxNZ2dkGkvp1MKhyphenhyphen7Qw/s1600-h/Aro+5.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5035885487076074594" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgoLeMiyxmFtWHCZ3CjDmi4Y6hpDdumS5vdBseCkbo8a65AcsZPzHX-pkzHtzhTXw0xcBOaCiDnuAhGt0DFmtZ92gSFodlPDqnci9p_bbmQOV3OpW5c0vEBxNZ2dkGkvp1MKhyphenhyphen7Qw/s400/Aro+5.jpg" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">L’existence des personnages d'Aronofsky semble donc indubitablement liée à la quête qu’ils entreprennent. Celle-ci se construit toujours autour d’une recherche – de l’équation universelle, de la drogue, de la fontaine de jouvence – qui détermine la totalité de leur agir et de leur devenir. De ce fait, il n’est pas étonnant que l'oeuvre du cinéaste soit peuplée de monomaniaques en tout genre.<br />Max raconte en boucle la même histoire, qui explique l’origine de ses maux de crâne. Durant son enfance, il a fixé trop longtemps le soleil et a failli perdre la vue. Cet accident, qui revient plusieurs fois dans le récit, révèle les tendances obsessionnelles de Max, prêt à risquer sa santé pour assouvir sa curiosité. Tommy ressemble beaucoup au mathématicien. Tout comme lui, il est obnubilé par les expériences qu’il mène pour vaincre le cancer.<br />A l’inverse, les personnages de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> ne sont animés par aucun rêve grandiloquent. Leur motivation existentielle reste aussi insignifiante que leur quotidien. On est donc saisi par une véritable sensation de vertige quand on passe d’un film à l’autre. L'unique but de Sara est de passer à la télévision. Le film pose le problème fondamental de la volonté dans nos sociétés modernes. La mère d’Harry est incapable de suivre ses résolutions. Après l’échec d’un régime à base d’agrumes, ce sont les amphétamines qui lui permettent de maigrir. Pour souligner la continuité stylistique entre </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> et </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, Aronofsky insère le même type de séquence lorsque Max et Sara ingurgitent leurs médicaments (ouverture de la boite, versement des cachets dans la main, gros plan sur la bouche qui les avale), sans lesquels ils ne peuvent poursuivre leur objectif.<br />Harry, Marion et Tyrone ne pensent qu'à une chose : s’approvisionner régulièrement en héroïne. Seule compte la prochaine dose. Le drogué voit court ; le futur n’a pour lui aucune consistance. Les plans où Aronofsky accélère la vitesse de défilement des images illustrent parfaitement cette idée. Le temps qui sépare chaque nouvelle injection n’a pas de valeur en soi. Il s’agit pour le toxicomane de toujours réduire ces moments d’attente, au cours desquels ses besoins ne sont pas rassasiés. Les instants intermédiaires doivent s’écouler le plus furtivement possible.<br />Le thème du corps outragé occupe ainsi une place centrale dans les films d’Aronofsky. Max imagine qu’il perfore son crâne avec une perceuse. Il aimerait se mutiler pour faire cesser ses douleurs cérébrales. Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, c’est l’addiction qui est à l’origine de la détérioration de la chair. Le rituel de l’injection d’héroïne (ouverture du sachet, préparation de la mixture, absorption, dilatation des pupilles) est monté de la même manière que la séquence où Sara allume son téléviseur (prise de la télécommande, bouton power, apparition du présentateur). Mais entre les deux formes de drogue, c’est bien celle de la mère qui est la plus révoltante. La récurrence de ce simple geste d’allumer la télé permet au réalisateur de condamner une pratique aberrante et pourtant communément admise – contrairement à l’héroïne que toute personne de bon sens associe immédiatement à un poison. Sara, intoxiquée par les médicaments et la télévision, devient difforme, tandis que sa raison se disloque.<br />Dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">The Fountain</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, le massacre des Mayas, la flagellation et la torture sont autant de dégradations menaçant l’intégrité du corps. L’inquisiteur, éternel méchant du cinéma, est le réceptacle de tous les vices. Caricaturé à l’extrême, il représente une forme de cancer qui anéantit la Castille. Aronofsky ne se soucie guère, à l’évidence, d’une quelconque vérité historique. L’artiste est libre, contrairement à l’historien, de réinventer le passé. Encore faut-il que ses transformations de l’histoire produisent un discours pertinent. Et sur ce point, il faut bien avouer que la représentation de la couronne castillane est risible. C’est à la demande des Rois catholiques que Torquemada est devenu inquisiteur général. Celui-ci, outre sa cruauté (qu’il faut évidemment replacer dans son contexte), était nécessaire pour assurer l’unité religieuse de l’Espagne, royaume hétérogène composé de plusieurs entités politiques. Le film continue quant à lui de colporter les imaginaires habituels. Certes, The fountain n’est pas une reconstitution historique, mais cela n’empêchait pas Aronofsky de sombrer dans les lieux communs. Il est grand temps que les metteurs en scène perdent leurs œillères et qu’ils abandonnent leur vision simpliste du pouvoir inquisitoriale, inhumain à nos yeux mais légitime en son temps. </span></div><div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTv87DjD13R3clHN9BEw7Q5SiUVVUm6Q7d3elLX79-oSzIR4JezGRRTNzA03WQOv9xsEIkdf-Q1AedmaK29pUf1lYZJJ5s8cG6O9vOGq74pSWzFOd139FKKRBzQv_CCUONG1oBlw/s1600-h/Aro+2.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5035885955227509874" style="FLOAT: right; MARGIN: 0px 0px 10px 10px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTv87DjD13R3clHN9BEw7Q5SiUVVUm6Q7d3elLX79-oSzIR4JezGRRTNzA03WQOv9xsEIkdf-Q1AedmaK29pUf1lYZJJ5s8cG6O9vOGq74pSWzFOd139FKKRBzQv_CCUONG1oBlw/s400/Aro+2.jpg" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Les traumatismes corporels ont finalement raison du psychisme des personnages d'Aronofsky, qui dépérissent encore plus rapidement lorsqu’ils tombent entre les mains de la médecine. Dans les films d'Aronofsky, les docteurs et les scientifiques considèrent le corps du patient comme une chose malade qu’ils tentent froidement de soigner. Tommy oublie que sa femme a besoin avant tout de sa présence. Pour lui, elle n’est plus cette épouse qu’il faut chérir, mais un objet qu’il doit impérativement guérir. Ce n’est pas le bien-être d’Izzi qui l’obsède, mais le cancer qui la ronge de l’intérieur. </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> présente une critique de la médecine encore plus virulente. Les prescriptions du nutritionniste sont scandaleuses. L’aspect du cabinet, qui rappelle un mauvais décor de téléfilm, semble d’ailleurs aussi improbable que la compétence du docteur. Ainsi, l’unique porte de la pièce s’ouvre sur un couloir bleu, qui n’aboutit nul part. Sara se retrouve dans un lieu coupé de la réalité, où toutes les folies médicamentaires sont possibles. La déontologie d'Arnold (Sean Gullette), le psychothérapeute de Marion, est tout aussi douteuse. Il désire seulement coucher avec elle, et a abandonné depuis longtemps tout espoir de la désintoxiquer. Le protagoniste adopte le même comportement que les dealers : il ne voit en Marion qu’un jouet sexuel pour satisfaire sa libido.<br />Sara est ligotée par des infirmiers, qui la traitent sans ménagement, avant de lui faire subir une thérapie aux électrochocs. C’est ainsi que les médecins espèrent remettre en état cette « mécanique » défectueuse, que nul ne songe à considérer avec humanité.<br />Harry est également obligé de se rendre dans un hôpital. Son bras s’est infecté et le fait atrocement souffrir. Mais lorsque l’urgentiste s’aperçoit que le jeune homme est un drogué, il refuse de le soigner et appelle la police. Le toxicomane est perçu comme un délinquant et non comme un malade. L’autorité pénitentiaire n’accorde pas plus de considération aux détenus. En prison, la visite médicale n’est qu’un simulacre : le docteur passe dans les rangs en demandant aux détenus : </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« Tu me vois bien ? Tu m’entends bien ? Apte au travail ! »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. Conséquence : Harry n’est pas soigné à temps et son membre gangréneux est finalement amputé. Le corps, déjà empoisonné par la drogue, subit un outrage supplémentaire, cette fois-ci irréversible.<br /></span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Requiem</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> et </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">The Fountain</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> expriment une même indécence face à la maladie et la mort. Tommy considère celle-ci comme un mal dont on peu guérir. Nouvelle utopie, nouveau délire. La mort est refusée et évacuée dans les marges de l’intolérable. Elle correspond à un processus contre-nature, qu’il s’agit d’éradiquer. La solution se trouve dans l’Arbre de vie. En goûtant son écorce et en buvant sa sève, l’homme détruit la mort et rétablit le rapport originel qui le relie à Dieu. Le Mal est vaincu, la communion divine ouvre les portes de l’immortalité. Tommy utilise les extraits de l’arbre pour mener à bien ses recherches. La science et les textes sacrés s’épousent une fois de plus, comme dans </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Pi</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">.<br />Pour finir,</span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> The Fountain</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> présente un modèle biologique totalement différent par rapport à </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Tetsuo</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. Dans ce film, la chair et le métal s’unissent pour donner naissance à une nouvelle forme de vie semi organique ; phénomène qui rappelle dans un sens les propos de Gilles Deleuze : </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« Les forces dans l’homme entrent en rapport avec des forces du dehors, celles du silicium qui prend sa revanche sur le carbone, celles de composants génétiques qui prennent leur revanche sur l’organisme »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> (cf. « Sur la mort de l’homme et le surhomme », in </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Foucault</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, Editions de Minuit, p. 140). Aronofsky réutilise le procédé de Tsukamoto, mais propose cette fois une fusion entre l’homme et le végétal. Tommy plante un morceau d’écorce dans la terre où repose Izzi. Un arbre pousse, dans lequel se réincarne la jeune femme. Aronofsky est à ce moment du film très proche de la pensée spinoziste : en mourrant, les parties qui caractérisent l’homme entrent dans une nouvelle série de rapports extrinsèques. L’essence d’Izzi n’est pas détruite et continue de subsister dans l’univers. L’éternité que découvre Tom à la fin de son voyage cosmique constitue ainsi une solution à son immortalité, fardeau qui lui était devenu insupportable après des siècles d’existence. </span></div><div align="justify"><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana, fantasy;"><br /></span></div><div align="right"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Aurélien Portelli</span></strong></div><div align="justify"><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana, fantasy;"><span class="Apple-style-span" style="font-size: large;"><b><br /></b></span></span></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-1149603217956838092007-01-31T01:28:00.001+01:002009-11-13T23:51:48.318+01:00Un ovni nommé Bubble<div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgeVsUaNjvXQeLo8pjENiWNfnnb2uZ1Pso_b6FLAhGwurfdzM0oaXRT-aK07DSqEEqV5qDJpjarX8J9R6UO39x5c4IzLaEYcp-_bMuC6jS0sGfBpv8WxyMnsRalmsY_kz33oLZoKQ/s1600-h/Bubble.