
Le jeune homme est un psychopathe qui, telle l'infirmière de Misery, prend soin de sa victime pour mieux en jouir. Il multiplie les sourires et les paroles rassurantes, s'inquiète de la bonne température du dîner, joue les bons samaritains prêts à pardonner les petits écarts de conduite — en l'occurrence, une fourchette qu'Angela lui plante dans le dos. Comme Bartel dans Calvaire, Thomas perd le sens de la réalité et refuse de concéder à son « hôte » le statut de souffre-douleur. Angela n'est pas considérée comme une prisonnière, mais comme une invitée consentante. Le gardien se présente même comme son bienfaiteur, tentant de lui rendre sa dignité de femme, bafouée par un collègue trop entreprenant. Ce qui ne l'empêche pas, à son tour, de faire de sa protégée un objet sexuel et de la terroriser.
La confusion qui règne dans son esprit est d'ordre professionnel. Confiné dans un boulot peu stimulant, privé d'interlocuteurs, Thomas est l'archétype du frustré, qui observe, depuis sa cabine, les allers et venues des vainqueurs du capitalisme, avocats, hommes d'affaires remplis d'arrogance, munis de « leurs beaux diplômes de merde », habitants du monde d'en haut. La seule puissance qu'il peut exercer est de visionner, sur ses écrans monochromes, des fragments d'existences filmés dans un ascenseur ou au détour d'un couloir, maigre privilège du mateur, condamné à demeurer le spectateur de la vie des autres, sur laquelle il est censé veiller.
C'est là que ce huis clos révèle son intérêt, malgré des effets sonores convenus et une photographie qui n'exploite pas suffisamment les gammes de clair-obscur du parking. Dans un plan, on peut lire l'inscription sur la porte de la cabine de Thomas : « Security », cette divinité qui finit par se retourner contre ses propres idolâtres. Il faut dire que la rancœur et l'isolement ne font pas bon ménage. Thomas décide de prendre sa revanche sur les nantis et de se rendre maître du corps d'Angela, qu'il convoite depuis des mois. L'utopie sécuritaire est donc renversée — les auteurs reprennent un peu le thème développé par Romero dans Le Territoire des morts, où les riches pensent se prémunir des zombies dans leur résidence hautement sécurisée.
La situation extrême à laquelle est confrontée Angela réveille son instinct de survie. Et comme dans La colline a des yeux, la victime se met à absorber l'énergie destructrice de son persécuteur et parvient à en user contre lui. L'ange, d'abord immaculé, se retrouve souillé de sang des pieds à la tête. Nul n'est immunisé contre la rage. 2e sous-sol est ainsi une œuvre efficace qui propose, par-delà son inventaire de comportements névrotiques, une synthèse intelligente du cinéma d'horreur actuel.
La situation extrême à laquelle est confrontée Angela réveille son instinct de survie. Et comme dans La colline a des yeux, la victime se met à absorber l'énergie destructrice de son persécuteur et parvient à en user contre lui. L'ange, d'abord immaculé, se retrouve souillé de sang des pieds à la tête. Nul n'est immunisé contre la rage. 2e sous-sol est ainsi une œuvre efficace qui propose, par-delà son inventaire de comportements névrotiques, une synthèse intelligente du cinéma d'horreur actuel.
Aurélien Portelli
Jeune cinéma, n°315-316, printemps 2008, pp. 120-121.
P2.
Réalisation : Franck Khalfoun. Scénario : Alexandre Aja, Grégory Levasseur. Photographie : Maxime Alexandre. Interprétation : Rachel Nichols, Wes Bentley, Simon Reynolds (USA, 2008, 98 min.).
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