vendredi 12 mai 2006

Crazy : l’événement du cinéma québécois

Crazy, succès historique au Québec (1 million de spectateurs et récompenses en cascade), est le portrait d’une famille ordinaire. Ordinaire mais nombreuse. La mère a eu cinq fils, qui n’ont absolument rien en commun.
C’est sur Zachary que les scénaristes ont focalisé leur attention. Les frères ont en effet une part minimale dans le récit (hormis l’aîné), ce qui détache davantage le personnage principal des autres et accentue son isolement.
Zac n’assume pas ses tendances homosexuelles. Il les rejette, car elles n’ont aucune place dans son univers. Il les refoule surtout pour ne pas heurter son père, le héros de sa vie.
Le titre « C.R.A.Z.Y » rassemble dans l’ordre les initiales de chaque enfant. Zac, l’avant-dernier numéro, est littéralement compressé par son environnement familial, comme le suggère la juxtaposition des lettres. Symboliquement asthmatique, il risque l’asphyxie dès que se développe sa part androgyne. Sa lutte se fait dans le silence et non dans la revendication. La musique de Bowie est son exutoire, le moyen pour lui de trouver un second souffle salvateur.
On apprécie particulièrement la description originale de cette famille ouvrière, dont l'épaisseur se manifeste à l’écran par l’accumulation de meubles, de tissus et d’accessoires représentatifs d’une classe sociale en pleine mutation dans les années 1970. Sans aborder l’aspect économique, le film met en lumière la déstructuration de la cellule familiale, à travers l’évolution des valeurs et les ravages de la drogue.
Jean-Marc Vallee dirige brillamment ses acteurs. L’interprétation n’est jamais archétypale, pas plus que le scénario ou la réalisation. Avec audace, le cinéaste ne s’enferme jamais dans un seul registre, et opte pour une mise en scène éclectique et ingénieuse. Le film gagne en fraîcheur ; ce qui, il faut le dire, n’est pas un luxe car le thème abordé n’est pas nouveau (cf. notamment l’excellent
Velvet Goldmine, réalisé en 1998 par Todd Haynes).
Crazy est une réussite car il décline avec originalité une problématique sexuelle qui, dans les mains d’un autre, aurait donné une redite sans aucune saveur.
Aurélien Portelli

C.R.A.Z.Y
Réalisation :
Jean-Marc Vallee. Interprétation : Michel Cote, Marc-André Grondin, Danielle Proulx, Maxime Tremblay. Origine : Canada. Durée : 129 min. Année : mai 2006.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai particulièrement apprécié ce film et la façon dont la découverte de son homosexualité par un jeune garçon est traitée. Le personnage de Zach et très bien fouillé, aussi bien dans l'enfance que dans l'adolescence. En effet, le réalisateur a pris son temps en s'attardant sur son personnage principal enfant, et en montrant dès son plus jeune âge la découverte de sa tendance homosexuelle et son rejet. Ce film traite également d'une façon très intéressante la relation père-fils au travers de ce thème de l'homosexualité. Le père est un héros qu'il ne faut pas décevoir. Si les autres personnages du film ne sont pas très importants on peut cependant mettre l'accent sur la mère, avec laquelle Zach a une relation très profonde, même fusionnelle, et qui est celle qui accepte le mieux la différence de son fils; ainsi que sur l'ainé, Raymond, que Zach excècre, et qui est cependant peut être celui qui va le plus lui faire prendre conscience de son homosexualité. Si le sujet est effectivement bien connu dans le cinéma, le réalisateur a une façon de le traiter peu banale. De plus, l'accent des interprètes et leurs expressions typiquement quebecquoises sont un véritable régal pour le public français.