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5021946071722414434" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgeVsUaNjvXQeLo8pjENiWNfnnb2uZ1Pso_b6FLAhGwurfdzM0oaXRT-aK07DSqEEqV5qDJpjarX8J9R6UO39x5c4IzLaEYcp-_bMuC6jS0sGfBpv8WxyMnsRalmsY_kz33oLZoKQ/s400/Bubble.jpg" border="0" /></a><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> est un long-métrage de 73 minutes seulement. Durée peu commune mais suffisante pour développer une histoire d’une étonnante simplicité. Martha (Debbie Doebereiner) et Kyle (Dustin Ashley) sont employés dans une usine de fabrication de poupées. La différence d’âge qui sépare la quadragénaire et le jeune homme ne les empêche pas d’entretenir une sincère amitié. Mais l’arrivée de Rose (Misty Wilkins), une jeune mère célibataire, rompt l’exclusivité de leur relation. Un matin, la police découvre le corps de Rose étendue chez elle. Elle a été étranglée pendant la nuit.<br />La bande-annonce énigmatique de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> promettait énormément. Une succession de plans, accompagnés par une musique espiègle, montrait les différents stades de confection des jouets en plastique. Le film dépasse toutes les espérances. Il faut dire que le travail épuré de Steven Soderbergh est fascinant. Sa mise en scène sert admirablement le minimalisme du scénario. On ne relève aucun plan inutile ni aucune fausse note, et on n’a de cesse, durant la projection, d’admirer la simplicité de la photographie, dirigée par le réalisateur lui-même.<br />La précision des cadrages et la qualité du découpage du film laisseront de nombreux cinéphiles rêveurs. Pour évoquer la réalité ouvrière du Midwest, Soderbergh privilégie les plans fixes et ne recourt que très rarement à des panoramiques. Les travellings sont quant à eux bannis. L’échelle de plans et les changements d’axes se répètent souvent dans un ordre similaire (la séquence où la mère de Kyle annonce à Martha la mort de Rose est sur ce point éloquente). Le langage cinématographique est ainsi réduit au strict nécessaire, afin de retranscrire avec précision la simplicité des protagonistes. Cette approche, que l’on pourrait qualifier en partie de « néo-réaliste », met le doigt sur une Amérique profonde, méconnue en dehors de ses frontières et évidemment peu médiatisée par les studios. Le traitement narratif nous éloigne par conséquent des représentations traditionnelles produites par l’industrie hollywoodienne, et prouve une fois de plus l’hétérogénéité du cinéma américain.<br />Les variations chromatiques sont saisissantes. Le jaune de l’usine, le rouge du bar, le bleu des moments de solitude de Martha. Le choix des couleurs reste énigmatique – hormis peut-être la teinte écarlate employée durant la nuit du meurtre, bien qu’aucune goutte de sang ne soit versée. Soderbergh filme peut-être simplement les lieux d’après sa manière de les percevoir. La fabrique est donc jaune parce que le réalisateur la voit en jaune. La présence de certaines couleurs ne doit donc pas faire tomber le spectateur dans un symbolisme convenu.<br />L’immobilité de la caméra illustre l’encrage des personnages dans cette petite ville d’anonymes – le film s’ouvre d’ailleurs sur l’image d’une pelleteuse qui creuse la terre – qui semblent vivre dans une bulle hermétique à tout progrès économique. Il n’est donc pas étonnant de voir que chacune des familles portée à l’écran semble touchée par des problèmes similaires. Le chômage, l’ennui, le confinement social.<br />Le film exprime une crise multiforme : l’exploitation salariale, l’habitat rudimentaire, l’interruption précoce de la scolarité ou encore la faiblesse du pouvoir d’achat de la classe ouvrière. Le travail de Martha, Kyle et Rose est aussi rébarbatif que minutieux. Les nombreux plans qui décrivent la fabrication des poupées, par-delà leur portée documentaire, sont oppressants. Les têtes gonflées, les yeux peints, les perruques miniatures témoignent d’une esthétique assez glauque, qui n’illustre jamais l’univers merveilleux de l’enfance, mais plutôt l’aliénation de l’ouvrier américain.<br />La bande musicale se limite à une guitare acoustique, et semble résumer l’aridité de l’univers dans lequel évoluent les personnages. Le resserrement du cadrage autour des trois protagonistes lorsqu’ils déjeunent donne une forte impression d’isolement. Malgré les services rendus et les petites sociabilités, </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> décrit un désert social où les individus ne partagent que la précarité de leur condition. La rareté des dialogues souligne d’ailleurs la pauvreté de leurs échanges : hormis quelques problèmes quotidiens, les personnages n’ont absolument rien à se raconter.<br />La direction des acteurs est sublime. Soderbergh a choisi des non-professionnels qu’il dirige avec une précision qui exclut une improvisation trop prononcée. L’interprétation des personnages n’en est pas moins subtile. Il faut admirer avec quelle sobriété audacieuse ces derniers apprennent la mort de Rose. Le spectateur est même dérangé par le détachement de la communauté face à ce meurtre. Pourtant, la réaction des protagonistes est logique. Elle est conforme à la nature de leurs relations. On remarquerait même un certain cynisme de la part de Soderbergh, face à l’apathie troublante du père de Martha lorsque l’inspecteur lui rend visite. Le vieil homme réagit à peine à la nouvelle que lui apprend le policier. Mais le dernier plan de la séquence trahit son émotion : ses yeux se perdent dans le vide et exprime son indicible chagrin.<br />Si la valeur sociologique de </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> ne fait aucun doute, le traitement de l’intrigue policière est tout aussi réussi. L’enquête est d’une sobriété remarquable. Soderbergh et sa scénariste Coleman Hough renouvellent un genre en s’éloignant des pistes maintes fois balisées. Ce n’est plus le nombre de rebondissements ou leur originalité qui rythme la narration, mais l’absence quasi-totale des codes constitutifs du drame criminel.<br />La fin alternative (présentée dans les bonus du DVD) apporte une nouvelle portée au film et semble moins pertinente que l’originale. On apprend que l’assassin a une tumeur au cerveau, pirouette scénaristique qui expliquerait son geste et son amnésie. La thèse de la folie diminue la teneur sociale du meurtre, dont les raisons ne résultent plus des conséquences alarmantes des conditions de vie et de la fragilité émotionnelle du personnage. On préfèrera donc la version initiale, plus ordinaire, qui cadre beaucoup mieux avec le propos de l’œuvre.<br /></span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> dépasse également le cadre du film social, en apportant un regard neuf sur la fragilité d’une amitié. Martha est blessée de voir Kyle se rapprocher naturellement de Rose. Elle n’apprécie pas sa nouvelle collègue, qu’elle juge arrogante et intéressée. Celle-ci est également trop fantaisiste à son goût. La jeune femme ose se délasser en prenant un bain dans le jacuzzi de ses employeurs et ne souhaite pas terminer sa vie dans cette ville. Rose rêve d’un ailleurs, qui lui permettra de fuir la pauvreté qui l’entoure, contrairement à Martha qui doit s’occuper de son père et reste confinée dans sa médiocrité.<br />Soderbergh ne tente à aucun moment de donner une dimension plus élevée aux personnages ou aux événements. C’est la grande force du film. Le cinéaste n’adopte pas un regard transcendantal pour observer ces existences insignifiantes (simplicité des sentiments, banalité des conversations, monotonie du quotidien), fuyant ainsi toute tentative de magnifier la réalité des prolétaires. Il n’y a pas de doute, </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Bubble</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> est bien une réussite totale.<br /></span></div><div align="right"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Aurélien Portelli</span></strong></div><div align="justify"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">BUBBLE<br />Réalisation :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Steven Soderbergh.</span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Interprétation : </span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Debbie Doebereiner, Dustin Ashley, Misty Wilkins. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Origine :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Etats-Unis. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Durée :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> 1h13. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Année :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> 2006.</span></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-77527334289858892242007-01-27T02:58:00.003+01:002009-11-15T21:44:41.250+01:00La classe moyenne en perdition (Hooligans)<div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiPeqylWzVmFzycsVhrITOrVwL-3k1y0DL5pHcRbgt1nXoOtnn2VQkYkWF5PsDt0w3fkyu42WeQaYOmn38arTcsDfSAFF9Zr98JpbrjwWpR7aJZq7cx0Kp6wG5r85HSAik07y7Fvg/s1600-h/Hooligans.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5024523939266614338" style="margin: 0px 10px 10px 0px; float: left;" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiPeqylWzVmFzycsVhrITOrVwL-3k1y0DL5pHcRbgt1nXoOtnn2VQkYkWF5PsDt0w3fkyu42WeQaYOmn38arTcsDfSAFF9Zr98JpbrjwWpR7aJZq7cx0Kp6wG5r85HSAik07y7Fvg/s400/Hooligans.jpg" border="0" /></a><em style="font-family:verdana;"><span class="Apple-style-span">Hooligans</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, premier long-métrage de Lexi Alexander, s’inscrit dans un double rapport. La brique et la bière. Le décor urbain londonien et un mode de vie violant tournant autour de la picole. Le scénario repose sur cette dialectique. Un Américain plein d’avenir se retrouve un jour expulsé d’Harvard à la place de son voisin cocaïnomane. Dépité, il rejoint sa sœur à Londres et commence à fréquenter son beau-frère, le chef d’une bande de supporters bagarreurs. Le mouton se retrouve au milieu des loups et attrape la rage à son tour.<br />Le plus dramatique reste sans doute que les individus évoqués ne sont pas dans une situation précaire. Chacun d’eux à un boulot et des responsabilités. L’échec social n’est donc pas responsable de leur comportement du week-end. Il s’agit davantage d’une crise d’identité – assez dramatique – qui touche de plein fouet ces marginaux issus de la classe moyenne.<br />Les casseurs, en plus de carburer à la bibine et aux vannes vaseuses, sont des castagneurs asexués. Les plans où on les voit en compagnie de femmes sont rares. Les sociabilités des protagonistes, essentiellement masculines, les conduisent dès lors à afficher constamment une homophobie ordurière. Histoire d’affirmer leur masculinité. Castagne et amitié virile. Les psychanalystes auraient de quoi faire avec de tels spécimens.<br />La réalisatrice se débarrasse rapidement de l’aspect informatif concernant les clubs de hooligans. Elle évoque lapidairement la fierté morale, le fanatisme sportif et la xénophobie – les trois piliers de leur communauté. Alexander a raison de ne pas s’attarder, vu l'indigence des principes et des idées de ces pauvres gars. Elle préfère judicieusement insister sur les relations humaines (évidemment violentes) qui s’établissent entre les personnages et les groupes rivaux.