Sur le plan esthétique, Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal est une réussite. La beauté des cadrages et de la lumière (la prédominance des teintes jaunes et ocres souligne constamment le thème de l'Eldorado), l'utilisation magistrale de la profondeur de champ, démontrent la virtuosité de Spielberg et la rigueur de ses techniciens. On retrouve par contre les faiblesses scénaristiques — énigmes basiques, répliques élimées, situations prévisibles — propres aux productions Lucasfilm. L'histoire, comme dans les précédents opus, est construite autour de bagarres et de poursuites répétitives dont la puérilité n'apporte évidement rien au déroulement de l'intrigue, et encore moins à la psychologie des personnages. Le duo Ford/Labeouf est bâti sur la même logique que le duo Ford/Connery dans La Dernière Croisade : celle du conflit générationnel entre un père et son fils. L'opposition entre les deux héros du film est schématique et fonctionne péniblement. Les autres protagonistes sont quasiment laissés en friche. L’ex-maîtresse et le collègue archéologue apparaissent seulement pour agrémenter les dialogues et produire quelques situations vaguement comiques. La représentation des méchants est encore moins élaborée. Les lieux communs sur les Soviétiques se succèdent : il s'agit d'un peuple « naturellement » génocidaire (cf. le massacre des indigènes), qui remplace donc sans encombre les nazis — puisque l'action se situe cette fois durant la guerre froide. Plusieurs séquences nous montrent par ailleurs une Amérique submergée par la terreur rouge, et viennent nuancer le manichéisme du scénario. Mais les égarements des Yankees ont leurs limites : contrairement à leurs ennemis, ce ne sont pas des exterminateurs. Le professeur Jones vit apparemment dans un monde où les guerres indiennes n'ont pas eu lieu...
Certains rétorqueront que le cinéma d'évasion peut se permettre ce genre de facilités et que le dernier Indiana Jones est un divertissement irréprochable. On ne peut certes nier le plaisir de retrouver la mélodie de John Williams ou le chapeau du célèbre baroudeur. L'émotion des retrouvailles s'estompe cependant bien vite pour céder la place à une impression d'embaumement. Le cinéaste multiplie les clins d'œil rappelant les anciennes aventures d'Indiana (un plan dévoile une partie de l'Arche d'alliance, un autre montre une photo de Connery, etc.). Le parfum de nostalgie qui émane de la visite guidée du musée Jones finit néanmoins par s'étioler, tant l'ensemble paraît poussiéreux. Spielberg mise sur les mêmes effets sans tenter d'apporter la moindre nouveauté à la saga, hormis quelques points de détails et un glissement significatif vers la SF. Le délire roswellien qui s'empare du film ne suffit pourtant pas à donner un second souffle au personnage interprété par Ford. Le jeu de l'acteur manque d'ailleurs cruellement de tonicité, et achève de fossiliser le mythe créé par Lucas et Spielberg.
Jacques Lourcelles qualifiait Le Temple maudit de « super-serial » (cf. Dictionnaire du cinéma, tome III, p. 741-742), car l'œuvre synthétisait, à juste titre, une multitude de genres cinématographiques. Le plaisir associé à ce recyclage intensif des images, ajouté à la pérennité formelle de chaque épisode, représente pour les inconditionnels le principal atout de la série. Et c'est justement cette vision du cinéma d'aventures, voire même du cinéma tout court, qu'il faut bousculer en amont comme en aval, afin de rafraîchir les conventions et les attentes liées à ce type de superproduction.
Aurélien Portelli
Jeune cinéma, n°317-318, été 2008, pp. 122-123.
Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull
Réalisation : Steven Spielberg. Scénario : David Koepp. Photographie : Janusz Kaminski. Interprétation : Harrison Ford, Cate Blanchett, Karen Allen, Shia Labeouf, John Hurt (USA, 2008, 124 min).
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