mardi 16 mai 2006

James Bond à Munich

Spielberg raconte tout d’abord le déroulement de la prise d’otages en mêlant la fiction et les images d’archives. Le montage retranscrit avec efficacité l’effervescence de la presse et de l’opinion internationale. L’intrigue et les intérêts politiques du gouvernement israélien s’interpénètrent judicieusement. Le début du film est très prometteur.
La suite est d'une déception rare.
Munich devient un banal film d’espionnage, où l’histoire et la politique sont totalement occultées, hormis quelques séquences bavardes et simplistes.
La mise en récit historique est d’une pauvreté insoutenable et n’a aucun intérêt. A moins d’être un lecteur assidu de la revue
Commandos et ingénieurs en bombinettes. Ce qui n’est pas notre cas.
Spielberg nous explique la fabrication des explosifs, l’organisation des meurtres et les conflits entre les membres chargés d’assassiner les dirigeants de Septembre noir. C’est du grand divertissement. Mais le réalisateur rappelle le spectateur à l’ordre en insérant de nouvelles scènes sur la prise d’otages. Ces flash-back sont d’un convenu à peine croyable. Ralentis, suppression de la voix
in, musique emphatique. Ce sont les grosses ficelles de la dramatisation.
Il faut également évoquer le personnage principal (Eric Bana), qui n’a absolument aucun relief.
On n’échappe pas non plus aux séquences de vie conjugale. Le héros, tueur de terroristes, a une femme et un bébé. C’est tragique. Il supprime des vies tandis que son épouse lui donne un enfant. Sans doute, Spielberg a voulu attirer les jeunes mères de famille au cinéma. L’intention est honorable. Il veut divertir nos chères mamans.
Mais Munich n’est pas une exception. Il révèle un problème cinématographique récurant. Des réalisateurs s’emparent de sujets dont le potentiel est immense, pour n’en tirer au final qu’une infime goûte de richesse[1]. Le film a évidemment un petit intérêt historiographique, car les décisions et les représailles qui ont suivi le meurtre des athlètes ne sont pas encore bien connues. Pourtant, étant donné que le dossier est encore classé secret-défense par le gouvernement israélien, on peut s’interroger sur la fiabilité des sources de Spielberg.
Le présentisme de l’oeuvre élève légèrement le niveau. Le dernier plan montre au loin une reconstitution numérique des Twin Towers. Spielberg compare subrepticement la traque de Septembre noir avec celle d’Al Qaida. Dans
Munich, l’élimination des dirigeants du groupuscule est présentée comme une absurdité, car elle aboutit seulement à l’émergence ou la promotion de nouveaux terroristes. L’opération Liberté immuable, menée par les Etats-Unis, semble être aussi peu adéquate pour endiguer les risques actuels. En effet, de nouveaux ennemis apparaissent chaque jour dans les territoires occupés par l'armée américaine.
Mais ce plan ne sauve pas le film. Les effets politiques et diplomatiques de la prise d’otages de Munich méritaient mieux qu’un
James bond sur la vendetta israélienne.

Aurélien Portelli
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[1] Ce constat évoque de très loin le problème suscité par Vidocq (Pitof, 2001). Vidocq a inventé le système des indics. Ses mémoires sont un témoignage incommensurable pour retracer l’histoire de la police moderne. Le réalisateur préfère quant à lui confronter l’ancien bagnard à un alchimiste. On attend avec impatience Napoléon contre Gandalf le magicien.

MUNICH
Réalisation :
Steven Spielberg. Interprétation : Eric Bana, Daniel Craiq, Ciaran hinds, Matthieu Kassovitz. Origine : Etats-Unis. Durée : 2h40. Année : 2006.

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