<br />Le scénario, fort convenable, est porté par une mise en scène qui manque indéniablement de relief. La photographie est trop lissée, et le cinéaste tombe bien vite dans le drame destiné à toute la famille (et cela malgré l’interdiction abusive pour les moins de seize ans). Un tel sujet aurait mérité des choix plus audacieux. Citons les séquences de bagarre par exemple. Les coups de poings pleuvent sous une musique fashion, tandis que les changements d’axes et de cadrages ne suffisent pas à rompre l’aspect conventionnel de ces scènes, sans grande inventivité. Une approche brutaliste semblait être plus adéquate pour peindre le portrait de ces hordes beuglantes, véritable honte de notre époque. </span></div><div align="right" style="font-family:verdana;"><span class="Apple-style-span"><b><br /></b></span></div><div align="right" style="font-family:verdana;"><strong><span class="Apple-style-span">Aurélien Portelli</span></strong></div><div align="justify" style="font-family:verdana;"><span class="Apple-style-span"><strong></strong></span></div><div align="justify" style="font-family:verdana;"><span class="Apple-style-span"><b><br /></b></span></div><div align="justify" style="font-family:verdana;"><strong><span class="Apple-style-span">HOOLIGANS<br />Réalisation :</span></strong><span class="Apple-style-span"> Lexi Alexander. </span><strong><span class="Apple-style-span">Scénario :</span></strong><span class="Apple-style-span"> Lexi Alexander, Dougie Brimson, Josh Shelov. </span><strong><span class="Apple-style-span">Photographie : </span></strong><span class="Apple-style-span">Alexander Buono. </span><strong><span class="Apple-style-span">Interprétation :</span></strong><span class="Apple-style-span"> Elijah Wood, Charlie Hunnam, Claire Forlani, Terence Jay.</span><strong><span class="Apple-style-span"> Origine :</span></strong><span class="Apple-style-span"> Grande-Bretagne/Etats-Unis. </span><strong><span class="Apple-style-span">Durée :</span></strong><span class="Apple-style-span"> 110 min.</span><strong><span class="Apple-style-span"> Année :</span></strong><span class="Apple-style-span"> 2006.</span></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-25152986663877990672007-01-23T12:41:00.001+01:002009-11-13T23:28:03.356+01:00Les Brigades du Tigre<div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAuzHGJ8EHe-f_FDNgUaPKLq3z53sL3aWENZxfi5uB8exmpGArIKQtj4fr4RNIo8_i1-a0PFHFJEZ4ADEM8IKphcvfU0YY2KwoQs06FOxcKKClnlaY8YEem-XV8soeUSXihbVu2g/s1600-h/Tigre.jpg"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5023192430685377474" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAuzHGJ8EHe-f_FDNgUaPKLq3z53sL3aWENZxfi5uB8exmpGArIKQtj4fr4RNIo8_i1-a0PFHFJEZ4ADEM8IKphcvfU0YY2KwoQs06FOxcKKClnlaY8YEem-XV8soeUSXihbVu2g/s400/Tigre.jpg" border="0" /></a><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Les Brigades du Tigre</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, adaptation de la célèbre série télévisée diffusée à partir de 1974 sur Antenne 2, évoque les aventures de la première Brigade mobile, créée à la fin de la Belle Epoque par Clemenceau, alors ministre de l’Intérieur. Le film aborde ainsi les débuts de la police moderne, confrontée à un banditisme de plus en plus sophistiqué.<br />D’emblée, le scénario rencontre d’énormes difficultés à exprimer cette modernisation. Le film repose trop sur l’étonnement du spectateur, amusé de découvrir les curiosités des années 1910 : le développement du cinématographe, l’utilisation des automobiles par les brigands et les policiers, l’invention des </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« ménottes »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> (dont les protagonistes ne prédisent aucun avenir), etc. Au-delà de cette « gadgetisation », le film ne parvient à donner aucun relief aux péripéties. La dimension criminelle de Bonnot est escamotée dans la première partie, tandis que la seconde s’égare dans une intrigue politique sans se donner les moyens de dépasser la surface des événements. On est rassuré. Les scandales financiers de niveau international ne sont pas nouveaux ; ils existaient déjà avant la Grande Guerre. Le simplisme de l’intrigue n’étonnera d’ailleurs personne, vu le désintérêt actuel du public pour de véritables sujets politiques, que nul cinéaste n’ose désormais traiter en profondeur.<br /></span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Les Brigades du Tigre</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> s’appuie donc sur des ressorts scénaristiques bien connus : concurrence entre les services administratifs, corruption des puissants, intégrité des petits. Le Préfet et le Prince sont des saligauds prêts à déclancher une guerre pour s’enrichir, alors que l’inspecteur reste un honnête épargnant. Certes, le récit manque cruellement d’audace, mais c’est surtout la mise en scène – trop plate – qui demeure la principale fautive.<br />La construction du film ne parvient pas à soutenir la tension dramatique, qui s’étiole progressivement dans sa seconde partie. La direction d’acteurs, parfaitement mollassonne (l’interprétation colorée d’Edouard Baer reste sans doute la plus appréciable), achève cette oeuvre que l’on retiendra seulement pour ses irrésistibles effets soporifiques. Les nostalgiques, quant à eux, se consoleront en écoutant le célèbre thème de la série télévisée, qui a été intégrée à la bande-son. Maigre atout pour cette adaptation qui bénéficiait pourtant d’un potentiel narratif incontestable. </span></div><div align="right"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Aurélien Portelli</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> </span></div><div align="justify"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">LES BRIGADES DU TIGRE</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"><br /></span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Réalisation :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Jérôme Cornuau. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Scénario :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Xavier Dorison, Fabien Nury, Jérôme Cornuau. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Photographie :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Stéphane Cami. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Interprétation :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Clovis Cornillac, Diane Kruger, Edouard Baer, Olivier Gourmet, Stefano Accorsi. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Origine :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> France. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Année :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> 2006. </span><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Durée :</span></strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> 125 min.</span></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-41585333250435853072007-01-08T23:01:00.001+01:002009-11-15T22:35:14.186+01:00Respiro : rapports de force et modernité sociale à Lampedusa<div align="justify"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5017788577014298994" style="margin: 0px 10px 10px 0px; float: left;" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjtsEuLrEWk7GjXtecdqU2Wi3pUPJxYqNyZP6ns3wHT21CSNU_PX8P1R8Qs1CaWcqYGRqmJ1zhpCZddo-JOjmrogTJ4lYoG8MP5sHeiNz5-gyO-3fW_-Cu-_n4qhydIsRS5Ck9kdw/s400/Respiro+1.JPG" border="0" /></div><div align="justify"></div><div style="font-family: verdana;" align="justify">Respiro est un long métrage de 90 minutes écrit et réalisé par Emmanuele Crialese. Coproduction italo-française, le film a remporté au Festival de Cannes de 2002 le Grand Prix de la Semaine Internationale de la Critique, le Prix du Public et le Prix de la Jeune Critique. L’histoire se déroule de nos jours, pendant l’été, dans un village de pêcheurs à Lampedusa, île méditerranéenne située au large de la Sicile. Valeria Golino interprète le rôle de Grazia, mère de Marinella (Veronica d’Agostino), Pasquale (Francesco Casisa) et Filippo (Filippo Pucillo). Rejetée par son entourage, incomprise par Pietro (Vincente Amato), son époux, elle supporte difficilement les mentalités communautaires, et est sujette à de fréquentes crises nerveuses.<br />Décrivant les liens de sociabilité d’un microcosme insulaire, cette fiction cinématographique dépeint une réalité sociale conflictuelle. Le regard posé par le cinéaste permet d’exposer la complexité des enjeux individuels lorsque ceux-ci sont intégrés à une stratégie communautaire. Ce type d’approche, non seulement accroît le champ d’observation des sciences sociales, mais permet d’enrichir leurs modalités d’analyse.<br />Le récit filmique produit une série de signes interprétatifs. Sa construction résulte de la synthèse d’une multiplicité d’éléments qui compose la réalité sociale. En mettant au jour la structure et la composition d’un film, la filmologie peut, par la même occasion, offrir des outils sociologiques en mesure d’appréhender finement la richesse des organisations humaines. En effet, selon Michel Serceau :<br />« Le cinéma est le produit d'une dialectique entre le réel et la fable qui travaille ce matériau. C'est pourquoi le cinéma est beaucoup plus qu'un effet et même un reflet de la réalité, mais une interprétation de la réalité, une lecture du visible »[1]<br />Le récit de Respiro expose une série de rapports de force qui résultent du jeu relationnel qu’entretient Grazia avec son entourage. Leur confrontation révèle l’existence de mécanismes de résistance qui s’exercent à l’encontre de la démarche moderniste du personnage principal. Il est dès lors possible de cerner, à partir de la réussite de son action (qui aboutit à la fin du film), un processus de modernisation sociale. L’altérité décrite dans le film devient de ce fait un facteur de modernité capable de reconfigurer l’équilibre sur lequel repose le fonctionnement de la communauté de pêcheurs.<span style="font-size:130%;"><strong><br /><br />Aspects de la réalisation</strong></span><br />L’idée motrice du récit filmique se fonde sur deux critères intrinsèquement liés : premièrement l’affirmation d’une individualité à l’intérieur d’une société insulaire ; secondement la nécessité de cette individualité pour assurer le bon fonctionnement de la communauté. Avant même d’entrer dans la salle de cinéma, le titre Respiro, sensibilise le spectateur potentiel à la thématique principale du film, narrant l’expérience d’une femme extravagante qui réussit à trouver un second souffle dans une société où elle risque l’asphyxie[2].<br />La courte bande-annonce, diffusée avant que le film ne fût à l’affiche, pouvait déjà cibler un certain type de public, amateur d’œuvres intimistes à petit budget. Les quinze plans sélectionnés ne nous renseignent pas sur le lieu de l’action ou le contenu de l’histoire. Ils insistent plutôt dans l’ensemble sur l’atmosphère maritime et conflictuelle qui en émane. Par exemple, nous voyons des enfants plonger dans la mer, une superbe femme se baigner à moitié nue, un garçon recevoir sur un bateau une gifle de la part de son père à cause du comportement de son épouse, ou un autre provoquer fièrement un carabinier. Curieusement, on ne trouve aucun fragment de bataille entre les bandes d’adolescents, alors que les spectateurs affectionnent généralement ce genre de séquence. Sans doute, l’équipe de production ne voulait pas que le film fût d’emblée assimilé à une énième Guerre des boutons (Yves Robert, 1962).<br />Le site officiel du film[3] permet par ailleurs de mieux comprendre ses enjeux spectatoriels. Il constitue aussi une bonne introduction pour pénétrer la matérialité filmique. L’interface, composée de neuf rubriques (accompagnées par la chanson que Grazia écoute sur son poste-cassette), est simple et conviviale. La stratégie marketing du site présente d’une façon cohérente les multiples qualités de Respiro, en exposant les nombreuses récompenses obtenues par le cinéaste, la carrière internationale de Valeria Golino, le bon accueil de la critique. Elle évoque également les thèmes porteurs du film, comme le caractère sauvage de Grazia, le drame de sa lutte, la profondeur psychologique des personnages secondaires, l’impétuosité des enfants, l’authenticité de la communauté des pêcheurs, l’exotisme méditerranéen de Lampedusa.<br />Le scénario est l’exacte transposition d’une légende lampedusienne, s’inspirant elle-même d’un fait réel[4]. Une mère excentrique, rejetée par les habitants de son village, disparut brusquement pour ne pas être placée dans un établissement spécialisé, loin des siens. La croyant morte, les villageois, pris de remords, en firent une sainte et prièrent pour son retour. La jeune femme réapparut et fut totalement acceptée par les villageois.