La femme qui se poudre est le premier court-métrage expérimental du plasticien Patrick Bokanowski, tourné en noir et blanc et en 16 mm. Un fond noir obscurcit les contours du cadre, dans lequel apparaît un allo lumineux où évoluent plusieurs personnages à l’aspect grotesque. Le champ filmique est perçu à travers un voile vaporeux qui renforce l’étrangeté de l’œuvre, tandis que les nombreuses surimpressions et animations accordent à la bande-image une ambiance onirique. Les axes sont variés et l’échelle des plans est extrême. Le montage alterne ainsi des gros plans, qui révèlent des visages difformes, et des plans de grand ensemble, où vient se perdre une lointaine silhouette.
La bande-son, qui résulte du mixage de divers frottements, crissements et clapotis, accentue l’atmosphère oppressante du film. Cette musique expérimentale remplace les dialogues. Bokanowski juge que les paroles sont trop riches et qu’elles n’ont pas leur place dans ses films. Pour lui, elles produisent un système sauvage de signes qui nuisent à la perception des images. Ses courts et moyens-métrages sont donc toujours muets.
Ses conceptions concernant les focales sont audacieuses. « Dans La femme qui se poudre, nous dit-il, ce monde d'objets fabriqués, c'était pour compenser les objectifs. C'est comme ça, je voulais les faire pour que ça ressemble effectivement à un dessin, un monde effectivement très loin du monde habituel. Moi, je le fabriquais, puisque je le fabriquais par morceaux, les pièces, les costumes, les perspectives, et j'avais vraiment le sentiment que c'était bien, que je montrais bien ce qu'est la vie quotidienne ».
La texture des images rappelle en partie le cinéma primitif des années 1890. Le cinéaste opère un retour aux origines. Comme pour signifier le besoin de revenir à la pureté du cinématographe, aux formes encore embryonnaires et indéterminées.
Ses conceptions concernant les focales sont audacieuses. « Dans La femme qui se poudre, nous dit-il, ce monde d'objets fabriqués, c'était pour compenser les objectifs. C'est comme ça, je voulais les faire pour que ça ressemble effectivement à un dessin, un monde effectivement très loin du monde habituel. Moi, je le fabriquais, puisque je le fabriquais par morceaux, les pièces, les costumes, les perspectives, et j'avais vraiment le sentiment que c'était bien, que je montrais bien ce qu'est la vie quotidienne ».
La texture des images rappelle en partie le cinéma primitif des années 1890. Le cinéaste opère un retour aux origines. Comme pour signifier le besoin de revenir à la pureté du cinématographe, aux formes encore embryonnaires et indéterminées.
L’utilisation de la lumière est une notion clé chez Bokanowski. Celle-ci sculpte chaque image de La femme qui se poudre. Le cinéaste pose plusieurs questions : d’ou vient la lumière ? Quelle est son utilité dans la construction du plan ? Pourquoi serait-elle ou ne serait-elle pas visible ? L’éclairage clignote parfois et disparaît totalement. Certains personnages surgissent des ténèbres, tandis que d’autres restent tapis dans l’ombre. Pourquoi une telle partialité ? L'auteur nous laisse judicieusement dans le doute.
Bokanowski interroge le matériau filmique et les conditions qui rendent possible le cinéma. Il n’est pas foncièrement opposé au cinéma narratif. Mais il pense que la première démarche à entreprendre, afin de rendre possible un récit au sens classique du terme, est d’abord de connaître les propriétés des ingrédients qu’un réalisateur souhaite utiliser.
Une femme se poudre dans une série de plans. La lumière qui vacille révèle l’instabilité du monde. Un plan rapproché montre la femme dont le visage est recouvert de poudre, ainsi qu’un autre personnage qui porte un masque inquiétant. Bokanowski dévoile la mascarade en faisant un arrêt sur image. Il démontre que la forme d’un masque trahit ce qu’un visage veut dissimuler. La poudre du maquillage n’est plus que poudre aux yeux.
