vendredi 2 juin 2006

Désormais, Almodovar rimera avec nanar

Durant Volver, on ne peut s’empêcher de penser à la dernière partie des 101 nanars de François Forestier. Le journaliste avance, dans cette magistrale anthologie du cinéma navrant – mais hilarant nous dit le sous-titre – qu’aucun cinéaste majeur n’est intouchable. Almodovar n’échappe pas à cette règle. Mais est-il seulement un cinéaste majeur ? Voici l'unique question intéressante qui ressort de Volver, le film le plus affligeant du festival de Cannes de cette année.
Un plan en plongée nous montre Raimunda (Pénélope Cruz) qui lave la vaisselle dans l'évier, mais qui n’oublie pas de faire gigoter sa généreuse poitrine. Le message est aussi vertigineux que son décolleté :
« Regardez, nous dit implicitement le réalisateur, regardez cette femme ravissante qui doit faire la boniche alors qu’elle a des gros seins ». Le thème principal de Volver vient d’être lancé à la figure du spectateur, incrédule.
Pénélope Croix n’a pas une vie facile. En plus d’avoir perdu sa maman chérie, elle doit beaucoup travailler pour nourrir son mari et leur fille Paula. Vraiment beaucoup. Elle ne plaisante pas. Elle frotte la tombe de sa mère, elle frotte le sol de l’aéroport, elle frotte la vaisselle, elle frotte quoi.
Un soir, en rentrant à son domicile, elle découvre le corps ensanglanté de son mari qui est étendu dans la cuisine. Pénélope pousse un hurlement. Elle va devoir encore frotter le sol. Le doute n'est plus permis : la jeune femme est victime d'une malédiction vaudou.
C’est Paula qui a poignardé papa. Il faut dire que l'odieux personnage a tenté de la violer. Forcément, la petite écarte ses jambes en s’asseyant sur un fauteuil et se déshabille sans fermer la porte de sa chambre. Même si on connaît le réalisateur depuis longtemps, les arguments d’Almodovar restent assez douteux…
Mais on découvre par la suite que son père… n’est pas son père.
« Ca compte pas alors ! » se dit le spectateur, un peu déçu ; lui qui croyait se taper une bonne satyre sociale autour du thème de l’inceste… Eh bien non, il avait raison ! Second coup de théâtre, que l’on voit arriver à la vitesse de la lumière : c'est Pénélope qui, en fait, a été violée par son papa (le vrai).
Et on est reparti dans l’almodovarisme habituel, regorgeant d’intrigues perverses et de rebondissements abracadabrants. Après Pénélope en bonne sœur qui attrape le sida en couchant avec un travesti dans
Tout sur ma mère (délirant non !), voilà Pénélope en mère courage. Car il en faut du courage pour élever sa fille qui est également sa petite sœur (oui, il faut suivre). Mais le meilleur est à venir.
La maman de Pénélope (la vraie) est morte. Eh bien non, elle est vivante ! La salle est sous le choc. La mère s’est cachée pendant des années, et revient maintenant pour demander pardon à son enfant de ne pas avoir remarqué l’amour très profond que son géniteur lui témoignait. Mais Pénélope a du flaire. Avant d’avoir le moindre soupçon, elle entre chez sa sœur (la fille que son papa a eu avec sa maman, pas la sienne) et reconnaît l’odeur des pets puants de sa mère. La grande classe Pedro ! On remercie tout de même le cinéaste de nous épargner la pétarade des prouts. C’est qu’il en était capable l’animal. Pour accentuer l’émotion et faire couler la larmichette au coin de l'oeil médusé du spectateur, Almodovar ne se lasse pas de filmer le regard pétillant de Pénélope.
« Regardez-la comme elle pétille la Pénélope, elle devrait devenir actrice ! ». Oui, elle devrait.
Puis, on a droit au concert flamenco, et inévitablement, la protagoniste se met à chanter.
« Ecoutez-la, elle aurait pu devenir chanteuse, si seulement la vie n’était pas si moche ! ». Mais la vie est dure Pedro, tout comme le critique peut l’être à l’égard de Volver, qui est un foutoir de thèmes inexploités.
On cite, pêle-mêle, la mort apprivoisée, la coloration des cheveux, l’inéluctable fuite du temps, la maladie d’Alzheimer et le cancer, le transport nocturne de frigo, la copine prostituée (le réalisateur n’allait pas s’en priver, il a déjà difficilement renoncé au travesti), le chômage et la picole, le rapport mère-fille, le rapport fille-mère, la préparation des cocktails, le vrai et le faux inceste, et enfin la télé-poubelle (Almodovar peut se le permettre, il milite pour le bon goût).
Wong Kar-Wai et son jury ont fait preuve d’un sens inouï de l’ironie en accordant à ce navet le prix du scénario à Cannes. Ce qui est certain, c’est qu’avec Almodovar, le pire n’est jamais décevant. Que François Forestier se rassure, on vient de retrouver le 102e nanar.

Aurélien Portelli

VOLVER
Réalisation :
Pedro Almodovar. Interprétation : Pénélope Cruz, Carmen Maura, Lola Duenas. Origine : Espagne. Genre : comédie très dramatique. Durée : 2h01 de pur délire. Année : 2006.

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