<br />En reformulant cette histoire, le cinéaste, qui puise dans de nouvelles sources d’inspiration pour étoffer son récit, opère une réactualisation de la mémoire locale. Ayant pris connaissance de la fable, Crialese s’est imprégné, durant le casting, de la géographie et des modes de vie des habitants de Lampedusa, afin d’écrire le scénario. C’est en rencontrant Filippo, l’un des protagonistes du film, qu’il a décidé de tourner un documentaire sur lui[5]. Un certain nombre de séquences (celles où apparaissent les enfants) allaient en dépendre. A partir de ces éléments, Crialese a pu développer la psychologie des personnages adultes, s’inspirant de l’environnement communautaire et du quotidien des pêcheurs de l’île. Cette démarche explique la raison pour laquelle le récit nécessite, pour fonctionner, d’expliciter les différentes dynamiques animant le réseau social microcosmique.<br />Le film est composé de 531 plans. Nous pouvons diviser sa trame narrative en deux grandes parties. La première énonce au spectateur les étapes successives conduisant Grazia à s’enfuir ; la seconde sa disparition et les troubles que celle-ci engendre au sein de la communauté. Ces parties s’enchaînent à l’écran sans brutalité. Le récit passe de l’une à l’autre par l’intermédiaire d’une courte ellipse nocturne : avant de s’endormir, Filippo demande à sa mère de se coucher près de lui dans le plan 381 ; le jour se lève dans le plan 382, et nous découvrons Filippo dormant seul dans son lit. Grazia a pris la fuite.<br />Etudier les combinaisons de plans en unités segmentaires permet de disséquer l’articulation structurelle du récit. Nous avons défini à l’intérieur des deux parties dix-huit sur-segments. Ces types d’unités construisent le film, tout comme des chapitres représentent la structure d’un ouvrage. En outre, ils présentent des changements notables dans le déroulement de la narration.<br />Chaque sur-segment rassemble un certain nombre de segments qui ont pour fonction de rythmer l’action du récit[6]. Nous en avons répertorié quatre-vingt-trois contenant chacun une quantité variable de plans[7]. On remarque que la première partie, la plus longue du film, rassemble cinquante-quatre segments, tandis que la seconde, bien plus courte, en contient vingt-neuf[8]. L’action se focalise donc essentiellement sur l’exposition des événements amenant Grazia à quitter sa demeure.<br />Il est possible de localiser quatre étapes qui rythment cette succession à l’intérieur du récit[9]. La première (cf. sur-segment II) permet au spectateur de découvrir la fragilité émotionnelle de Grazia. Si un lien de proximité très fort l’unit à ses enfants, on ressent dans le segment 6 la présence d’un malaise. Le champ gauche du plan 37 est presque entièrement occupé par Pasquale qui a projeté Marinella contre le sol. Cependant, on aperçoit, au second plan à droite, Grazia qui tente de les séparer. N’y parvenant pas, elle renonce rapidement et sort du champ, en levant le bras et en baissant la tête pour signaler son exaspération. Cette impression est confirmée dans le segment 7, dans lequel Grazia choisit de s’isoler brusquement dans sa chambre pour évacuer sa tension nerveuse.<br />La seconde étape (cf. sur-segment III) montre un autre type de malaise, celui qui régit le couple Grazia/Pietro. Celle-ci se dénude presque entièrement, à la grande colère de ses deux fils, et se baigne avec eux dans la mer (cf. segment 13). Mais ils doivent sortir rapidement de l’eau, car leur père les aperçoit depuis son bateau de pêche. Dans le segment 17, Pietro, fortement contrarié, punit Grazia (qui ne comprend pas sa faute) en ordonnant à Pasquale de la ramener immédiatement à la maison.<br />La fragilité psychologique de Grazia est véritablement dévoilée dans la troisième étape (cf. sur-segment IV). Pasquale est corrigé par son père (cf. segment 18) pour avoir blessé le jeune Vito à l’œil (cf. segment 4). Grazia ne supporte pas la scène, et entre dans une crise nerveuse sans précédent pour le spectateur. Ce dernier, s’il est surpris par sa réaction, peut aisément la comprendre en la jugeant à la lumière des segments précédents.<br />Enfin, la dernière étape (cf. sur-segments V à XII) avant la seconde partie de Respiro, explicite plus longuement l’intensification de la perturbation qui envahit le personnage principal du film. Grazia se dispute violemment avec une ouvrière au sujet de la programmation de son internement à Milan (cf. segment 24). Elle tente innocemment de partir avec deux plaisanciers français sur leur voilier pour faire du cabotage, provoquant la fureur de Pietro qui l’en empêche in extremis (cf. segment 49). Désespérée, Grazia libère les chiens sauvages du chenil dans lequel on les garde enfermés, créant une véritable panique dans le village (cf. segments 50-52). Dès lors, les proches de la famille décident, en accord avec Pietro, d’interner la jeune femme. Le spectateur détient désormais tous les éléments diégétiques pour comprendre la décision de Grazia, événement le plus intense de la fiction, et les remords de la communauté, phénomènes tous deux explicités dans le dernier tiers du film.<br /><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5017790320771021202" style="margin: 0px 10px 10px 0px; float: left;" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgM9lE-B3eSlG_UhXW28vVqKdkvqtR8lBXycbLKnI9aDtF4BUN2gnOUJ0N3a0Tm6XWkWjEQygXqspC1sj_c3i1CwdwigZ_oRbjFSibiAqOYYico5EF7NX9tIOl_IYLQQoP3230-Wg/s400/img-2.jpg" border="0" />L’action se déroule exclusivement à l’intérieur de Lampedusa. Le schéma que nous avons établi représente la topographie spatiale du film (cf. schéma[10]). L’île est un espace clos (cf. la ligne continue), englobé par celui de la Méditerranée qui est ouvert (dessiné en pointillés). Cette double reconnaissance inclut la spatialité diégétique représentée à l’écran. Un autre type de localisation est cependant possible si l’on considère l’espace non-représenté, seulement évoqué verbalement. Il s’agit de Milan, lieu dans lequel la famille veut interner Grazia, de la ville inconnue d’où vient l’un des carabiniers, et enfin de la France, pays d’origine des deux plaisanciers (dont la rencontre déclenche un litige amenant Grazia à ouvrir le chenil).<br />L’organisation spatiale de Lampedusa est divisible en deux sous-espaces. Le premier correspond au village de pêcheurs. Il contient une série de localités différentes. Dans notre schéma, le port est représenté, tout comme le village, de manière contiguë avec la mer, pour signifier la jonction spatiale entre eux. La connexion est établie à l’écran par l’intermédiaire de la ligne des quais qui fait office d’espace-liaison. Ce dernier occupe une autre fonction : emplacement où sont amarrés les bateaux, il met en relation l’espace suggéré de la France (le voilier des plaisanciers y est amarré) et l’espace représenté du port. Celui-ci renferme également l’atelier où travaillent les femmes (lieu de discorde entre Grazia et une autre ouvrière). Toujours dans le village, nous trouvons la maison de Grazia, où elle a ses crises nerveuses, ainsi que la pharmacie d’Antonietta. Ce lieu embrayeur est primordial concernant l’énonciation. En effet, la famille se rend chez la pharmacienne dans le segment 21, et c’est chez son beau-frère, qui est médecin à Milan, que l’on désire envoyer la jeune femme. La pharmacie fait donc la liaison dans la diégèse entre le village et l’Italie continentale.<br />Le second sous-espace, très fragmenté, comprend les abords de l’île. La route évoque un autre espace-liaison, reliant les lieux extérieurs au village avec lui. Le chenil est un lieu anaphore : on le découvre de manière anodine pour la première fois dans le segment 11, et réapparaît dans le segment 50. Grazia y libère les chiens, et offre le meilleur prétexte à la communauté pour l’interner à Milan. La grotte détient deux fonctions narratives. Elle est à la fois un soutien à la quête de Grazia, car le lieu lui permet de se dissimuler pour ne pas partir à Milan, et une entrave : trop bien cachée, Pasquale parvient à faire croire à son suicide, en déposant sur la plage la robe rouge de sa mère. La crique, enfin, est la localité où le spectateur voit aboutir l’intrigue. C’est dans ce lieu que Pietro retrouve Grazia, qui est réintégrée dans la communauté. </div><div style="font-family: verdana;" align="justify">La réalisation de Respiro se caractérise dans son ensemble par sa sobriété. La syntagmatique ne vise pas la complexité. Hormis quelques plans autonomes assez courts et quatre séquences alternées[11], le montage combine des séries de scènes (segments dont la durée de la projection est égale à la durée fictionnelle) et de séquences ordinaires (segments comportant des ellipses temporelles d’étendue variable[12]). Quelques effets de ralenti sont utilisés à certains moments pour suggérer une dilatation temporelle ou pour accroître la tension dramatique. Nous remarquons également deux plans en surimpression. Après avoir découvert la robe rouge de Grazia sur la plage, Crialese filme les pieds des pêcheurs arpentant le fond marin. Ils sont cadrés de face dans le plan 432, et latéralement dans le plan 433 qui est surajouté au premier.<br />Le cinéaste et son équipe ont soigné les différentes prises de vue ainsi que le traitement de l’image, où prédominent nettement des couleurs primaires, chaudes et légèrement passées. Les vêtements bleus, rouges et verts des personnages s’harmonisent avec les coques jaunes des bateaux, la couleur ocre des sentiers terreux, la teinte bleutée et lumineuse de la Méditerranée. Ce chromatisme montre que les individus vivent en osmose avec leur environnement. La lumière blanche de l’été méditerranéen épouse la composante primitive des paysages de Lampedusa. Alliée à la limpidité de l’eau, elle accorde une volupté poétique à la plastique vaporeuse de Respiro, ou encore au caractère « sicilien » qui se dégage des protagonistes.<br />La bande-son accompagnant les images est primordiale dans l’œuvre. Le bruit des vagues se brisant sur la roche est omniprésent et rappelle dans certains plans, où l’action se déroule au cœur de paysages arides, que l’espace filmique s’intègre fondamentalement dans une spatialité marine. Le thème du film, composé par John Surman, est d’une extrême liquidité. Le synthétiseur suggère le trouble ou la détresse ressentis par les personnages, et la mélodie jouée au saxophone l’ambiguïté de certaines séquences. Amplifiant la limpidité de la bande-image, ce leitmotiv velouté concourt à créer une synergie à la fois visuelle et auditive.<br />Aussi, Crialese joue-t-il sur des sensations plurielles, s’appuyant sur la matérialité spécifique à la texture de l’œuvre. Le naturalisme des images est amplifié, quasiment mythifié, reléguant la narration microcosmique de Respiro au niveau de la légende dont elle s’inspire. La réalité s’en trouve presque transcendée. C’est en gardant cela à l’esprit que nous devons établir une lecture prudente de l’influence néo-réaliste présente dans le film.<br />Crialese a voulu renouer des liens avec le cinéma italien d’après-guerre, et certainement avec le néo-réalisme. Le regard posé sur le quotidien des individus, l’intrigue subordonnée aux conditions sociales qu’ils connaissent, le signifient. Evitant de miser sur le pittoresque, l’aspect documentaire d’un certain nombre de plans témoigne à la fois de la contemporanéité et de la sécularité de Lampedusa. La caméra s’attarde minutieusement, dans le segment 2, à nous montrer comment les adolescents ouvrent leurs pièges à moineaux et quelle est leur technique pour les capturer.