Une femme se poudre dans une série de plans. La lumière qui vacille révèle l’instabilité du monde. Un plan rapproché montre la femme dont le visage est recouvert de poudre, ainsi qu’un autre personnage qui porte un masque inquiétant. Bokanowski dévoile la mascarade en faisant un arrêt sur image. Il démontre que la forme d’un masque trahit ce qu’un visage veut dissimuler. La poudre du maquillage n’est plus que poudre aux yeux.
Dans une autre séquence, un personnage se retrouve acculé et agressé par plusieurs individus. La femme qui se poudre vire au cauchemar. La musique est de plus en plus oppressante. Le montage, quant à lui, devient chaotique. Des photographies figées entrecoupent certains plans saccadés, qui sont tout à fait effrayants. La réalité se désagrège complètement. Aucune loi physique ne semble réglementer ce pandémonium. Le spectateur ignore à quel niveau du conscient se situe-t-il. Les images qui défilent devant ses yeux sont semblables à des rêves hantés par des obsessions intraduisibles. Au-delà des artifices cinématographiques, le langage de Bokanowski retranscrit la nature de la matière fantasmagorique dont se nourrissent les songes.
Le film évoque l’incompréhensibilité qui réside à la surface des choses. Les images, tantôt opaques, tantôt lisibles, décontenancent le public habitué à des récits plus traditionnels. Evidence. Le spectateur est bien ennuyé en sortant de la salle de cinéma. Que va-t-il bien pouvoir dire de ce film ? Rares sont ceux qui, spontanément, parlent d’une œuvre en racontant la composition du cadre, la profondeur de champ ou les caractéristiques du montage. Le moyen universel de raconter un film est d’évoquer le scénario et le déroulement de l’intrigue. Ici, c’est impossible. Bokanowski propose un cinéma sans histoire à raconter. Un pur cinéma de la négation narrative.
Le cinéaste met tout le monde d’accord, car La femme qui se poudre, à l’instar d’autres œuvres expérimentales, montre aussi les limites de l’analyse cinématographique. Comment le filmologue peut-il expliquer le plus fidèlement possible ce qui se passe à l’écran ? La démarche semble quasiment vouée à l’échec, car le court-métrage échappe à toute tentative de description. Les images sont là. Elles défilent, se désagrègent, sans que l’écriture puisse les saisir.
Le cinéaste met tout le monde d’accord, car La femme qui se poudre, à l’instar d’autres œuvres expérimentales, montre aussi les limites de l’analyse cinématographique. Comment le filmologue peut-il expliquer le plus fidèlement possible ce qui se passe à l’écran ? La démarche semble quasiment vouée à l’échec, car le court-métrage échappe à toute tentative de description. Les images sont là. Elles défilent, se désagrègent, sans que l’écriture puisse les saisir.
Par ailleurs, est-il possible de comprendre ce que l’on ne peut raconter ? Et pourquoi faut-il toujours « comprendre » ? Le réalisateur souhaite peut-être accroître le registre des sensations auditives et visuelles du spectateur. Il démontrait dès lors que le domaine sensitif doit primer sur celui de l’intelligibilité.
La filmographie de Bokanowski est une boite à outils qui atomise le champ sémantique du cinéma. Celle-ci conduit ainsi le spectateur à expérimenter de nouveaux rapports entre ses facultés perceptives et les images en mouvement qui s'imprègnent dans sa rétine.
La filmographie de Bokanowski est une boite à outils qui atomise le champ sémantique du cinéma. Celle-ci conduit ainsi le spectateur à expérimenter de nouveaux rapports entre ses facultés perceptives et les images en mouvement qui s'imprègnent dans sa rétine.
Aurélien Portelli
LA FEMME QUI SE POUDRE
Réalisation : Patrick Bokanowski. Court-métrage français. Durée : 18 min. Années : 1970-1972.
Réalisation : Patrick Bokanowski. Court-métrage français. Durée : 18 min. Années : 1970-1972.
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