<br />La démarche est similaire concernant les pêcheurs. Sans reproduire bien entendu de fameuses séquences rosselliniennes sur le sujet (comme celle de la pêche dans Stromboli[13]), on les découvre triant leur filet (cf. segment 36), ou encore jetant généreusement de la glace pilée sur les cagettes de poissons (cf. le plan 93, filmé en plongée pour accentuer l’effet documentaire). Citons également l’emploi d’acteurs non-professionnels pour interpréter de nombreux personnages dans le film, cher au style néo-réaliste. Enfin, les protagonistes s’expriment dans la langue sicilienne, faisant écho notamment à La terra trema de Visconti (1948), œuvre majeure qui décrit la misère d’une communauté de pêcheurs siciliens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, Crialese s’inspire plus particulièrement du cinéma de De Sica. Surtout lorsqu’il tente de dépasser la phénoménalité sociale pour évoquer la destinée personnelle de son personnage principal. L’équilibre du film repose sur le dépassement du diagnostic actuel d’un milieu insulaire typique. Mais on ne remarque pas d’antinomie. Et c’est sans doute en utilisant une démarche introspective pour dépeindre Grazia (devenant une sorte d’«icône ») que Crialese parvient à pénétrer la complexité du corps social.<span style="font-size:130%;"><strong><br /><br />Normalisation et dysfonctionnements<br /></strong></span>Le travail est la valeur sur laquelle repose la répartition des fonctions sociales. Dans le film, ce processus stratégique met en rapport trois mondes distincts : celui des hommes, celui des femmes et celui des enfants. La tripartition de la collectivité organise la vie quotidienne et garantit l’agencement des forces à l’intérieur de la communauté. C’est par ce prisme que l’on pénètre dans la culture insulaire.<br />La vie quotidienne des hommes est régulée par la pêche. Le segment 35 nous montre que les pêcheurs se lèvent de nuit pour partir en mer, tandis que le segment 13 indique qu’ils rentrent au port en milieu d’après-midi pour sortir les poissons des filets et les disposer dans des caisses[14]. Le travail en mer est exclusivement masculin et n’autorise pas de présence féminine.<br />Cela ne signifie pourtant pas que les femmes soient complètement exclues du monde des hommes. Il existe en fait un système normatif qui régule l’entrée et la sortie des femmes à l’intérieur de la spatialité réservée aux pêcheurs. Le film illustre notamment cette idée dans le segment 17. Une fois le bateau amarré sur le quai, les hommes commencent à vider leurs filets. C’est à ce moment que les femmes apparaissent dans le champ de la caméra à plus d’une dizaine de mètres de l’embarcation, en défilant les unes derrière les autres. Celles-ci (accompagnées par un enfant) se placent perpendiculairement et sans bouger à une distance respectueuse du bateau. Elles attendent derrière une ligne imaginaire. L’une d’elles porte sa main au front, guettant un signal leur permettant de rejoindre leur époux. Contrairement à Grazia, qui s’avance légèrement et trépigne d’envie de retrouver Pietro, les autres femmes sont patientes, et paraissent habituées à ce cérémonial. Le montage, alternant tantôt un plan où l’on voit les pêcheurs et un autre représentant leur épouse, accentue cette distanciation. Une fois le déchargement et la préparation des caisses achevée, un des hommes les appelle de vive voix. Elles peuvent alors monter à bord et se joindre à l’équipage sur la proue du navire.<br />Les enfants, quant à eux, s’organisent en bandes rivales, et leur univers semble être autonome. Pourtant, ils peuvent, sous certaines conditions, pénétrer dans le monde des adultes en participant au travail. Ainsi Pasquale, qui est en âge de travailler, aide durant l’été son père à décharger les caisses ou à mettre de la glace sur les poissons.<br />La normalisation sociale se remarque également par la présence des hommes sur le lieu de travail des femmes. Contrairement au bateau, l’atelier est un lieu à dominante féminine. Dans le segment 24, un travelling latéral de gauche à droite opère une légère rotation autour de la longue table où les ouvrières nettoient les poissons. Le cadrage focalise l’attention du spectateur sur cette travée. La manière dont Crialese a d’ailleurs organisé l’occupation de l’espace par les personnages est significative : on aperçoit, à la fin du travelling, des enfants à gauche et des hommes au dernier plan qui travaillent eux aussi. C’est la tablée des femmes qui occupe la position centrale du champ. Le cadrage les met en perspective : l’espace de l’atelier leur appartient et admet la présence des hommes et des enfants seulement si ces derniers restent à leur place. La problématique des rapports sociaux se pose donc en termes de localisation spatiale.<br />Si les pêcheurs détiennent certaines prérogatives sur les autres membres de la communauté, cela ne signifie pas pour autant qu’ils représentent une caste qui s’est appropriée l’exercice exclusif de l’autorité sociale[15]. Cette dernière est en fait distribuée en fonction des nécessités et des compétences de chacun.<br />La figure du pêcheur est prépondérante si l’on considère que ce sont les hommes qui régulent les instances de contrôle à l’intérieur de la tripartition, afin d’assurer l’équilibre de la communauté insulaire. Observons de plus près la cellule familiale de Grazia. Pietro travaille, et ne peut surveiller continuellement son épouse. Il va donc déléguer cette fonction à son fils aîné. La surveillance représente ainsi une technique de pouvoir. Si Pietro gifle Pasquale dans le segment 17, c’est parce qu’il le rend responsable du comportement inacceptable de sa mère, qui s’est baignée à moitié nue (cf. segment 13). Le fils remplace officieusement l’autorité patriarcale en l’absence du père. Pasquale est donc le protecteur de sa mère et par la même occasion son « geôlier ».<br />Le comportement de Grazia étant sensuel et provocateur, la fonction de l’adolescent se focalise presque entièrement sur une surveillance « sexualisée ». Protecteur jaloux, il chasse Filippo de la chambre de sa mère lorsque celle-ci veut rester seule (cf. segment 7). Lorsque ces derniers vont donner à manger aux chiens (cf. segment 11), le gardien demande pourquoi Grazia ne s’approche pas : « Parce qu’elle est très bien là où elle est » répond Pasquale. Secondé par Filippo, qui tente tant bien que mal de l’imiter, il veut empêcher sa mère de se dénuder sur la plage, ou de monter sur un voilier en compagnie des deux plaisanciers. Sa possessivité est propice à développer chez lui un complexe oedipien, ce qui explique la confusion entre son rôle de surveillant et son attrait pour sa mère. C’est à partir de cette interprétation qu’il faut analyser l’ambiguïté sexuelle de certaines séquences.<br />Le film démontre qu’il n’y a pas d’instance décisionnelle établie dans la gestion des rapports sociaux. Les prérogatives sont prises selon la configuration rencontrée au cours d’une situation. La résolution des problèmes repose sur une collaboration, un partage des tâches. On discerne donc des mécanismes de relais. Ce phénomène est parfaitement perceptible en ce qui concerne le problème posé par le comportement de Grazia. Le fonctionnement de la communauté dans son ensemble est perturbé par ses agissements. Si les hommes se plaignent autant que les femmes de Grazia, ce sont elles qui coordonnent son départ pour Milan, tandis que les amis de Pietro partent à la recherche de son épouse quand celle-ci disparaît.<br />C’est la mère de Pietro qui joue un rôle prépondérant dans l’organisation de l’internement de sa belle-fille. Femme austère au physique assez fort et aux cheveux grisonnants, elle est toujours vêtue d’une robe noire pour manifester son veuvage, conformément à la tradition. Correspondant à l’iconographie typique de la « mamma italienne », elle incarne la figure opposée par excellence à celle de Grazia. Peu présente dans la globalité du film, la grand-mère apparaît pourtant à des moments très importants du récit. Lorsqu’il s’agit de soigner une crise de Grazia, c’est elle qui se charge (et non Pietro) de lui faire une piqûre pour la calmer (cf. segment 19). A la suite de cette crise, les proches de la famille décident de se rendre de nuit au domicile de la pharmacienne (cf. segment 21). Pietro et Antonietta sont debout, les autres sont assis en face d’eux. La grand-mère s’adresse à elle, et lui demande des renseignements sur l’institut où travaille son beau-frère. Isolé dans le cadrage, Pietro reste silencieux, ce qui accentue son malaise et son impuissance. Il est dépassé par les événements, et sa mère a pour tâche de le seconder. La communauté des pêcheurs fonctionne sur le principe de la solidarité.<br />Le film montre que la sociabilité communautaire, avec ses valeurs et ses modalités de gouvernance, est une structure de vie nécessaire dans ce type d’environnement. A ce niveau de l’analyse, l’équilibre est assuré. Tout change cependant si l’on prend en compte les dysfonctionnements générés dans cet agencement insulaire.<br />Inversons maintenant notre regard, et focalisons-nous sur les éléments perturbateurs. Les mécanismes de normalisation supportent difficilement l’intrusion de particularités à l’intérieur de leurs rouages. Pour éviter une déstabilisation de l’équilibre des forces (déjà assez précaire), la solution est de limiter l’apparition de toute forme de singularité.<br />Dans Respiro, la contestation naît du côté des femmes. Marinella est une jeune fille moderne et déterminée, à l’image de sa mère. Singulièrement, elle s’intéresse à un carabinier qui n’est pas né à Lampedusa. Elle le rencontre dans le segment 23 et en tombe immédiatement amoureuse. Nous voyons dans le plan 257 (cf. segment 34) six filles accoudées à un trottoir, surélevé par rapport à la route. Un panoramique horizontal suit Marinella qui quitte le groupe et traverse diagonalement le champ de la caméra. Habillée de façon provocante, elle a noué son chemisier vert sous sa poitrine. On la voit rejoindre le carabinier. Après lui avoir demandé une cigarette ainsi que du feu pour l’allumer, elle le quitte et rejoint le groupe. Marinella vient de transgresser les normes en faisant le premier pas pour établir un contact plus intime avec le jeune homme, fortement surpris et intimidé.<br />Mais les frères de Marinella, jaloux et autoritaires, ne peuvent la laisser vivre librement son idylle. Assise sur une banquette en face de la mer (cf. segment 42), elle pose sa tête sur l’épaule du carabinier dans le plan 296, filmé en contre-plongée. Au dernier plan, Filippo surgit, bientôt suivi de Pasquale et de sa bande. Ils s’assoient sur un rocher, tandis que Filippo s’approche de sa sœur et lui ordonne de partir. Les adolescents restent en retrait, mais encouragent le jeune garçon, qui tient fièrement tête au carabinier. Marinella s’insurge dans les plans suivants, sans parvenir à chasser son frère, qui essaie d’exercer une autorité qu’il n’est pas encore en mesure d’assurer, du fait de son jeune âge. Son comportement outrancier, bien que détestable, finit tout de même par amuser Marinella. La séquence s’achève de cette manière. Toute l’énergie déployée par Filippo ne suffit pas à dissuader sa sœur de ne plus fréquenter son amoureux. Celui-ci est finalement accepté et intégré. En effet, il est convié à la célébration finale (cf. segment 82), cérémonie ne concernant normalement que les membres de la communauté. Il en fait donc désormais partie. Marinella est parvenue à ses fins : imposer ses sentiments et faire pénétrer un étranger dans le cercle fermé de sa société insulaire.<br />Le personnage de Grazia, par son comportement exubérant et son insoumission aux modalités de régulation de la communauté, déclenche un processus de déséquilibrage social. Sa sensualité provocante et naïve, accentuée par le jeu spontané de Valeria Golino, en constitue la principale origine. La beauté de Grazia trouble les pêcheurs. C’est ce que ressent le spectateur dans les segments où elle apparaît en leur compagnie. Aux antipodes du conformisme, elle tente de se libérer des conventions en imposant sa féminité instinctive, s’exprimant à travers la luminosité de son regard et sa beauté plastique. Perdue au milieu des autres ouvrières, les bottes et les gants en caoutchouc qu’elle doit porter jurent avec sa volupté naturelle. Physiquement, elle est déjà en inadéquation par rapport à ses semblables. Trop moderne pour le milieu auquel elle veut appartenir, son attitude infantile dérange le village. Se déshabiller pour se baigner dans la mer ou monter avec des inconnus sur un voilier ne lui pose aucun problème.<br />Lorsque les hommes aident Filippo à assembler les pièces du train électrique qu’il a gagné à la loterie (cf. segment 40), elle préfère maquiller les garçons, qui sont impatients de jouer avec la petite machine. Les enfants attendent derrière un mur de la maison. Quand un pêcheur ouvre la porte pour leur montrer le train devant lequel il s’extasiait quelques instants plutôt, il découvre que Grazia a mis du rouge sur les lèvres de son fils. Sa réaction est brutale : il ordonne au garçon de se laver immédiatement et à la jeune femme de ne plus l’approcher. Révéler, même innocemment, la part féminine des enfants est une véritable agression envers la masculinité des pêcheurs. La catégorisation sexuelle ne peut souffrir de la moindre altération, même ludique. Grazia entretient une relation privilégiée avec les enfants de Lampedusa. Elle refuse d’ailleurs aussi bien d’être reléguée au rang de la mère modèle que de jouer la parfaite épouse, considérant davantage ses deux fils comme des compagnons de jeu. Au risque de ne pas s’apercevoir de la vivacité des sentiments de Pasquale à son égard.<br />Dans le segment 17, Grazia ne comprend pas pourquoi son mari lui interdit de monter sur le bateau. Se sentant emprisonnée à l’intérieur des conventions, un travelling arrière nous montre qu’elle s’enveloppe dans un filet de pêche. Le symbolisme est évident : elle se sent tel un poisson capturé par des pêcheurs. Pietro tente de l’empêcher de se donner en spectacle, puis retourne sur son embarcation. Installé sur la proue, il est agacé par les commentaires des autres femmes (inaudibles), assises au côté des hommes. Pendant ce temps, Grazia s’emmêle et essaie de se dégager du filet. La simultanéité des deux actions (Grazia qui se débat au premier plan et Pietro qui l’ignore au second) a pour but d’exclure davantage Grazia de la situation.<br />Dans le segment18, Pietro corrige Pasquale. Sa mère n’est pas directement présente au cours de la scène. On la discerne à peine à l’arrière plan lorsque Pietro installe son fils pour le fouetter. La profondeur de champ est faible : l’image de Grazia est floue à l’écran. Sursautant à chaque coup, elle détourne la tête puis se retire. La correction terminée, Pietro invite le père du garçon à boire un café. Son épouse est confinée dans le coin de la cuisine. Pietro lui demande sèchement : « Grazia, il arrive ce café ? ». Elle ouvre les placards de la cuisine et renverse la vaisselle. Ne supportant pas de voir son fils brutalisé, sa rancœur d’avoir été humiliée sur le port ressurgit. Cette crise nerveuse devient la manifestation de son exclusion sociale et de son rejet de la violence pédagogique pratiquée par l’autorité paternelle. Défiant le pouvoir que Pietro exerce sur ses enfants, la modernité de Grazia ébranle l’un des principaux piliers du cadre social insulaire.<br />La jeune femme ne supporte pas l’impudence de ses consœurs à l’atelier. Dans le segment 24, elle se dispute violemment avec une ouvrière. Celle-ci lui ayant révélé son départ prochain pour Milan. D’abord étonnée, Grazia lui jette rapidement un poisson à la poitrine, avant de l’empoigner puis de quitter les lieux, créant le désordre dans l’atelier. Cette séquence décrit toute la tension qui se dégage autour de son personnage. Son seul recours est de plonger dans la mer (cf. segment 25) pour s’évader momentanément de la communauté qui l’oppresse.<br />Non-conformiste, elle ne respecte pas les règles qui imposent aux femmes de rester à distance des hommes. Dans le plan 306 (cf. segment 43), Pietro discute et boit avec ses amis devant l’entrée de son garage. Grazia sort de la maison et les rejoint en souriant. Elle interrompt la conversation lorsqu’elle passe sa main dans les cheveux de son mari. Dans le plan suivant, Pietro, cadré de face, regarde son épouse puis ses camarades. Sa gêne montre le poids des conventions. La discussion reprend, mais le malaise oblige Pietro à demander à Grazia ce qu’elle veut. Celle-ci désire passer un moment intime avec lui. Il refuse. Du coup, elle saisit la bouteille de Pietro et trinque avec les autres pêcheurs. Pietro lui demande encore une fois ce qu’elle veut. Elle ignore la question et engage la conversation avec les hommes. Pietro l’oblige à le suivre au second plan, pendant que les pêcheurs émettent des critiques au sujet de la situation. Pietro dit à Grazia sur un ton ferme : « Tu veux bien me faire plaisir, alors laisse-moi tranquille avec mes amis, d’accord ? ». Elle acquiesce. Résignée, elle comprend que sa présence n’est pas acceptée, et renvoie d’un revers de la main Pietro vers eux. Ce dernier rejoint ses collègues dans le plan 316, aussi troublés et gênés que lui. Ce plan est filmé de la même manière que le 306 : nous sommes revenus au point de départ. Grazia a tenté de s’intégrer au monde masculin et a été rejetée, sans parvenir à briser la catégorisation sociale, accentuant davantage l’animosité des hommes.<br />L’étude succincte du protagoniste principal rejoint plus globalement une problématique posée par le concept de modernité. Les sciences sociales conçoivent l’affirmation de l’individualité dans un système communautaire comme un facteur de modernité sociologique. Face à l’uniformité régnant dans une microsociété fortement homogène, l’émergence de singularités autonomes peut créer une rupture de l’ensemble des codes traditionnels communs. S’il est intensifié, ce type de phénomène peut bouleverser en profondeur le tissu social et faire évoluer ses modes d’intégration ou ses cadres de pensée. Dès lors, Grazia devient une sorte d’allégorie de la modernité sociale. Elle incarne l’être qui, en suivant une démarche subjectiviste, affirme son existence individuelle ; rompant par la même occasion l’équilibre de son milieu d’origine, assuré par ses techniques de régulation. Une telle dé-configuration normative engendre cependant des foyers de résistance, capables de provoquer des conflits microscopiques très significatifs.<span style="font-size:130%;"><strong><br /><br />La modernisation de la communauté</strong></span><br />Les moyens de contrôle privilégiés que la population exerce sur Grazia s’appuient sur une technique couramment employée, à savoir l’exclusion dans l’anormalité mentale. Cette modalité du pouvoir a été étudiée par Michel Foucault dans sa thèse, l’Histoire de la folie à l’âge classique[16]. Le philosophe explique que le diagnostic de la folie n’existe que dans une formation sociale. Il précise ce point de vue lors d’un entretien postérieur :<br />« La folie ne peut se trouver à l’état sauvage. La folie n’existe que dans une société, elle n’existe pas en dehors des formes de la sensibilité qui l’isolent et des formes de répulsion qui l’excluent ou la capturent »[17].<br />Foucault envisage de ce fait l’exclusion psychiatrique comme une forme structurale de ségrégation.<br />L’équilibre communautaire est mis en péril par le caractère intempestif de Grazia. On ne la considère pas comme une aliénée. Pourtant, son comportement, qui dans un autre milieu passerait seulement pour de l’excentricité, dénote pour la communauté des troubles psychiques graves nécessitant des soins hospitaliers. L’opinion générale sur ses crises nerveuses confirme ce jugement. De ce fait, les villageois prétextent la maladie de la jeune femme pour peu à peu la rejeter dans les marges du système. A la suite de sa dispute avec Pietro (cf. segment 49), Grazia libère les chiens sauvages enfermés dans le chenil. Nous voyons dans le plan 366 la rue cadrée de trois-quarts, avec des deux côtés les femmes raclant le trottoir souillé par le sang des animaux, abattus afin d’éviter tout incident. Accompagnée de Pasquale, Grazia retourne chez elle et traverse l’artère en marchant au milieu de la route. La construction du plan permet au cinéaste d’exprimer la rancœur villageoise. Derrière son passage, elle entend la rumeur publique s’élever. Certains propos sont audibles par le spectateur, tels que « …Folle furieuse. », « Elle a perdu la tête… », ou bien « Tu te rends compte un peu ! ». Grazia avance, la tête baissée et d’un pas mal assuré, tournant de temps à autre son regard en direction des voix. Cette fois, les limites ont été dépassées.<br />La décision est sans appel : il faut définitivement éloigner Grazia de la communauté. Le processus d’exclusion parvient à son terme. Le rôle de la grand-mère prend toute sa dimension dans le segment 53. Pietro ne trouve pas ses mots. Dans le plan 369, on entend la voix off de sa mère : « Si tu lui dis pas, je m’en charge ». Grazia, excédée, ferme les yeux et se tourne vers elle pour l’écouter. Le plan 370 nous montre la grand-mère assise au bout de la table, entourée de plusieurs femmes dont on ignore l’identité (ces dernières personnifient le caractère impersonnel de la communauté). Présidant ce conseil silencieux, elle s’adresse à sa belle-fille : « A Milan je connais un docteur, et lui pourra t’aider ». Grazia parait désespérée (cf. plan suivant), tandis que sa belle-mère ajoute (voix off de nouveau) : « Et on l’a déjà prévenu ».<br />Tout semble donc arrangé. Ne pouvant plus vivre dans le tourment, la grand-mère prend des dispositions pour écarter l’élément qui perturbe la société. Grazia refuse de partir, et se tourne vers son époux pour trouver un appui. Ce dernier lui annonce : « Tu pars pour Milan que ça te plaise ou non ». « Je me tuerai » répond-elle. Dans le plan 377, Pietro tourne la tête et cherche le regard de sa mère. Cette dernière demande à sa belle-fille de se calmer (voix off), puis le répète dans le plan suivant, où elle est filmée de dos. Grazia s’avance dans sa direction en levant la main : « Ne me dis pas de me calmer, c’est toi qui pars ». Elle est cadrée au premier plan : « Fous le camp de chez moi, foutez tous le camp de chez moi ! Dehors ! », ce qui provoque chez elle une nouvelle crise.<br />En lançant une procédure d’internement dans un établissement spécialisé, la grand-mère officialise l’anormalité de sa belle-fille. Celle-ci doit être confiée à des psychiatres qui, en se chargeant de traiter sa maladie, conviendront de la gravité de son état mental. On observe un transfert de pouvoir : le sort de Grazia, confié à la médecine psychiatrique, n’appartient plus à la communauté. Foucault s’inquiète de ce pouvoir de normalisation de la médecine :<br />« La thérapie médicale est une forme de répression. Le psychiatre aujourd'hui est une personne qui détermine catégoriquement la normalité et la folie. (…) Normalement, on entend par personne anormale un être qui a rompu avec le milieu où il vit. Généralement, les médecins retirent cet individu de son milieu et l'isolent dans des hôpitaux, maisons de santé, cliniques »[18].<br />Dans le film, l’internement est demandé par les proches. Cette initiative rejoint l’approche foucaldienne du pouvoir, qui le considère comme un rapport consensuel. C’est le concept développé dans Surveiller et punir[19]. La demande d’internement de la famille coïncide avec l’analyse des lettres de cachets présente dans le livre. Le pouvoir du monarque est sollicité par les petites classes, qui demandent à leur souverain d’enfermer un membre dissident, « infime fauteur de troubles » nous dit Gilles Deleuze dans son ouvrage sur Foucault[20]. Les rapports de force tissent le réseau du pouvoir, et circulent par des points spécifiques (correspondant à des instances dominées ou dominantes), extrêmement visibles dans le cas de conflictualités locales réduites.<br />Grazia choisit de quitter la communauté. La fuite est préférable à une nouvelle forme d’enfermement, non pas sociétale mais psychiatrique. Cette option est spontanée, voire même irrationnelle : elle abandonne son mari et ses enfants en prenant un minimum d’effets personnels. Rattrapée par Pasquale, celui-ci a l’idée de la cacher dans une cavité de la falaise, lieu secret dans lequel il s’isole pour fabriquer des frondes et des cannes à pêche. Grazia se retrouve une fois de plus enfermée, cette fois-ci dans un « ailleurs » insulaire inconnu de la communauté, à l’intérieur d’un lieu que Pasquale a aménagé pour lui. Paradoxalement, c’est une nouvelle modalité d’enfermement qui permet à Grazia de manifester son désir de rester libre.<br />Le petit pouvoir de surveillance de Pasquale devient désormais biopouvoir. Le plan 392 (cf. segment 57) est le plus incestueux du film. Il nous montre Pasquale dominant sa mère, la tête candidement couchée près des genoux de son fils. Il lui parle, d’une voix rassurante, en caressant sensuellement ses cheveux. Dans le plan suivant, Pasquale lui annonce: « Ne pense plus aux autres. Tu va faire seulement ce que je te dis ». Le jeu du jeune acteur donne véritablement l’impression qu’il va enlacer Grazia. Dans le plan 394 (similaire au plan 392), elle hoche la tête, totalement soumise. Pasquale s’est approprié symboliquement le corps de sa mère.<br />Dans le plan 395, un panoramique horizontal nous montre Pasquale qui rentre chez lui (cf. segment 58). Nous retrouvons les femmes, attablées dehors et discutant de la situation : « A chaque fois c’est la même chose, c’est dommage », « Il faut qu’elle aille à Milan », « Ca fait longtemps qu’elle devrait y être ». Pasquale est interrogé par sa grand-mère : « Alors ? », « Alors rien » lui dit-il. Une femme rétorque : « Elle va bien finir par rentrer non ? ». Ce plan autonome, construit de la même manière que le segment 53, lui fait directement référence. Mais cette fois, les sentiments à l’égard de Grazia ont évolué. L’inquiétude remplace l’irréductible besoin de l’exiler.<br />Après avoir tendu à sa mère une nouvelle robe, Pasquale lui fait jurer de rester cachée (cf. segment 61). Ce passage nous permet de comprendre le segment 67, dans lequel les pêcheurs découvrent la robe rouge de Grazia. Pasquale l’a placée sur la plage pour faire croire à son suicide. Sa vie lui appartient désormais totalement. Les recherches menées par les hommes pour retrouver Grazia sont arrêtées. Pietro est submergé par le désespoir. Dans le segment 72, on voit les proches de la famille (ainsi que d’autres villageois) solidairement réunis sur la plage, derrière Pietro. Face à la mer, ils semblent prier pour le retour de Grazia. Les gens sont mystérieusement assis à l’arrière plan dans la même position (genoux pliés). Ils sont espacés les uns des autres pour mieux occuper la plage. Ils attendent, tels des statues, le regard pointé vers l’horizon.<br />Pietro demande à Pasquale de rentrer à la maison. Lorsqu’il traverse la plage, un travelling fait défiler les villageois en gros plan. L’image est fortement blanchie. Une femme a le visage caché par ses cheveux. Une autre a la tête tournée à droite et baisse les yeux. Un sentiment de responsabilité et de mauvaise conscience semble toucher les villageois. L’équilibre communautaire est définitivement rompu. La disparition de l’élément dissident provoque un tel vide que la population prend conscience de l’importance de Grazia. La seule perspective pour Pietro est d’espérer un miracle. Dans le plan 457, il plonge dans la mer et place une statue de la Madone au fond de l’eau. Grazia est symboliquement sanctifiée dans l’imaginaire collectif[21]. On rejoint ici la fable dont l’histoire du film s’inspire.<br />Le village se rassemble pour fêter saint Barthélemy (cf. segment 83). Cette séquence montre au spectateur la religiosité des habitants, qui processionnent en direction des monceaux de bois érigés par les enfants. Durant le défilé, chacun place une étoffe ou une petite planche arrachée pour accompagner son vœu. La grand-mère embrasse son mouchoir et le dépose en guise de prière. Ce rituel appartient à la tradition de l’île. Chaque année, une cérémonie similaire est organisée pour exorciser le passé de la communauté, exprimant une possibilité de renouveau social. La nuit tombe, Pietro est chargé de mettre le feu aux colonnes de bois. Un grand brasier purificateur s’élève au-dessus des flots sombres. L’assemblée est silencieuse.<br />C’est dans cette communion que naît le repentir. Pietro se tourne vers la mer, et s’enfonce dans l’eau pour une raison inconnue. Les pêcheurs s’inquiètent et décident de le suivre. Pietro plonge, et aperçoit Grazia nageant en apnée. L’histoire devient mythe. La jeune femme réapparaît magiquement. La statue de la Madone s’est symboliquement faite chair. Pietro enlace son épouse et la ramène à la surface. La séquence est filmée en contre-plongée. Nous voyons les pieds des deux protagonistes nager sous l’eau. Leurs trois enfants les rejoignent. Peu à peu, les autres villageois se rassemblent et les entourent dans un ballet aquatique. Le spectateur ressent un nouvel effet d’asphyxie. Les jambes, semblables à des tentacules, se rapprochent de la cellule familiale et finissent par l’encercler, saturant le champ de la caméra. Il faut pourtant transcender cette représentation pour comprendre le sens de ce final. En effet, ce n’est pas Grazia qui retourne au monde. Au contraire, ce sont les habitants qui la réintègrent parmi eux. L’organisation de l’espace dans le dernier plan montre que Grazia occupe désormais une position centrale dans le groupe. La structure communautaire est bouleversée. L’anormale qui vivait en marge de la société en devient l’élément moteur, indispensable pour assurer sa fonctionnalité.<br />Le rituel de la saint Barthélemy prend dès lors un aspect providentiel. Réunie dans l’élément marin, la communauté connaît une seconde naissance, et accède à une autre dimension de son existence. Pour des raisons de commodité visuelle, la séquence nocturne a été filmée de jour par l’équipe de tournage. Cette ellipse fait pénétrer le spectateur dans une autre spatialité, coupée du réel. Le temps semble suspendu. Il s’écoule différemment : les pieds s’agitent lentement dans l’eau, produisant un ralentissement visuel. Le film s’achève. C’est en quittant la pesanteur terrestre que les êtres trouvent la « Grâce » dans la mer, assurant ainsi le salut de la communauté.<br />A la suite de cette analyse, nous pouvons, pour terminer, saisir le sens global de la modernité proposé dans le discours filmique. En montrant comment Grazia devient un membre primordial à l’intérieur du microcosme insulaire, Respiro dépasse l’antagonisme qui réside dans la lutte de l’individualité face à la communauté, et permet de ce fait de proposer un modèle de progression sociale. Ce n’est pas en détruisant les principes de sociabilité que la protagoniste parvient à s’intégrer, mais en jouant au contraire sur le système de la solidarité entre villageois.<br />Les rapports sociaux, bien qu’ils reposent sur des mécanismes répressifs d’exclusion et de ségrégation, n’excluent pas des perspectives d’évolution. L’équilibre des forces ne peut être immuable à cause de sa configuration. Aussi dynamique qu’instable, celle-ci s’autorégule en fonction des situations rencontrées et selon les choix des individus qui circulent dans le réseau microcosmique. Les crispations communautaires, les phénomènes de résistance concourent de ce fait à provoquer des conflictualités salutaires entre les forces modernistes et réactionnaires. Le jeu des rivalités et des litiges déstabilise la normalisation établie, l’obligeant à opter pour un nouvel équilibrage. Pour ne pas sombrer, la structure doit établir un consensus avec l’élément perturbateur retrouvé. Cette idée est d’autant plus visible dans le film, du fait de l’étroitesse du quadrillage social. Le groupe ne peut souffrir de l’absence du moindre de ses membres, surtout si sa dissidence est essentielle pour assurer la vitalité structurelle de la communauté. C’est donc au sein même de ce qui semble le moins propice à l’émergence de l’individualité que naissent de puissants facteurs de subjectivité.<br />Le processus dans lequel s’inscrit la modernité ne repose ni sur l’évolution technologique, ni sur l’amélioration des modalités de production. Il ne naît pas de la sophistication des infrastructures ou des pratiques collectives. Il est avant tout profondément humain. Dans Respiro, la modernité ne signifie pas non plus la disparition du communautarisme au profit de la globalisation des modes de vie, et encore moins la libération de l’individu par rapport à la masse. Elle n’est pas positiviste, et n’entretient aucune relation avec le paradigme du progrès défini par les sociétés post-industrialisées.<br />La modernité n’abolit pas l’ancien au profit du nouveau, elle recherche le compromis des forces microsociales en présence. Sa problématique ne se pose qu’en terme de fonctionnalité infime, et non de révolution historique. D’où son caractère ambigu : elle ne dépasse ni ne transmute la réalité contemporaine de l’île. Elle se compose essentiellement en deçà du visible ou du médiatique, à l’intérieur des minuscules événements du quotidien. Aussi, la modernité se présente-elle surtout à l’échelle de petits faits anecdotiques. Elle se manifeste dans l’union de la tradition et de la modernisation normative, à travers le destin d’individus ordinaires, qui sont insignifiants au regard de la grande histoire.<br /><br /></div><div style="font-family: verdana;" align="justify"></div><div style="font-family: verdana;" align="right"><strong>Aurélien Portelli</strong></div><div style="font-family: verdana;" align="right">in <em>Les Cahiers de la Méditerranée</em>, n°68. </div><div style="font-family: verdana;" align="justify">_______________</div><div style="font-family: verdana;" align="justify"><span style="color: rgb(255, 153, 255);">[1] Serceau Michel, <em>Etudier le cinéma</em>, Paris, Editions du Temps, 2001, 255 p.<br />[2] Du point de vue de l’histoire du cinéma, le titre du film fait référence à A bout de souffle (Godard, 1959). L’œuvre de Crialese en constitue une réponse hypothétique. Victime de ses tribulations dans Paris, le personnage interprété par Belmondo s’essouffle et finit par être tué. Grazia, au contraire, survit en plongeant dans l’élément marin lorsqu’elle est sur le point de s’asphyxier socialement.<br />[3] Cf. www.respiro-lefilm.com.<br />[4] Cf. Isabelle Fajardo, « Respiro », in <em>Télérama</em>, n°2764, 1e janvier 2003, p. 30, et Patrice Blouin, « Respiro », in <em>Cahiers du Cinéma</em>, n°575, janvier 2003, p. 90.<br />[5] Ces informations ont été collectées lors d’une présentation du film dans le cadre d’une projection publique à l’Espace Magnan (Nice, 2003).<br />[6] Cf. Aumont Jacques, Marie Michel, <em>L’analyse des films</em>, Paris, Editions Nathan, Fac cinéma, 1988, 231 p. Pour ces auteurs, la segmentation se définit comme étant « une suite de plans liés par une unité narrative. »<br />[7] La segmentation filmique est un instrument citationnel précieux pour l’analyse (contrairement à un livre, un film ne présente pas de repères directement visibles tels que le numéro des pages).<br />[8] La première partie dure cinquante-sept minutes et une seconde, et la seconde trente-quatre minutes et vingt et une seconde (générique final compris).<br />[9] Les segments, que nous présentons succinctement pour l’instant, seront décrits plus longuement au cours de la deuxième et de la troisième partie de cette étude.<br />[10] Le schéma, suggéré par les travaux d’André Gardiès (<em>L’espace au cinéma</em>, Paris, Méridiens Klincksieck, 1993, 222 p.), présente la structure spatiale du film, et non ses caractéristiques géométriques.<br />[11] Cf. segments 3, 28, 40, 64 ; la séquence alternée la plus visuelle cinématographiquement reste le segment 28 (la poursuite entre les carabiniers et Marinella qui tente de les semer en scooter dans les rues du village), car elle est la plus dynamique du film.<br />[12] Nous utilisons la typologie syntagmatique établie par Christian Metz (cf. « Propositions méthodologiques pour l’analyse des films », in <em>Essais sur la signification au cinéma II</em>, Paris, Klincksieck, 1968.)<br />[13] Le personnage interprété par Valeria Golino rappelle celui d’Ingrid Bergman. Dans une certaine mesure seulement, puisque Grazia, contrairement à Karen, est une native de l’île qui a pour seule alternative de s’intégrer à sa communauté, et non une étrangère qui n’a d’autre choix que de fuir Stromboli pour survivre avec son enfant. Entre les deux films, la réalité sociale a évolué, et dicte d’autres représentations cinématographiques.<br />[14] Nous ne rencontrons par contre aucun élément diégétique nous permettant de savoir s’ils sortent en mer toutes les nuits. L’agencement de leur agenda n’est pas précisé.<br />[15] Le terme d’autorité est ici entendu uniquement sur le plan sociologique, en dehors de toute instance politique ou institutionnelle (d’ailleurs volontairement éludée dans le film pour centrer la problématique sur les rapports hommes/femmes/enfants).<br />[16] Michel Foucault, <em>Histoire de la folie à l’âge classique</em>, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1972 (première édition 1961), 688 p.<br />[17] Entretien avec J. P. Weber, « La folie n’existe que dans une société », in <em>Le Monde</em>, n°5135, 22 juillet 1961, p. 9.<br />[18] Propos recueillis par R.G. Leite, « Le monde est un grand asile », in <em>Revista Manchete</em>, 16 juin 1973, pp. 146-147.<br />[19] Michel Foucault, <em>Surveiller et punir</em>, Paris, Gallimard, Collection Tel, 1975, 360 p.<br />[20] Gilles Deleuze, <em>Foucault</em>, Paris, Les Editions de Minuit, 1986, 141 p.<br />[21] Ce que confirme Pasquale à sa mère, furieuse, dans le segment 78 : « Tout le monde te pleure. T’es devenue une sainte ». Il est temps pour elle de réapparaître, n’ayant plus aucun intérêt à rester cachée.</span></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-26476676.post-11345399268610871332006-12-16T09:20:00.001+01:002009-11-14T03:52:45.625+01:00Les fils du léopard (Corbucci, 1965)<div align="justify"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh622OALowzhmsSUDkHVVGdQzaZwMHs-KNBzWca2trNqNuwB6d71tdb_3QJNxs_bnOATRsCMtqvU8ICJeKhALH3fBdjBKxHpgcSpzTr6QcAb8k1zu6iy55-OSw3i1VAQ2lgKV4PNw/s1600-h/Leo+1.JPG"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5008490836012798146" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh622OALowzhmsSUDkHVVGdQzaZwMHs-KNBzWca2trNqNuwB6d71tdb_3QJNxs_bnOATRsCMtqvU8ICJeKhALH3fBdjBKxHpgcSpzTr6QcAb8k1zu6iy55-OSw3i1VAQ2lgKV4PNw/s400/Leo+1.JPG" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Le générique des </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Fils du léopard</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">, mis en scène par Sergio Corbucci en 1965, ne manque pas d’originalité. La première image présente la caricature des deux personnages principaux placés chacun dans un médaillon. Le titre du film, accompagné par le rugissement d’un léopard, est présenté dans le plan suivant. Le félin apparaît tout au long de la présentation de la fiche technique, en faisant de grands sourires, sous la forme d’un dessin-animé. Le spectateur est ainsi directement plongé dans une ambiance humoristique, qui ne tiendra malheureusement pas toutes ses promesses.<br />Le film débute par une séquence chaotique où une bande de brigands, dirigée par Babalone (Alberto Bonucci) - génie du mal autoproclamé - se prépare à attaquer le carrosse du baron « Fifi » Tulicò, surnommé « le léopard ». La référence au </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Guépard</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> de Visconti est évidente. L’action se déroule en Sicile durant le Risorgimento et le personnage de l’aristocrate fidèle à la dynastie des Bourbon rappelle évidemment le prince Salina. Mais cette fois, le pseudonyme animalier n’est pas seulement chargé d’une valeur allégorique, puisque le baron est accompagné d’un véritable léopard, dont il ne se sépare jamais. Exceptés quelques points de ressemblance entre les protagonistes, le film de Corbucci se détache complètement de celui de Visconti pour s’enliser dans un vaudeville disgracieux.<br />Le réalisateur utilise les grosses ficelles de la comédie. Margherita (Evi Marandi), alter ego italien de Jane Fonda, part en reconnaissance et s’approche du carrosse. Mais l’arrivée d’un bataillon de chemises rouges empêche les bandits de détrousser le baron. Babalone surgit soudain dans le champ. Le personnage s’est déguisé en Sicilienne et se fait passer pour la vieille maman de Margherita. Le spectateur, stupéfait, découvre que le génie du mal est un transformiste de talent. L’officier garibaldien tombe amoureux de la belle jeune femme. Croyant saisir sa main, il se trompe et embrasse celle de Babalone. La suite du film enchaînera des gags de même teneur.<br />On retient en particuliers l’interprétation hallucinante de Ciccio Ingracia et Franco Franci. En plus de porter à l’écran les fils du léopard, les deux acteurs ont également la lourde tâche d’incarner les parents des personnages. Ciccio joue le baron tandis que Franco interprète Maria Rosa, la maîtresse du léopard. La pauvre femme est désespérée car le baron, en quête de fortune, l’a délaissée pour épouser la fille d’un riche aristocrate. Après avoir retrouvé par un heureux hasard ses chérubins qu’elle avait abandonnés à la naissance, elle le charge de convaincre leur père de l’épouser.<br /></span><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhvD4fOl2Ctzpt5wTuzb2LX8VU0MJh8Cv658yWlVv-j8ZkPe7orw8H70q8Wyr5P8et4zPF3sx3x0H0csBNxuPTqpe0vf-c-tes2JWofyDqxgDRtM2Vs1WgNJqk1_6WZ1uJq-TQzOQ/s1600-h/Leo+2.JPG"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5008490994926588114" style="FLOAT: right; MARGIN: 0px 0px 10px 10px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhvD4fOl2Ctzpt5wTuzb2LX8VU0MJh8Cv658yWlVv-j8ZkPe7orw8H70q8Wyr5P8et4zPF3sx3x0H0csBNxuPTqpe0vf-c-tes2JWofyDqxgDRtM2Vs1WgNJqk1_6WZ1uJq-TQzOQ/s400/Leo+2.JPG" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Il faut voir avec quelle énergie Franci – équivalent transalpin de Jerry Lewis qu’il plagie sans vergogne – s’investit dans le rôle de Maria Rosa. Ses yeux roulent comme des billes et sa voix de fossé ferait pâlir les meilleurs sopranistes. Son répertoire de grimaces et de mimiques semble inépuisable. A côté de ce cabotin, Louis De Funes passerait pour un catatonique. Hormis cette performance certes douteuse, le principal intérêt du film est de montrer que le Risorgimento, à l’instar du fascisme, est un thème porteur que les cinéastes déclinent dans toutes sortes de registres.<br />Franco et Ciccio sont à la fois chanteurs ambulants, arracheurs de dents et amuseurs publics. Ensemble, ils réitèrent le couple de Laurel et Hardi – le premier est plus petit et trapu que le second. Les pitreries et les maladresses se succèdent ainsi à un rythme effréné. Dans ces conditions, il est bien évident que le Risorgimento ne représente plus qu’une lointaine référence historique.<br /></span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Les fils du léopard</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> tente, à l’instar des </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Cinq journées</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> de Dario Argento, de tourner en dérision les événements qui ont conduit à l’Unité italienne. La différence entre les deux films est pourtant de taille. Argento propose une mise en récit burlesque pour dénoncer avec virulence la révolte patriotique des Milanais. Corbucci recherche seulement la dérision et ne présente aucun regard significatif sur l’histoire. La reconstitution du passé n’est qu’un prétexte pour permettre au réalisateur d’enchaîner des saynètes grotesques prétendument drôles.<br />On décèle malgré tout quelques éléments de représentation de l’aristocratie napolitaine durant l’expédition des Mille. Les nobles soutenant la monarchie bourbonnaise ne semblent pas perturbés par l’arrivée des troupes garibaldiennes. Ils continuent de fréquenter les cercles de jeu et de mener une vie de plaisirs. Les chemises rouges traversent le film sans avoir d’incidence directe sur la population et semblent jouer un rôle de simples figurants. Leur seule utilité est de lutter contre les hordes de brigands, qui infestent la Sicile. Babalone et ses complices profitent néanmoins de la confusion politique pour mener de nouvelles exactions. Ils décident alors d’enlever les deux personnages principaux afin de rançonner leur père. Les troupes de François II rejoignent les bandits dans leur antre et leur demandent de combattre avec eux les partisans de Garibaldi. La scélératesse du roi est double : en plus de laisser proliférer les bandes criminelles, il n’hésite pas à recourir à des moyens illégaux pour lutter contre ses ennemis politiques. Face à un tel comportement, la révolution est bien justifiée.<br /></span><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfQc8edyP2M8Hn1uwfbzIfD1B5oZikNqEKC9u5iCsgPnM46nPR5QkzUitJJQt2esHwmbxqgu8AAqPdSNbRGVi5KkNct1xOQnDC9Sx6r9vEZpGqhfjJUQBYlj6_jyLc82dBtsaubA/s1600-h/Leo+3.JPG"><img id="BLOGGER_PHOTO_ID_5008491085120901346" style="FLOAT: left; MARGIN: 0px 10px 10px 0px; CURSOR: hand" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfQc8edyP2M8Hn1uwfbzIfD1B5oZikNqEKC9u5iCsgPnM46nPR5QkzUitJJQt2esHwmbxqgu8AAqPdSNbRGVi5KkNct1xOQnDC9Sx6r9vEZpGqhfjJUQBYlj6_jyLc82dBtsaubA/s400/Leo+3.JPG" border="0" /></a><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Le film continue de multiplier les analogies avec </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Le</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> g</span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">uépard</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">. le baron s’adonne, tout comme Salina, à plusieurs activités scientifiques. Contrairement à lui, ce n’est pas l’astronomie qui le passionne, mais l’invention d’engins volants. Il conçoit par exemple entièrement une montgolfière, qui permettra de produire un gag désastreux à la fin du film. Le léopard, en contractant un mariage d’intérêt, rappelle également Tancrede, le neveu du prince. La ressemblance ne va cependant pas plus loin. La fiancée, loin de ressemblée au personnage interprété par Claudia Cardinale, est une mocheté dénuée d’intelligence.<br />Margherita, partisane des révolutionnaires, parvient à s’enfuir avec Franco et Ciccio en les déguisant en officiers. Les protagonistes, contrairement à la jeune femme, sont des opportunistes et n’ont aucune conscience politique. Ils crient </span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">« Vive les Bourbon ! »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> face aux soldats de François II et «</span><em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> Vive Garibaldi ! »</span></em><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;"> lorsqu’ils rencontrent des chemises rouges. Dans la séquence suivante, ils sont pourchassés par des garibaldiens qui les prennent pour leurs ennemis. Les protagonistes se dissimulent dans un tonneau de raisin. En ressortant, leur chemise est devenue rouge… C’est au tour de l’armée bourbonnaise de les capturer et de les condamner à mort pour trahison. Ils sont sauvés de justesse par les garibaldiens qui repoussent le bataillon ennemi, composé d’incapables et de lâches, qui se dispersent sans opposer de résistance.<br />La scène la plus ridicule reste celle où Babalone se fait passé pour le baron et s’enfuit avec une cassette remplie de pièces d’or, qui se répandent sur le sol, provoquant la chute « hilarante » de ses poursuivants. Les deux frères ne reconnaissent pas l’imposteur et ont la géniale idée, pour lui venir en aide, de lancer des tartes à la crème à la figure des chemises rouges… Le bandit est finalement arrêté, le baron décide d’épouser Maria Rosa et reconnaît ses deux fils, pour la plus grande joie de leur mère. Tout se termine bien dans cette farce saugrenue, qui rappelle que le cinéma italien eut aussi, durant sa période dorée, ses « Rousseau des ruisseaux ». </span></div><div align="right"></div><div align="right"><strong><span class="Apple-style-span" style="font-family:verdana;">Aurélien Portelli</span></strong></div>Aurélien Portellihttp://www.blogger.com/profile/06514254638821911479noreply@blogger.com0